Une exposition monographique très attendue. Itinérante elle se poursuivra à Londres au Victoria and Albert Museum qui a organisé cette manifestation présentant en France la collection des œuvres de cette femme artiste et photographe de l’époque victorienne.
Portrait d’une femme photographe ambitieuse
J’aspirais à capter toute la beauté qui se présentait devant moi et finalement, cette aspiration a été satisfaite.
Margaret Julia Cameron
Henry Herschel Hay Cameron. Mrs Julia Margaret Cameron, 1867
Tirage ALBUMINÉ : © The Royal Photographic Society Collection at the V&A,
acquired with the generous assistance of the National Lottery Heritage Fund and Art Fund.
On a coutume de fixer la date de la naissance de la photographie en 1839.
L’invention remarquable provoque un engouement total et immédiat.
On court tous chez le photographe pour se faire photographier, dès son apparition et dans le monde entier.
La technique se perfectionne rapidement. Non seulement les professionnels de la photographie se multiplient mais des amateurs se mettent à photographier de manière quasi professionnelle.
Margaret Julia Cameron fait partie du nombre de ces autodidactes . Elle devient membre de la Société photographique de Londres en moins d’un an.
De son vivant, elle s’attache à sécuriser pour la postérité son fonds photographique réalisé sur une dizaine d’années, car elle imagine que son œuvre artistique entrera dans les musées et sera vendue après sa mort.
Julia Margaret Cameron croit en elle.
Preuve s’ il en faut, avant de repartir pour Ceylan en 1875, elle sélectionne 70 images parmi les meilleures à ses yeux pour réaliser des tirages au charbon en vue de les préserver.
Elle a eu raison. En effet, au début du xxe siècle aux Etats-Unis, Alfred Stieglitz grand promoteur en 1907 de la photographie « directe, pure qui possède une vérité » admire le naturel sophistiqué de ses images. Il publie ses travaux et contribue à sa reconnaissance. Et c’est Virginia Woolf qui écrira un texte sur celle qui n’est autre que sa grande tante.
Qui a peur de Margaret Julia Cameron?
Mais comment est-elle devenue la plus grande femme photographe de son époque ?
En 1860, J. M. Cameron alors âgée de 48 ans reçoit de la part de sa fille et de son beau-fils un appareil photographique. Cet objet à pour but de lui faire oublier et adoucir leur départ de la maison.
Julia Margaret Cameron I Wait [J'attends], 1872, Tirage albuminé.
© Collection de la Royal Photographic Society au V&A, acquise avec l'aide généreuse du National Lottery Heritage Fund et de l'Art Fund. Museum
Ses modèles au début sont ses enfants et son mari.
Elle expérimente. Elle prend et tire ses photographies elle-même.
Elle privilégie le profil et manie le clair-obscur diffus. L’image floue est sur et sous-exposée.
Julia Margaret Cameron The Astronomer John Frederick William Herschel [L’astronome John Frederick William Herschel], 1867
Tirage albuminé © The Royal Photographic Society Collection at the V&A, acquired with the generous assistance of the National Lottery Heritage Fund and Art Fund.
Ensuite, elle s’attaque aux portraits de ses contemporains en emboitant le pas de la longue tradition des portraits des célébrités. Sa position sociale lui permet de bénéficier de sa proximité avec le poète Alfred, Lord Tennyson, le scientifique Sir John Herschel, le philosophe Thomas Carlyle, et le père de la théorie de l’évolution Charles Darwin.
Julia Margaret Cameron . The Mountain Nymph Sweet Liberty [La nymphe des montagnes, la douce liberté], 1866
Tirage albuminé © The Royal Photographic Society Collection at the V&A, acquired with the generous assistance of the National Lottery Heritage Fund and Art Fund.
Elle continue de photographier sa famille, ses voisins, ses employés de maison de manière artistique en donnant à ses portraits des titres littéraires, historiques et bibliques quand elle ne se sert pas d’eux pour réaliser par exemple des illustrations pour le livre des poèmes Idylls of the King de Tennyson. Des portraits, elle évolue vers des compositions historiques, littéraires ou allégoriques figuratives et se spécialise dans le « portrait vivant ».
