Entretien avec Florence Maruéjol, égyptologue, à propos de l'exposition Toutankhamon

Enseignante en égyptologie à l'Institut Khéops à Paris, auteure de nombreux ouvrages sur l'histoire, l'archéologie et la civilisation de l'Egypte, Florence Maruéjol a participé à plusieurs fouilles dans ce pays. Elle répond à nos questions à propos de l'exposition 'Toutankhamon, son tombeau et ses trésors' à laquelle elle a collaboré et qui se tient à Paris jusqu'au 1er septembre 2012.


© Isabelle Morizot


- En quoi cette exposition « Toutankhamon, son tombeau et ses trésors » est-elle une initiative unique ?

Il y a déjà eu des expositions avec ce principe d'adopter des répliques. Mais, l'exposition « Toutankhamon, son tombeau et ses trésors » se distingue par l'ampleur du choix des objets présentés sur 4500 m2 et notamment des grosses pièces qui ont été reconstituées, comme les chapelles qui contenaient les cercueils ou encore les sarcophages. Donc, un choix d'objets qui permet d'évoquer ce qu'était vraiment la tombe du roi Toutankhamon qui a régné comme pharaon de la XVIIIe dynastie (Nouvel Empire) en Égypte ancienne de 1333 à 1323 av J.C.. Dans la première partie de l'exposition, les objets sont mis en situation. L'idée est de permettre au visiteur de se glisser dans la peau de l'archéologue britannique Howard Carter au moment où il a fait cette découverte absolument unique dans la Vallée des rois, en 1922.

- Le fait de présenter cette exposition en France a-t-il une résonance particulière ?

La France a un rapport assez privilégié avec l'Egypte depuis la campagne militaire qu'y a menée Napoléon Bonaparte entre 1798 à 1801. Cette campagne militaire s'était doublée d'une véritable campagne scientifique. Bonaparte avait emmené avec lui plus de 150 savants pour faire un inventaire complet du pays, et notamment de ses monuments antiques.

Ensuite, bien sûr, il y a eu Jean-François Champollion qui en 1822, a déchiffré les hiéroglyphes de la Pierre de Rosette. Et par la suite, au milieu du XIXème siècle, une présence française très affirmée en Egypte puisque c'est un Français, Auguste Mariette, qui est à l'origine de la fondation, en 1858, du Service des Antiquités en Egypte, chargé de protéger les monuments, d'organiser les fouilles, à une époque où il y avait absolument tout à faire. Et Auguste Mariette est également à l'origine de la fondation du musée du Caire, aujourd'hui le plus riche du monde en œ,uvres égyptiennes.

De nos jours, l'égyptologie française, toujours présente en Égypte, par exemple à Tanis , à Saqqara , à Karnak ou dans les oasis, n'a rien perdu de son dynamisme.

Donc, il existe des liens très privilégiés entre La France et l'Egypte depuis la fondation même de l'égyptologie. Ce qui fait qu'il y a dans notre pays toujours un intérêt très marqué pour l'Égypte et pour les expositions autour du sujet.

- Combien de temps a-t-il fallu pour réaliser cette exposition ? La situation récente en Egypte a-t-elle entrainé des difficultés particulières à sa réalisation ?

Il a fallu près de cinq ans pour préparer cette exposition qui dévoile au public plus de 1000 objets funéraires, prévus pour accompagner le jeune pharaon dans son voyage dans l'au-delà. Il s'agit d'une exposition itinérante qui est déjà passée dans différents pays. Il y a eu toute une élaboration dans le choix des pièces à faire réaliser. Un aspect intéressant de l'exposition : ce sont des ateliers égyptiens qui ont fabriqués les répliques sous supervision scientifique. Les égyptiens ont donc été parfaitement associés à cette présentation et sont responsables de la qualité des pièces dont certaines ont vraiment éblouis même des égyptologues. Par exemple, il n'y a pas de « faute d'orthographe » dans les hiéroglyphes représentés.

La situation récente en Egypte n'a pas entrainé de difficultés particulières pour l'exposition dans la mesure où la majorité des pièces avaient été réalisées avant les événements que l'on connaît.

- « Toutankhamon, son tombeau et ses trésors » présente des reproductions. Est-ce à dire que désormais il n'est plus possible de présenter au public des pièces originales ?

Une exposition avec des grosses pièces originales devient impossible, essentiellement pour des questions de conservation. Sortir d'Egypte des pièces comme les chapelles, ce serait les massacrer. Un grand nombre d'objets sont trop lourds, trop fragiles, ou trop précieux pour résister aux exigences d'un voyage. De plus, l'attrait touristique pour le culturel croissant risque d'entraîner la dégradation des sites et des objets concernés, qu'il s'agisse de tombeaux égyptiens ou de la grotte de Lascaux.

