Couturier et créateur de ponts entre l’art et la mode AZZEDINE ALAÏA était aussi un collectionneur qui a rassemblé près de 20.000 pièces de haute-couture et prêt-à-porter à découvrir comme autant de sources d’inspiration dans 3 lieux à Paris.
1. Au Palais Galliera l’exposition « AZZEDINE ALAÏA, COUTURIER COLLECTIONNEUR »
Un couturier collectionneur vous attend au Palais Galliera
Affiche de l’exposition
L’exposition qui se tient au Palais Galliera est organisée en collaboration avec la Fondation Azzedine Alaïa.
Rassemblée au fil du temps et jamais dévoilée de son vivant, pour la première fois, cette collection patrimoniale d’exception réunie par le couturier Azzedine Alaïa est montrée.
Azzedine Alaïa (1935-2017) commence en 1968 à collectionner. Il achète de précieuses pièces. Il débute par celles de la maison Balenciaga. Observez la coupe géométrique de ce costume de bal « Mozart ».
Cristobal Balenciaga, costume de bal « Mozart », porté par le Cavalier de Barbara Hutton au bal masqué
organisé par Charles de Beistegui au Palais Labia de Venise, 4 Septembre 1951. © Patricia Schwoerer /rgmparis
La collection augmente à travers le temps avec des pièces de Worth, Jeanne Lanvin, Jean Patou, Christian Dior, Madame Grès, Paul Poiret, Gabrielle Chanel, Madeleine Vionnet, …
Madeleine Vionnet, robe du soir « Petits chevaux », haute couture, vers 1924. © Patricia Schwoerer /rgmparis
Azzedine Alaïa a fait énormément pour faire reconnaitre l’œuvre de Madeleine Vionnet dont la technique le fascinait caractérisées par des mousseline, tulle arachnéen, velours dévoré et crêpe. Mais aussi … l’immense Elsa Schiaparelli l’inspire.
Elsa Schiaparelli, robe du soir, haute couture, automne-hiver 1934 © Patricia Schwoerer /rgmparis
Cette créatrice dont l’œuvre reste tellement liée aux artistes de son époque le passionne au point qu’il va collectionner tous les modèles les plus étranges de celle qu’on nommait « Schiap ». La création contemporaine est aussi représentée dans l’exposition par des pièces de Jean Paul Gaultier, Comme des Garçons, Alexander McQueen, Thierry Mugler ou encore Yohji Yamamoto…
Comme des Garçons, robe, prêt-à-porter printemps-été 2014. © Patricia Schwoerer /rgmparis
A l’aube des années 80 Azzedine Alaïa acquiert en effet des œuvres de créateurs qui lui étaient contemporains, tel Issey Miyake ou Yohji Yamamoto, …
Azzedine Alaïa est montré aujourd’hui comme un chercheur de formes, un curieux. Il a réuni aussi des œuvres de couturiers et couturières oubliés mais inscrits pourtant dans les livres d’histoire. L’activité des ateliers et les savoir-faire qu’il estimait et que la fondation aujourd’hui préserve est un véritable cadeau et une source d’inspiration pour la création d’aujourd’hui.
Au total, le créateur-historien a rassemblé plus de 20 000 pièces qui partent de la naissance de la haute couture à la fin du XIXème siècle et nous conduisent jusqu’à certains de ses contemporains actifs en haute couture ou prêt-à-porter.
Depuis de nombreuses années, j’achète et je reçois les robes, les manteaux, les vestes qui témoignent de la grande histoire de la mode. C’est devenu chez moi une attitude corporative de les préserver, une marque de solidarité à l’égard de celles et ceux qui, avant moi, ont eu le plaisir et l’exigence du ciseau. C’est un hommage de ma part à tous les métiers et à toutes les idées que ces vêtements manifestent.
Azzedine Alaïa
2. Au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris: Une alcove dédiée à la mode et à Matisse
En face du Palais Galliera, vous attend également au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris dans la Salle Matisse, 3 costumes de scène dessinés par Henri Matisse pour les Ballets russes en 1919.
