D’origine écossaise Georgia Russell est née en 1974 à Elgin. Diplômée du Royal College of Art à Londres, elle vit et travaille à Méru, près de Paris. Elle expose ses dernières œuvres aujourd’hui à la galerie Karsten Greve Paris qui la représente depuis 2010.
IGeorgia Russell dans son studio à Méru Photo: Nicolas Brasseur - Courtesy Galerie Karsten Greve Köln, Paris, St. Moritz
Bonjour Madame Russell !
Angel : Parlez-nous de ces toiles invisibles en organza qui surprennent l’œil.
Les invisibles, répond, Georgia Russell, sont des toiles que l’on ne voit presque pas. Quand la lumière du jour ne les touche pas, on les voit à peine.
J’aime bien cette idée de quelque chose d’imperceptible.
J’aime bien cette idée d’une toile presque comme une ombre.
J’aime bien cette idée d’une toile qui n’est pas là.
Les traits sont un peu troublants dans mes tableaux, ils s’entrecroisent.
On ne sait pas trop ce qui est derrière et ce qui est devant.
Mais ce que j’aime par-dessus tout, c’est quand la lumière naturelle du jour se déplace plus particulièrement pendant une demi-heure, une heure sur le tableau.
Georgia Russell Sans titre 2022 Organza tendu sur châssis 201 x 201 x 10 cm
Photo : Gilles Mazzuferri Courtesy Galerie Karsten Greve Köln, Paris, St. Moritz
Angel : La lumière se déplace : voulez-vous préciser ?
Georgia Russell : On fait l’expérience du temps et de la lumière dans nos vies.
Mon tableau est vraiment actif seulement une heure ou une demi-heure par jour, explique l’artiste. Dans nos maisons, dans nos appartements, le matin il peut y avoir une jolie lumière à une certaine heure. Tu apprécies et puis c’est parti. Le tableau est visible donc durant ce temps précisément limité dans la journée. C’est ce que j’adore.
Angel : « L’outrenoir » de Soulages réalisé avec un seul pigment produit une surface soumise à la réflexion de la lumière. Vous vous intéressez aussi à l’assimilation de la lumière sur « l’état de la surface » dans votre œuvre. Cette grande œuvre en organza en noir et blanc fait penser à…
Georgia Russell Sans titre Gouache et acrylique sur organza, tendu sur châssis 201 x 201 x 10 cm
Photo : Gilles Mazzuferri Courtesy Galerie Karsten Greve Köln, Paris, St. Moritz
C’est très Pierrette Bloch mais pourquoi pas ? s’écrit-elle
Angel : Pierrette Bloch et Pierre Soulages amis intimes de longue date !
DEFINITION : « L’organza est un tissu transparent, brillant et rigide qui possède un toucher sec. Il peut être constitué de soie, de nylon, d'acrylique ou de polyester. Il convient aux tenues de mariage mais aussi pour la décoration. »
Georgia Russell : Utiliser ce textile synthétique, l’organza, précise Georgia Russell, en fait du polyester, c’est aussi parler des matériaux qui existent aujourd’hui, que l’on a en abondance.
Angel : Quittons, si vous le voulez bien, l’organza et venons-en à la toile sur châssis. La découverte il y a quelques années de votre œuvre à la Galerie Karsten Greve fut un choc. L’aspect monumental et la finesse graphique de vos paysages dominait. La couleur semble prendre le pas aujourd’hui et même aller jusqu’à investir les côtés de vos toiles. Parfois sont accolés deux toiles sur châssis. Le tableau pourrait être vu de face et sur ses côtés, c’est fait exprès ?
Photo CB Deux êtres ensemble selon Georgia Russell 2022
Georgia Russell : Oui ! Avant on ne voyait pas en général les profils des œuvres car les cadres les cachaient. C’est comme « deux êtres ensemble ».
C’est très important que l’on sache qu’il y en a deux.
L’œuvre devient très sculpturale.