La principale préoccupation doit être désormais la préservation de ces trésors, afin de les léguer aux générations futures.

Par ailleurs, les coûts des assurances liés au transport des pièces deviennent faramineux et difficiles à amortir.

Bref, on peut dire qu'il n'est plus possible de voir des pièces originales que de manière ponctuelle et pour des objets de taille relativement réduite.

Pour toutes les raisons évoquées plus haut, doit-on privé le public de tous ces trésors ? Les répliques réalisées sous la supervision d'un comité scientifique comme c'est le cas pour « Toutankhamon, son tombeau et ses trésors » constituent une solution qui permet de réaliser de grandes expositions.

- En tant qu'égyptologue, quel est, à votre avis, le principal apport de la découverte le 4 novembre 1922 par Howard Carter du tombeau de Toutankhamon ?

Pour la première fois, on a découvert le contenu pratiquement complet de la tombe d'un pharaon alors que le pillage d'autres tombes, déjà du temps des pharaons, ne l'avait pas permis. C'est une des découvertes les plus considérables de l'archéologie. Même si, plus tard, l'égyptologue français Pierre Montet a mis au jour, au nord-est du delta du Nil, plusieurs tombes inviolées de pharaons et dignitaires de l'Égypte antique qui renfermaient un trésor d'une exceptionnelle valeur.

Depuis 1922, jamais n'a faibli la fascination qu'exercent les milliers d'objets présents dans le tombeau de Toutankhamon, les cercueils en or et les chapelles, les masques et les bijoux du roi, les objets de très grande qualité artistique. Au fil du temps, cette découverte nous renseigne aussi de plus en plus sur la vie quotidienne du pharaon.

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Biographie

Florence Maruéjol est titulaire d'un doctorat en égyptologie de l'université Paris IV-Sorbonne. Elle a participé à des fouilles dans la Vallée des Reines et mené des recherches sur le terrain dans le temple de Karnak. Enseignante à l'Institut Khéops à Paris

*Institut Khéops : 42-44 Rue du Fer à Moulin 75005 Paris
01 44 24 87 90
, elle donne régulièrement des cycles de cours et des conférences sur l'histoire, l'archéologie et la civilisation de l'Égypte. Elle a abordé des sujets tels que 'Les temples de Deir el-Bahari', 'Les tombes de dignitaires thébains', 'Le temple d'Amon-Rê à Karnak' ou encore 'L'expédition d'Égypte'. Elle est notamment l'auteur de Thoutmosis III et la corégence avec Hatchepsout aux éditions Pygmalion, de L'Égypte ancienne pour les nuls et de L'amour au temps des pharaons aux éditions First, de Dieux et rites de l'Égypte antique aux éditions La Martinière, de Au temps des pharaons et de l'Encyclopédie Junior Égypte aux éditions Fleurus, du Dictionnaire de l'Égypte ancienne et du Trésor de Toutankhamon aux éditions Casterman.


Pour en savoir plus :

Livres :
- Jaromir Malek, Les trésors de Toutankhamon, Sélection du reader's Digest, 2011
- Nicholes Reeves, Toutankhamon, Vie, mort et découverte d'un pharaon, Errance, 2003

Site du Griffith Institute à Oxford et les archives de la découverte

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Lire également :
- 'Toutankhamon, son tombeau et ses trésors' : Derniers jours
- 'Toutankhamon, son tombeau et ses trésors' : Repères chronologiques
- 'Toutankhamon, son tombeau et ses trésors' : Glossaire

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- 'Toutankhamon, son tombeau et ses trésors'
- Jusqu'au 1er septembre 2012
- Paris Expo-Porte de Versailles- Pavillon 8
- Accès :
Métro : ligne 12 Tramway : ligne T3, T2 Bus : lignes : 39 —, 80 Parking sur place
- Horaires :
de 11h à 19h
- Tarifs (de 12,90 à 15,90 €, audio guide inclus) :
lundi : Tarif unique : 12,90 € Tous les jours sauf lundi : Adultes : 15, 90 € Enfants (de 5 à 14 ans) : 12,90 € Enfants (- 5 ans) : gratuit (accompagné d'un adulte) Famille (2 adultes + 2 enfants de 5 à 14 ans) : 52 € Enfants (- 5 ans) : gratuit (accompagné d'un adulte)
- Réservations :
0 892 050 050 (0,34 € / mn) www.viparis.com, www.fnac.com, www.ticketnet.fr, et points de ventes habituels


Organisation :

Semmel Concerts premium exhibitions en accord avec Encore B et TS3.



Par Nicole Salez

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