Plus que quelques jours pour aller admirer l'exposition 'Femmes artistes' qui se tient au château de Chamerolles (Loiret) jusqu'au 19 août 2012. Cette riche présentation rend un hommage haut en couleurs à ces femmes que bien souvent l'Histoire a ignorées ou failli ignorer. Voici quelques unes de leurs histoires dans l'Histoire.
L'Histoire semble bien ingrate, rechignant à reconnaître à leur juste valeur ces artistes. 'Femmes artistes' replace leurs œ,uvres sous la lumière qu'elles méritent. Pour une Artemisia Gentileschi, combien de femmes peintres anonymes au XVIIème siècle ? Si Élizabeth Vigée-Lebrun est passée à la postérité sous la houlette de la reine Marie-Antoinette, la renommée de sa grande rivale Anne Vallayer-Coster est bien inférieure, malgré une œ,uvre dont la qualité n'est pas à débattre.
Avant le XVIIème siècle, celui des Lumières, pour prétendre à être artiste, une femme doit se prévaloir de la protection et de l'enseignement d'un homme. Filles ou nièces, puis épouses d'artistes, elles restent soumises aux techniques de l'atelier familial. Elles créent dans l'ombre des hommes.
Très vite, elles se spécialisent dans la peinture de genre, puisque la « grande » peinture d'Histoire ne leur est pas accessible, monopolisée par les hommes.
Virtuoses dans leurs domaines, elles rivalisent avec les plus grands, de Chardin à Fragonard. Fait encore méconnu aujourd'hui, beaucoup de femmes s'illustraient dans l'art de la nature morte.
Au lendemain de la Révolution française, le statut des femmes reste inchangé, malgré quelques privilégiées qui accèdent à la liberté de création. Portraits, miniatures, scènes de genre, Inès d'Esménard, Virginie Rousseau ou encore Urèle Peigné excellent dans leurs domaines.
Anne Vallayer-Coster, à la cour de Louis XVI, rivalise avec Chardin et séduit Diderot.
Clara Peeters, figure exceptionnelle tant par sa rareté, sa virtuosité et son parcours (elle est autodidacte) vit et peint à Anvers dans la première moitié du XVIIème siècle. Fleurs, coupes d'orfèvrerie, coquillages, elle sublime et poétise les objets du quotidien.
La Belle Époque voit fleurir le talent de nombre d'artistes femmes dont l'origine sociale est de plus en plus variée : « Il y a sans doute trop de femmes artistes, dira-t-on, la femme est faite pour le foyer, mais hélas, ce n'est pas en leur ôtant le moyen de satisfaire une noble passion qu'on leur donnera l'envie de filer la laine » Marie Bashkirtseff, 1881
Marie Bashkirtseff sait de quoi elle parle : cette artiste d'origine ukrainienne fut toute sa vie contrainte par la passion de créer : écrire, sculpter, peindre. Elle aura laissé, avant sa mort à l'âge de 28 ans, un témoignage pointu et acéré de la difficulté d'être une femme artiste dans un XIXème siècle français.
Tout au long du XIXème siècle, malgré le poids des conventions qui régissent le Second Empire et les débuts de la IIIème République, elles prennent de plus en plus de place aux Salons Officiels, y obtiennent du succès. Elles entrent dans les Académies de peinture qui leur sont ouvertes, celles de Julian et du peintre Léon Cogniet (sous l'égide de sa femme, Caroline Thévenin-Cogniet), qui leur permettent d'étudier le nu, même si les Beaux- Arts leur sont inaccessibles jusqu'en 1897.
Amélie Beaury-Saurel, Susan Durant, Camille Claudel, Rosa Bonheur, Mary Cassat, Madeleine Lemaire, Louise Abéma... Au tournant du XXème siècle, les femmes peintres et sculpteurs sont académiques, impressionnistes, iconoclastes. Elles participent aux grands courants, obtiennent des prix au Salon. Provinciales désargentées ou grandes figures de la bourgeoisie parisienne, elles commencent à compter dans le paysage artistique.
Parmi elles, Rosa Bonheur. Elle fut la première femme à recevoir la Légion d'honneur, en 1865. Elle apprit les rudiments de la peinture avec son père, artiste, professeur et saint-simonien, c'est-à- dire assoiffé de justice sociale.
Elle poursuivit ses études dans l'atelier de Léon Cogniet pour enfin devenir l'un des monstres sacrés de son temps dont la réputation atteignit les rivages de l'Angleterre et des États-Unis.
