'De l'avenir des femmes peut naître celui de l'Europe.'
Europe : à l'heure de la présidence française de l'Union, 'La clause de l'Européenne la plus favorisée', portée par le mouvement 'Choisir' établit un état des lieux des législations concernant plus particulièrement les femmes dans les 27 pays de l'UE. A vous d'opter éventuellement pour le pays où, en tant que femme, vous vous sentiriez la mieux protégée.
Préfacé par Gisèle Halimi
*- Gisèle HALIMI
a conçu le projet et dirigé les séminaires.
Violaine LUCAS
a coordonné les travaux et établi le manuscrit final.
AUTEURES :
Odile ARPIN, Directrice dans la fonction publique territoriale
Julie BONNIER-HAMON, Avocate
Agnès DEFAUX, Responsable juridique
Séverine DUPAGNY, Juriste
Anne DUSSAULX, Avocate
Sophie FAŸ, Plasticienne
Faye FISCH, Juriste et élève-avocate
Aimée GOURDOL, Formatrice en informatique et syndicaliste
Stéphanie LE GAL, Sociologue
Clotilde NORMAND, Avocate
Barbara VILAIN, Conseillère en assurance et syndicaliste
ont analysé, comparé, rédigé les textes
et recueilli les interviews des 27 pays.
- Les rencontres politiques, la prise d'interviews et
les séminaires se sont déroulés de Juillet 2006 à Avril 2008.
, cet ouvrage est le fruit d'un gros travail d'étude des législations. Trois ans d'enquêtes menées dans chacun des 27 pays de l'Union européenne ont permis de présenter celles qui sont les plus favorables aux droits des femmes à travers cinq grands thèmes (accès au travail , droit à la contraception , égalité des salaires, éducation sexuelle).
Prendre ce qu'il y a de meilleur dans chaque pays pour le transférer à tous : un beau projet aux coeur des valeurs européennes. Femmes d'Europe : une pour toutes, toutes pour une !
La préface de Gisèle Halimi
Le meilleur de l'Europe pour les femmes
Comment une telle idée a-t-elle pu germer à un moment
où la majorité des Français, dans un bloc eurosceptique, voyait
l'Europe comme un monstre froid, bureaucratique, gouverné
par des gouvernants désignés par d'autres gouvernants ?
Je me relis. Edito paru dans notre revue Choisir la cause
des femmes (Nº 41 —, mai-juin 1979) Titre : « Je ne veux pas
comprendre l'Europe, je veux la changer. » La couverture du
bimensuel affichait la couleur : une carte de l'Europe des 9 :
« Quelle Europe pour les femmes ? », en gros titre et la photo,
en médaillon, de Jacqueline Nonon
*Ancienne Déléguée nationale à la Condition féminine. Mais chef, à l'époque,
du Bureau de l'Emploi des femmes à la Commission européenne.
. Cette dernière affirme :
« Il n'y avait rien dans le Traité de Rome qui concernait les
femmes. Seul l'article 119 prescrivait l'égalité des salaires... »
Quant à moi, j'écris : « Notre objectif, je l'appellerai la Clause
de la citoyenne la plus favorisée. Chaque citoyenne devra
bénéficier du « statut » le plus progressiste, le plus juste, le
plus féministe en vigueur dans un pays membre.(...) Le
nivellement, dans l'Europe des femmes, doit se faire par
le haut. Et il n'en sera ainsi que si nous nous en mêlons activement.
Pour cela, aucun besoin de séminaires savants,
d'explications orientées. (...) »
Je devais beaucoup, dans ma réflexion, aux articles d'une
de nos Européennes convaincues, Jeanine Alexandre-Debray
*Ancienne Sénatrice, auteure de Élections à l'Assemblée européenne : un
objectif majeur et de Je suis féministe.
,
mais aussi à un fait politique majeur : pour la première fois,
en 1979, l'élection au suffrage universel de l'Assemblée européenne.
Avec cette Assemblée l'espoir d'un changement qualitatif
important prenait forme. Faire démocratiquement l'Europe des peuples et non celle des États et de leurs gouvernements.
Mais à condition que les femmes y prennent leur part
de responsabilités. J'entrevoyais, par la légitimité du suffrage
universel, la naissance d'une Europe qui ferait de la citoyenne
de chaque État membre une Européenne à part entière.