Julia Margaret Cameron The Rosebud Garden of Girls [La roseraie des jeunes filles], 1868
Tirage albuminé .© The Royal Photographic Society Collection at the V&A, acquired with the generous assistance of the National Lottery Heritage Fund and Art Fund.
Proche du très célèbre peintre préraphaélite George Frederic Watts, sa photographie fait référence au style des peintres de la Renaissance.
Elle insuffle sa culture classique au nouveau médium.
Julia Margaret Cameron My Grandchild aged 2 years and 3 months 1865 Tirage albuminé
© The Royal Photographic Society Collection at the V&A, acquired with the generous assistance of the National Lottery Heritage Fund and Art Fund.
Un œil féminin
Mère de six enfants, puis grand-mère, son mari soutient son œuvre. La maison est devenue un véritable atelier et laboratoire photographique. Elle convertie la cave à charbon en chambre noire et le poulailler en en atelier.
Julia Margaret Cameron Julia Jackson 1867 Tirage albuminéBibliothèque nationale de France, département des Estampes et photographies
© Bibliothèque nationale de France : © The Royal Photographic Society Collection at the V&A, acquired with the generous assistance of the National Lottery Heritage Fund and Art Fund.
Julia Jackson est la nièce et filleule de Julia Margaret Cameron et la mère de Virginia Woolf dont la sœur est une femme peintre Vanessa Bell.
Avec Margaret Julia Cameron le modèle a juste à être lui-même devant l’objectif.
Si, elle fait partie de ceux qui croient dans la photographie comme un art, elle est néanmoins condamnée par ceux-là même pour son style.
Elle pratique pourtant, comme tous, la technique courante à l’époque au collodion humide sur papier albuminé.
Que lui reproche-t-on ?
Julia Margaret Cameron Call, I Follow, I Follow, Let Me Die! [Appelle et je viens, je viens ! Laissez-moi mourir], 1867 Tirage au charbon
© The Royal Photographic Society Collection at the V&A, acquired with the generous assistance of the National Lottery Heritage Fund and Art Fund.
Qu’elle puisse dessiner sur le négatif afin de le « retoucher », de privilégier le flou artistique, de laisser les rayures et les bavures.
Elle a en réalité inventer une esthétique personnelle en portant un regard moderne sur ses contemporains qui étaient ses proches.
Une vie partagée entre trois cultures : La France, l’Angleterre et les Indes
Elle possède des origines versaillaises, sa grande mère est Thérèse de l’Étang du côté de sa mère où elle passe une courte période d’enfance. Mais, Julia Margaret est née Pattle en 1815 à Cacultta car son père était fonctionnaire dans la région au Bengale. Son mari Charles Hay Cameron est un juriste anglais et réformateur social. Le couple qui a six enfants va en adopter cinq de plus. Ils possèdent une plantation de café en Inde. Ils vont partager leur vie entre l’ile de Wright et Londres en Angleterre et l’Inde. A partir de 1875, ils déménageront définitivement à Ceylan pour s’occuper de leur plantation. Ayant vécu à l’époque de l’empire colonial, elle a su témoigner de tous ceux qui l’ont entouré. Elle meurt en 1879. Et c’est en Amérique qu’elle obtient sa première reconnaissance.
Julia Margaret Cameron A Group of Kalutara Peasants [Un groupe de paysans de Kalutara], 1878 .
Tirage albuminé.© The Royal Photographic Society Collection at the V&A, acquired with the generous assistance of the National Lottery Heritage Fund and Art Fund.
Un point commun à tous ces sujets ce sont ses visages en plan serré qui vont influencer des photographes d’aujourd’hui comme Annie Leibovitz.
Il n’y a aucune distinction entre mon travail et ma vie et je pense que c’était également vrai pour elle. Son œuvre est une célébration de l’amour, ce qui est pour moi la plus grande chose que l’art peut accomplir.
Nan Goldin à propos de Julia Margaret Cameron, 2016
Angel Toutpourlesfemmes