Henri Matisse, costume de scène pour les Ballets russes, première représentation donnée le 2 février 1920 . © Patricia Schwoerer /rgmparis
Invité par les Ballets Russes et Serge Diaguilev, Matisse crée pour la première fois des costumes de scène dans les années 1920. Il perçoit ce projet comme une expérience. En mélangeant le style abstrait et une inspiration orientalisante, il donne libre cours à son imagination pour faire ces costumes des « Pleureurs » dans le spectacle aux motifs géométriques triangulaires qui ont retenus encore une fois l’œil aigu d’Azzedine Alaïa.
Le costume est placé devant un des projets de décor mural réalisé à Merion, Pennsylvanie aux Etats-Unis par Matisse : « La Danse ». Il a exécuté en 1930 sur les murs de la fondation du célèbre collectionneur américain Abert Barnes, la version parisienne en plus grand.
3. A la Fondation Azzedine Alaïa une exposition : « ALAÏA / GRÈS »
Vue de L’EXPOSITION © Stéphane Aït Ouarab
Et pourquoi pas ne pas présenter une exposition associant les œuvres de Madame Grès à celles d’Alaïa ?
C’est ce que vous découvrirez à travers 60 créations exposées dans un esprit de dialogue entre Grès et Alaïa considérés tous deux comme des « sculpteurs » dans le monde de la mode.
Alaïa de Tunis à Paris, de 1979 à 2017 : Collectionner - Créer
Alaïa, Haute Couture Été 1991 © Andrea&Valentina
Germaine Emilie Krebs dite Grès (1903-1993) anagramme du prénom Serge de son mari, est la couturière qui fonde la Maison Grès en 1942. Elle impose une mode de drapés à l’antique, de plissés sophistiqués et cette inimitable sensation aérienne visuelle d’ensemble. Il faut savoir qu’Alaïa possédait 700 modèles de Grès.
Cette robe est un hommage aux canons de Grès revisités et réinterprétés en ses termes à lui.
Vue de l’exposition © Stéphane Aït Ouarab
Pour Grès comme pour Alaïa, il s’agit de sculpter une silhouette avec des tissus et des ciseaux. Le sculpteur use du ciseau et d’un marteau pour attaquer le marbre. Le couturier use du ciseau et de la coupe pour donner naissance à sa forme.
Pour éveiller le regard, je vous propose ce petit exercice Haute-Couture.
Dans l’exposition observez et comparez les modèles entre eux : que voyez-vous ?
- La ligne formelle : droite, ceinturée, …
- La coupe
- Les accords de tissus
- Les couleurs
- Les robes du soir
- Les robes de jour
- Les intemporelles
- Les hors du temps
- Les merveilleuses
- Celles que vous aimeriez porter….
Azzedine Alaïa, Paris, 1989 © Peter Lindbergh
Retenez de ce virtuose et de tous ces génies de la mode le sens de la coupe, des matières et des couleurs. Admirez chez Azzedine Alaïa en particulier cette maitrise de l’assemblage comme cet art de réinventer une silhouette aussi improbable que sobre.
Souvenez-vous des ponts bâtis entre la mode et l’art, notamment celui de la sculpture. Rappelez-vous aussi que l’histoire de la mode se rattache à l’histoire des mentalités comme à celle de nos conceptions de la beauté.
Je me souviens… avoir porté les pulls d’hiver d’Azzedine Alaïa : Je me sentais protégée. Aucune contrainte. Je me sentais libre dans une armure de teinte rose framboise construite en aplats. Un pull en laine rigide et souple. Bâtit au cordeau. Le pull montait jusqu’au cou et s’évasait autour du corps sans le dessiner. J’ai le souvenir d’une forme radieuse sous un ciel d’azur cet hiver là quand je le portais sur les pistes enneigées.
Et vous que porteriez-vous ? Et pour aller où ? Quels sont vos souvenirs à vous ? Et pour le soir et pour le jour, laquelle choisisseriez-vous ?
Angel Toutpourlesfemmes
