Allons visiter dans le Marais la Galerie Max Hetzler. Elle présente pour la première fois à Paris les peintures et des collages de Grace Weaver, une artiste américaine née en 1989 dans le Vermont qui vit et travaille à Brooklyn, New-York.
Grace Weaver Title tbc, 2023 oil on canvas 279.4 x 210.8 cm.; 110 x 83 in. Inv# 43915.
© Grace weaver | Courtesy the artist and Galerie Max Hetzler Berlin | Paris | London. PHOTO : Thomas Lannes
Mais, avant de nous y rendre quelques mots d’introduction sur la galerie Max Hetzler. De stature internationale, spécialisée dans l’art contemporain, elle est née à Stuttgart en 1974. Elle a lancé des artistes allemands tel Albert Oehlen, Günther Förg où Martin Kippenberger et internationaux de premier plan comme Christopher Wool, Jeff Koons, Robert Gober et Cady Noland entre autres. Elle représente plus de soixante artistes à Berlin, Paris et Londres et offre un espace d’exposition et une résidence d’artistes à Marfa au Texas, USA.
La galerie Max Hetzler engage ses artistes établis et ceux de la jeune génération à dialoguer librement entre eux sans « angoisse des influences ». Les artistes en échangeant renforcent leur confiance en eux-mêmes car ils peuvent prendre conscience de leur altérité et l’affermir. Un champ d’expériences se construit qui sera révélateur du goût d’une époque aujourd’hui rattaché à une ligne esthétique propre à la galerie Hetzler.
L’exposition dédiée à Grace Weaver se divise en deux parties.
Dans la grande galerie très haute de plafond vous pouvez admirer un ensemble de peintures de très grand format.
Dans la petite galerie sont accrochés ses collages de plus petites dimensions.
« Hotel Paintings »
La poésie des petits moments, les petits incréments* qui composent la vie moderne
Grace Weaver
*Incrément signifie une valeur ajoutée à une autre.
Ce sont des scènes intimistes de la vie contemporaine du XXIème siècles conjuguées au masculin et féminin que dépeint Grace Weaver.
Elles les situent dans des chambres d’hôtels qui surplombent les villes.
Elle s’y représente avec son mari.
Elle met en scène son couple.
Lui tient un rôle discret.
Elle a le premier rôle.
Elle crée des bulles visuelles qui nous transportent hors du temps.
Elle ravive le souvenir de la teinte du silence doux qui comme une alliance unit un couple.
Grace Weaver Title tbc, 2023 oil on canvas 279.4 x 210.8 cm.; 110 x 83 in. Inv# 43912.
© Grace weaver | Courtesy the artist and Galerie Max Hetzler Berlin | Paris | London. PHOTO: Thomas Lannes
L’agencement de ses images reste complexe.
Leur construction est savante, même si synthétique, en apparence. Ses peintures affichent une extraordinaire lisibilité.
Les agrandissements que nous faisons chaque jour subir à nos images sur notre téléphone portable, ne sont pas très loin de ses visions. Cette opération mécanique a inventé un regard devenu tellement familier. La distorsion continuelle des échelles quand nous voulons obtenir un gros plan, ne gêne nullement notre compréhension complète de l’image, elle l’augmente. Nous lisons l’image de manière fragmentée comme Grace Weaver use d’une syntaxe fragmentée pour bâtir ses images peintes.
Elle appose des motifs.
Dans ce tableau, elle est représentée assise à une table au premier plan, lui est plus loin. Elle l’observe peut-être dans le reflet d’un miroir, ou bien nous regarde-t-elle ?
Sa thématique nous renvoie à la manière que nous avons de dialoguer avec notre perception de la réalité.
Notre pratique du selfie ou « égoportrait » qui rend compte et diffuse notre quotidien le plus banal et le plus intime, sans gêne, fait écho à ses peintures panoramiques.
L’artiste sait par ailleurs rendre l’état d’âme à travers des moments de la relation à deux. Faire sentir la présence de l’autre même s’il n’est pas inclus dans le champ de l’image. Les œuvres décrivent les heures passées ensemble.
Très naturellement vous pouvez reconstruire une histoire pour vous-même à partir d’un thème universel.
Dans une ambiance Matissienne attachée à l’art de vivre, ses comptes-rendus des minutes de la vie d’un couple dans l’espace clos d’une chambre d’hôtel vous happent.
Grace Weaver Title tbc, 2023 oil on canvas 279.4 x 210.8 cm.; 110 x 83 in. Inv# 43913.
© Grace weaver | Courtesy the artist and Galerie Max Hetzler Berlin | Paris | London. PHOTO : Thomas Lannes
Ses mises en scène sont vivantes.