Un vrai objet.
Et, on voit comment il est fait. On peut voir comment est faite la peinture et se dire : « Ah oui, elle a fait ça, le bleu d’abord ». Je me demandais toujours cela quand j’étais petite … Ils ont mis quoi d’abord ?
Moi je me dis aussi que ces deux toiles accolées, c’est un peu comme « deux personnalités », qui se rencontrent. Ces deux panneaux peuvent symboliser cela. J’aime aussi cette idée que les « deux personnes » sont obligées de s’entendre.
Les tableaux doivent être placés à 8 ou 10 cm du mur pour introduire un jeu d’ombre.
Georgia Russell Sans titre 2022 Acrylique et gouache sur toile 200 x 250 x 14 cm
Photo : Gilles Mazzuferri Courtesy Galerie Karsten Greve Köln, Paris, St. Moritz
Angel : Vous mettez combien de temps pour faire un tableau ?
Georgia Russell : Il y en a qui marchent plus vite que d’autres. 1 mois, 3 semaines… Enchaîne-t-elle »
Angel : Certaines de vos œuvres évoquent cordages, filets ou tissus aux mailles larges. Pouvez-vous nous parler de votre technique ?
Georgia Russell Sans titre 2022 Acrylique et gouache sur toile 116 x 148 x 9 cm
Photo : Gilles Mazzuferri Courtesy Galerie Karsten Greve Köln, Paris, St. Moritz
Georgia Russell : Au début, je me suis dit, je peins d’abord la toile, puis je la tends sur des rails après je la découpe au scalpel enfin je monte l’ensemble. Et puis je repeins la surface. Mais il n’y a pas de règles.
Angel : Qu’avez-vous essayé de montrer à travers cette nouvelle série de tableaux ?
Georgia Russell : Je voulais exprimer les éclats de la lumière un peu comme dans le vitrail des églises et aussi la lumière qui flotte sur l’eau. La lumière à la surface de l’eau. Et, même l’eau la nuit… J’ai essayé avec ces nouvelles toiles évidées que je dessine au scalpel de faire apparaître ce sentiment de transparence de la lumière aussi présent dans la peinture ancienne.
Portrait de l’artiste 2021 Photo: Lisa Busche
Courtesy Galerie Karsten Greve Köln, Paris, St. Moritz
Angel : Comment l’art est entré dans votre vie ?
Georgia Russell : C’était une évidence. Ma tante était prof d’art. Et je savais qu’elle faisait ça. Moi je bricolais et je dessinais la famille. Je faisais des croquis. A la place d’écouter la maîtresse. Je dessinais dans les marges de mes livres. Dès que j’avais un crayon dans la main, j’aimais ça. C’était là. Je ne peux pas l’expliquer autrement.
On habitait à la campagne et il y avait une grange. Mon papa étant architecte, ils ont rénové une ancienne maison. J’étais dedans avec lui. J’ai tout bricolé avec lui. C’était plutôt très manuel. Pas très académique, je dirai.
Il y a des poèmes écris sur les murs de la galerie à côté de vos œuvres dans votre exposition.
POEME :
Tout est encore trop lourd et humide désorientant air épaissi de pollen Internet traversant des creux entre des troncs d’arbre Je refais le même parcours encore et encore par le vallon vers le vieil étang au cas où ce serait utile ou peut-être au cas où la répétition n’existerait pas
Graeme Bezanson
Georgia Russell : On a parlé un peu de poésie avec Monsieur Grève durant ma dernière exposition. Et, il a dit : Pourquoi pas demander à un jeune poète de faire un texte, connaitrais-tu quelqu’un ? J’ai dit et bien oui. J’en connais un. Graeme Bezanson. C’est un ami d’enfance. Nos parents étaient amis en Ecosse. Il est venu ici à Méru dans mon atelier et il a écrit ce poème.
Un dialogue poésie peinture à découvrir de tout urgence !
Angel Toutpourlesfemmes