L'Europe ne pouvait qu'être bâtie par les hommes et les
femmes, en commun. Sinon, qui pouvait en attendre un avenir
de progrès et de paix ?
Quelques mois plus tard, les féministes italiennes demandèrent
à la Commission européenne d'adopter une Directive
communautaire étendant à tous les États le droit des femmes
de choisir de donner la vie.
Il m'a semblé alors urgent d'aller jusqu'au bout de ce que
d'aucunes qualifiaient d' « utopie ». De transformer un idéal
d'unité pour les femmes d'Europe par le haut, en un projet
législatif commun.
Première démarche : « le découpage » des domaines où les
femmes devaient se faire reconnaître des droits spécifiques.
L'ensemble, nous l'avons appelé « la Charte des femmes
d'Europe ».
Du droit de donner la vie —, liberté de nos libertés —, à celui
de l'égalité professionnelle et politique, en passant par ce que
nous avions nommé « Identité, dignité (femmes battues,
femmes violées, femmes prostituées) ». Huit titres, au total.
Dont la paix, l'environnement, l'abolition de la peine de
mort...comme on le voit, nous avions fait bonne mesure et
c'était notre honneur.
Dépasser dans notre étude notre seule condition révélait
d'une manière irréfutable que nous nous reconnaissions aussi
responsables de l'avenir du monde. Militant depuis toujours
pour l'abolition de la peine de mort, « Choisir » plaçait d'emblée
son combat pour les femmes au niveau de l'universel et
d'une avancée indispensable de civilisation. Un monde où la
société coupait les hommes en deux —, dernière exécution par
la France, le 28 juillet 1976 —, de sang-froid et au nom du
peuple, ne pouvait coïncider avec l'avancée des femmes.
Bataille essentielle. Tellement essentielle d'ailleurs qu'aucun
pays de l'Europe d'aujourd'hui, celle des 27, n'a discuté ce qui
ne pouvait l'être au fond : pour postuler et s'intégrer il fallait
avoir aboli la peine capitale.
Mais qui pouvait affirmer que du point de vue des compétences
et des procédures européennes, cette exigence entrait
bien dans les programmes communs ? Celles et ceux qui, comme
nous, ne conçoivent l'Europe que comme un instrument
d'évolution continue vers plus de progrès et plus de justice.
Ce qui donne à réfléchir (avec optimisme) à l'avenir
concret de notre Clause.
Délaissée un temps pour des combats d'urgence au plan
national —, la lutte contre le viol, l'égalité salariale, la parité en
politique... —, l'entreprise fut retardée par une « équivoque »
politique. L'alternance qui, en France, fit accéder la gauche au
pouvoir augurait-elle ipso facto d'un « accomplissement féministe
» en Europe, comme certaines le soutinrent ? La Clause
partit aux oubliettes.
D'autant qu'élue députée à l'Assemblée nationale comme
Présidente de Choisir la cause des femmes et soutenue par le
Parti socialiste, je déposai un certain nombre de propositions
de lois en faveur des femmes. Quelques-unes restèrent dans
les cartons tandis que d'autres, reprises sous une autre forme
par le ministère des Droits des femmes se heurtèrent aux
limites très strictes posées par le Président de la République.
Un Président qui prônait en Europe « un espace social » mais
qui rechignait au remboursement de l'IVG par la Sécurité
sociale et ne voulait rien entendre quant au sort particulier
des Européennes. Maastricht (1992) laissa donc les féministes
sur leur faim. Et la « Clause » regagna la zone d'un passé qui
n'engloba jamais notre Histoire.
En 2005, le séisme du double NON au Traité constitutionnel
européen (France et Pays-Bas) façonna d'une
certaine manière les volontés politiques dans leur projet
d'Europe.
Oui à l'Europe mais non à l'Europe implacable des capitaux,
des délocalisations catastrophiques, du droit du plus fort.
Pour les féministes européennes que nous sommes, initier
un changement de progrès pour les femmes dans cette
nouvelle union géopolitique nous parut, d'évidence, le but
prioritaire. Il nous fallait construire un droit des femmes plus
juste, plus égalitaire, plus unitaire que celui, en un ordre
dispersé, des 27 pays membres d'aujourd'hui.