L’érotisme est présent.
Grace Weaver fait de nombreuses références à la peinture ancienne. A commencer par celle d’Henri Matisse, mais pensez aux vôtres en regardant sa peinture. Je pense à Pierre Bonnard et à son modèle Marthe ou encore à Edward Hopper et sa femme son modèle exclusif…
Grace Weaver fait à son tour entrer dans le panthéon de la peinture son couple, un couple vu par une femme artiste, cette fois.
Grace Weaver Title tbc, 2023 oil on canvas 279.4 x 210.8 cm.; 110 x 83 in. Inv# 43917.
© Grace weaver | Courtesy the artist and Galerie Max Hetzler Berlin | Paris | London. PHOTO : Thomas Lannes
Elle offre des vues aériennes de son couple.
Les corps sont pneumatiques.
Elle use de cadrages qui doivent aux enluminures.
Elle reprend les gestes de la Vénus pudique qui joue entre le montrer et le caché. Elle joue avec la nudité en reprenant les codes de la peinture antique.
La monumentalité des corps fera penser à l’esthétique Byzantine. Dans son style, il y a des accents maniéristes et naïfs qui voisinent avec une parfaite maîtrise de la dimension décorative.
Grace Weaver Title tbc, 2023 oil on canvas 279.4 x 210.8 cm.; 110 x 83 in. Inv# 43918.
© Grace weaver | Courtesy the artist and Galerie Max Hetzler Berlin | Paris | London. PHOTO : Thomas Lannes
Grace Weaver rapporte l’expérience réelle vécue du couple qui doit composer entre la conscience de l’individualité et ses interactions, de ce qui est fusionnel et ne l’est pas.
Sa palette est vive jaune, verte, rose et de teinte sable irisé de lumière. Le dessin est stylisé. La matière à l’acrylique est précieuse. Très sensuelle et abstraite. Une matière qui contente l’œil car elle est dynamique et sans reprise, tracée d’un seul geste sûr et qui se laisse voir généreusement tant il semble facile, sans effort.
Dans cette peinture, encore, le traitement du fond plat évoquera le sol patiné doré des icônes chrétiennes primitives.
Collages et matières sourcées
Elle a voyagé récemment au Maroc : Marrakech, Fès, Essaouira, Casablanca, Rabat et Tanger et en a rapporté ses collages.
L’artiste est allée visiter le musée YSL de Marrakech et s’est plongée dans les motifs de tissus attachés à la culture du Maroc qui marquent le style de ses collages.
Des photographies prises par son mari documentent sa méthode de travail en train de découper, coller et construire ses images réalisées dans les chambres d’hôtel.
GRACE WEAVER Touriste au Maroc, 2022 mixed media on paper 40.5 x 29.7 cm.; 16 x 11 3/4 in. Inv# 40826.
© Grace weaver | Courtesy the artist and Galerie Max Hetzler Berlin | Paris | London. PHOTO : Def_image
Chaque collage figure une femme stylisée, archétype de la touriste en visite au Maroc. Elle glane et récupère des papiers sourcés. Il s’agit d’emballages trouvés dans les pharmacies ou les supermarchés. On reconnait des sacs de Mentos, des robes Tabasco, des jupes Coca-Cola et des petits hauts de fruits tropicaux…
GRACE WEAVER Touriste au Maroc, 2022 mixed media on paper 40.5 x 29.7 cm.; 16 x 11 3/4 in.
Inv# 40827. © Grace weaver | Courtesy the artist and Galerie Max Hetzler Berlin | Paris | London. Photo : Def_image
Elle construit avec la couleur en mettant à l’honneur chaque morceau de papier.
Pour nous, ce sont des souvenirs qu’elle réactive.
On sent bien une référence à l’illustration dans la presse de mode des années 1950. Dans son cas, on peut, néanmoins, parler davantage de peinture-collage.
GRACE WEAVER. Touriste au Maroc, 2022 mixed media on paper. 40.5 x 29.7 cm.; 16 x 11 3/4 in.
Inv# 40804. © Grace weaver | Courtesy the artist and Galerie Max Hetzler Berlin | Paris | London. Photo : Def_image
Ses « Touristes » très à la Niki de Saint-Phalle placent le corps de la femme toujours au centre du collage comme c’est le cas dans sa peinture.
Dans un esprit néo-pop, le vêtement cousu de messages couvre non sans humour parfois un corps rose malabar « Tout à sa joie » !
Il ne vous reste plus que quelques jours pour découvrir cette artiste !
Angel Toutpourlesfemmes