Elle puisa ses sujets favoris dans son observation passionnée de la nature et des animaux, et surtout de leur contact permanent.
« J'avais pour les étables un goût plus irrésistible que jamais courtisan pour les antichambres royales ou impériales. Vous ne sauriez-vous douter du plaisir que j'éprouvais de me sentir lécher la tête par quelque excellente vache que l'on était en train de traire ».
Ses dons lui permirent de donner vie et émotion au moindre sujet animal, à qui elle attribue une âme qui répond à la sienne et dont le regard s'éclaire sous son pinceau.
Rosa Bonheur s'habillait en homme , elle portait le pantalon comme George Sand pour imposer au monde, volontiers machiste, ses idées féministes et vivre ses passions librement.
Rosa Bonheur vécut et travailla au Château de By, à Thomery, en compagnie de ses deux fidèles amies, Nathalie Micas tout d'abord et, après la mort de celle-ci, Anna Plumpke, jeune étudiante en peinture qui ne la quitta plus après l'avoir rencontrée pour une interview et faire son portrait.
L'exposition 'Femmes artistes' consacre une section majeure à cette peintre naturaliste et à son atelier.
Les impressionnistes et le combat pour l'art moderne
Berthe Morisot, belle-soeur admirative d'Edouard Manet, Mary Cassat, qui reçoit les éloges d'Edgar Degas, et Eva Gonzales se lancent à corps perdu dans l'aventure impressionniste et le combat pour l'art moderne, en réaction à l'académisme déjà dépassé.
Un XXème siècle sous le signe de la féminité
Les modernités et les avant-gardes du XXème siècle sont favorables aux femmes. A Montmartre puis à Montparnasse, le Paris artistique bruisse des échos de l'impressionnisme, du cubisme et du fauvisme.
« L'art féminin est devenu un art majeur et on ne le confondra plus avec l'art masculin » Guillaume Apollinaire, Chroniques
Marie Laurencin, la « Muse du Bateau-Lavoir », vit une histoire passionnelle et tumultueuse avec Guillaume Apollinaire, fréquente Picasso et le douanier Rousseau. Elle illustre les écrits des poètes de son temps, devient la portraitiste de la bourgeoisie intellectuelle et artistique.
Les avant-gardes se bousculent : Kiki de Montparnasse, Alice Halicka, Tamara de Lempicka, Natalia Gontcharova côtoient et échangent avec leurs compagnons en peinture Fernand Léger, Foujita, Zadkine, Vlaminck.
Après-guerre, dans le creuset du féminisme porté par Simone de Beauvoir à Saint-Germain-des- Prés, le droit de vote enfin acquis, c'est l'heure pour les femmes artistes de faire entendre leur voix. Elles parlent à travers leur art, en créant des œ,uvres violentes, engagées artistiquement, iconoclastes et résolument hors-normes.
L'heure pour Niki de Saint Phalle, compagne de Jean Tinguely, pour Rotraut, muse et modèle d'Yves Klein, de concevoir des œ,uvres difficiles, rebelles et fondamentales, dans un dialogue créatif et enrichissant avec leurs compagnons. L'heure aussi pour Jeanne-Claude et Christo, côte à côte, d'emballer le monde et de bouleverser l'art contemporain, l'ouvrant au grand public.
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Sylvie Buisson, commissaire de l'exposition
- Exposition 'Femmes artistes'
passion, muses et modèles
- Jusqu'au 19 août 2012
- Grande Halle du Château de Chamerolles (Loiret)
- Château de Chamerolles 45170 Chilleurs-aux-Bois
- Le château est ouvert en juin tous les jours, sauf le mardi, de 10h à 18h sans interruption. Et du 1er juillet au 31 août, tous les jours de 10 h à 18 h sans interruption.
- Téléphone : 02 38 39 84 66
- Site web : www.chateau-chamerolles.com
- Accès :
Par la RD2152 (ex RN152) : à 30 km au nord d'Orléans et à 120 km au sud de Paris par l'A10, sortie Artenay. Par l'A19 : sortie Ecrennes (à 8 km de Chilleurs-aux-Bois). Coordonnées GPS de Chilleurs-aux-bois :
N 48.05932° (latitude) - E 2.16499°(longitude) Parking à proximité
- Tarifs :
Tarif : 6 euros (inclut la visite du château et l'accès au parc) Tarif réduit : 3 euros
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