Dans une Europe forte de son unité et respectueuse de ses
différences, unir les femmes entre elles. Toujours cimenter
vers le haut, vers le meilleur. Ce programme, je le ressentis
comme celui de l'avenir. Avenir des femmes certes mais aussi
celui d'une certaine Europe.
De l'énoncé de notre Charte nous avons retenu, en grande
partie, le programme des séminaires (contrairement à ce que
j'écrivais en 1980, nous avons dû nous livrer, collectivement, à
un travail en profondeur continu) qui nous ont occupées pendant
près de deux ans. La huitième et dernière partie de cette
Charte, la Clause de l'Européenne la plus favorisée, nous
l'avions ainsi dessinée : « Mécanisme qui permettrait à
l'Européenne de bénéficier du statut le plus élevé pour les
femmes déjà en vigueur dans un pays de la Communauté. » À
cette définition proposée en mai 1980, qu'ajouterions-nous
en février 2008 ?
Rien pour le principe. Mais une tâche plus vaste, plus
importante, englobant les analyses comparatives des législations
des 27 pays nous attendait. Il nous a fallu aussi tenir
compte des mutations européennes et d'une Europe en pleine
expansion géographique, de la chute du mur de Berlin et de la
fragmentation de l'empire de l'Est. Enfin nous nous sommes
tenues à une exigence essentielle : une projection en réseau.
Pour cela, interroger sur notre projet des grands témoins (officiel(
le)s et militant(e)s) dans chacun des pays européens.
Recueillir les suggestions, les encouragements, les réserves...
Le tout consigné, non sans difficultés, dans des interviews
d'une extrême variété.
Pourquoi d'abord le droit ? Parce que je crois, avec le R.P.
Lacordaire, qu' « entre le fort et le faible, c'est la liberté qui
opprime et la loi qui affranchit ».
Et que l'Europe demain, ne peut être celle de la liberté des
concurrences (loi qui opprime) au détriment de la loi qui protège
et donne des droits aux femmes, les faibles de tous les
systèmes (loi qui affranchit).
Contre la loi de la jungle, celle de l'égalité et du respect de
tous.
L'idée —, simple —, consiste à « visiter » dans les 27 pays
les lois concernant spécifiquement les femmes, et pour cela,
délimiter les domaines de nos recherches. Violaine Lucas,
coordinatrice opiniâtre, les a énumérés avec rigueur. Ils sont
cinq et couvrent pratiquement la vie d'une femme dans ses
choix privés (procréation, famille), son travail, sa participation
au pouvoir politique. Y ajouter —, hélas —, le chapitre dramatique
de la violence subie sous toutes ses formes.
Nous avons ensuite moissonné. Je veux dire retenu dans
tel ou tel pays telle ou telle loi qui apparaissait comme nettement
en progrès par rapport au reste de l'Europe.
Grand pays ou pays moins influent. Pays fondateur en
Europe ou nouvellement entré dans l'ensemble. Pays riche ou
pays en voie d'équilibre. Peu nous a importé. Seules les considérations
objectives du meilleur pour les femmes nous ont
guidées. Espagne, France, Suède mais aussi Belgique,
Danemark, Estonie, Lituanie ou encore Pays-Bas. Tel est,
raisonné, chiffré, expliqué, le choix de Choisir.
Nous nous sommes tenues à la règle que nous nous étions
fixée : puiser dans le droit positif, existant et fonctionnant
dans le pays sélectionné. Ne pas créer « ex nihilo » de nouvelles
lois mais cueillir les meilleures parmi celles qui font
aujourd'hui leurs preuves dans un pays européen.
Car si elles sont bonnes, dans leur application et dans leur
avancée pour les femmes en Espagne, pourquoi ne le
seraient-elles pas en Italie ? Si elles prospèrent en Suède,
pourquoi pas aux Pays-Bas ou en France et, somme toute,
pour l'Europe ?
But et moyen : unir, par le droit, les femmes aux femmes.
Un droit européen unique pour 253 millions de citoyennes.
Un formidable symbole, une force exemplaire, un potentiel
de synergie important.
Ce bouquet législatif, composé des lois les plus avancées
en pratique aujourd'hui en Europe pourrait, devrait évoluer
vers le meilleur, vers le progrès, tout en restant la loi
européenne des femmes. Toujours dans la même démarche
analytique et collective.
Mais j'entends, nous avons entendu, les voix discordantes.
Toutes ne sont pas antiféministes ou de parti pris. Beaucoup
sont de bonne foi. La plupart font valoir la difficulté de mettre
en musique européenne —, traduisez de trouver la procédure
adéquate —, une Clause acceptable par les 27.
Et d'abord la compétence. Ne touchons-nous pas, objectent
les gardiens du temple originel, aux domaines de la seule
compétence des États ? N'allons-nous pas transgresser les
textes européens ?
Barbara Vilain et Faye Fisch nous expliquent que la compétence
de l'Europe s'est façonnée progressivement, à partir
de la Communauté du charbon et de l'acier en 1951. Et si
nous en sommes si loin aujourd'hui, c'est que les nouvelles compétences se sont imposées sans texte, par approches
successives, dans un registre purement pragmatique. Et
nécessaire pour plus d'union.
Quel texte autorisait l'Europe à ne s'ouvrir qu'aux pays
ayant, avant toute autre condition, aboli la peine de mort ?
Mieux et plus qu'un texte sans doute, la vision d'une humanité
bannissant la barbarie à visage légal. L'existence de la Convention
européenne des droits de l'homme a servi d'habillage pseudojuridique.
Et quelle procédure adopter, pour mettre sur les rails une
telle Clause ? Qui en prendrait l'initiative ? Le Conseil ? Le
Parlement européen ? Les immobilistes, les sans-imagination,
les arrière-gardes, les timorés de tous bords se renfrognent,
font grise mine. Mais je dois le reconnaître ils ne furent pas
nombreux, lors de nos rencontres. Au contraire, l'idée séduisait
de plus en plus et la recherche de sa traduction, dans le
réel, prédominait.
Toujours, nos juristes inventent et proposent des pistes,
quand il s'agit de progrès. Et ces pistes deviennent « les
modes d'emploi » dont nous avons besoin. Nécessité fait
souvent loi.
Dans ce domaine, rien ne m'a semblé aussi fort que l'émergence
d'une volonté politique. L'Europe, à juste titre, s'enorgueillit
d'avoir défendu, sur des points importants, la cause
des femmes. Saura-t-elle, en faisant sienne la Clause de
l'Européenne la plus favorisée, apporter aux yeux de centaines
de millions d'Européens la preuve qu'elle n'est pas seulement
l'instrument de l'économique pur mais l'irremplaçable
construction de l'unité, du progrès et de la solidarité des
peuples ? Une voie lui est offerte : octroyer le meilleur aux
Européennes. C'est-à-dire à une majorité encore traitée en
minorité discriminée.
Un test mais aussi un avenir à valeur d'exemple. Avec
comme règle, la recherche du plus haut niveau des droits
dans la dynamique du progrès.
Construire une Europe apaisée, sans affrontement, tel est
le ciment qui nous lie.
Mais cela ne s'identifie en rien à une Europe sans désirs,
sans forces convergentes, impuissante à projeter une autre
société que celle d'aujourd'hui. Celle-là, nous n'en voulons
pas.
Certes, les forces économiques continueront de veiller
aux frontières du changement. Mais le changement social
équilibré et, s'agissant de la population féminine, ouvertement
culturel (car engendrant celui des mentalités) pourra s'imposer.
De l'avenir des femmes peut naître celui de l'Europe.
- Gisèle HALIMI
- Présidente de Choisir la cause des femmes
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- La clause de l'Européenne la plus favorisée
- Antoinette Fouque
- Éditions Des femmes
- 33/35, rue Jacob - 75006 Paris
- tél : 01 42 22 60 74
- Site Éditions Des femmes
- 18€
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Voir aussi :
- Europe : remember...
- Proportions de femmes pour 100 hommes dans les pays de l'Union Européenne
- Temps de travail en Europe : qu'en pensent les Français ?
- La « directive retour » adoptée par le Parlement européen
- Rôle moteur des femmes dans la croissance de l'emploi en Europe
- Développement durable : la France en progrès mais peut mieux faire
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