La plus méconnue des grandes villes italiennes
Turin, capitale du baroque, capitale mondiale du design est la plus méconnue des villes italiennes. Sa renommée de ville industrielle lui colle encore à la peau. Ce que l'on sait peu, c'est que la capitale du Piémont recèle de véritables trésors d'architecture, d'œ,uvres d'art et de gourmandises. Au confluent du Pô et de la Dora, cette ville olympique à dimension humaine, sort de l'ombre.
Discrète, sobre parfois jusqu'à l'austérité, mais toujours élégante, Turin n'affiche pas insolemment ses atours, comme ses brillantes voisines, Milan, Rome ou Florence. Tout en nuances, l'art de vivre turinois, un des plus séduisants d'Italie, est fait de retenue et d'une discrétion de bon aloi qui se déchiffre jusque dans l'architecture.
Turin l'insaisissable
« Pour comprendre Turin, me confie Laura, guide et amoureuse de sa ville natale, il faut savoir que tout y est caché. Turin n'étale pas ses richesses, il faut les mériter » Les plus belles demeures se protègent derrières d'austères murs de briques et on ne découvre leur richesse qu'une fois à l'intérieur , les cafés historiques ne dévoilent leurs salles habillées de marbre, de dorures, de stuc et de lustres de cristal qu'une fois franchi le seuil d'un modeste bistrot de province. Turin est la ville italienne qui compte le plus de Ferrari et pourtant je n'en verrai aucune dans les rues. Versace a dû fermer boutique, verdict sans appel : mode trop tape à l'œ,il, Hermès est la marque favorite des Turinois. Seule l'époque Liberty a réussi à laisser quelques belles empreintes excentriques sur le corso Francia.
La tâche n'est donc pas aisée pour un visiteur qui musarderait nez au vent , il faut être initié, il faut aller au-delà des apparences !
Un baroque tout en retenue
Première capitale royale italienne, Turin est un modèle d'harmonie, de symétrie, de rigueur et de tranquille assurance avec son tracé urbain au cordeau, ses rues où tous les édifices de même hauteur, bâtis à l'identique, se reflètent comme dans un jeu de miroirs. Point de marbre, rien de clinquant, la brique nue omniprésente dans un style baroque très sobre. Mais sous ce visage de ville raisonnable, est tapie une perle baroque.
Turin la discrète dissimule ses innombrables palais royaux, ses nobles demeures et ses foisonnantes églises baroques derrière des façades modestes et anonymes au-delà desquelles se dévoilent d'incroyables richesses. Ainsi l'église San Lorenzo de Guarino Guarini ne se devine qu'à sa coupole et cache une débauche de trésors baroques à couper le souffle.
Une ville qui ne craint pas d'afficher ses paradoxes
Contrastes entre les cafés branchés tels le Mood, café librairie aux allures lounge ou le Hafa Café à l'ambiance italo-mauresque, et les petits « caffés » centenaires où brillent lustres de Murano et comptoirs à l'ancienne.
Contrastes entre le faste intérieur des palais baroques et la sobriété des collections d'art contemporain qu'ils abritent, tel palais de Rivoli du XVII qui est l'écrin du plus grand musée d'art contemporain italien.
Contrastes encore entre les styles qui se font écho, baroque retenu ou échevelé, lignes strictes de l'architecture industrielle, arabesques du Liberty...
Les cafés historiques, architecture magnifique et frivolités gourmandes
Emblématiques de l'art de vivre turinois, les cafés historiques ponctuent le cœ,ur de ville. Témoins de l'histoire, ils virent défiler tous ceux qui comptèrent, hommes d'Etat, politiciens, intellectuels et artistes, entrepreneurs...
Ces « caffés » symbolisent toute la retenue de l'âme turinoise et livrent leurs fastueux décors derrière des façades souvent anodines. Débauche de cristal, de stucs, de marbres, de miroirs, ambiance feutrée, on s'y attarde volontiers pour s'imprégner d'une atmosphère surannée, tout en dégustant bicerin, vermouth, pâtisserie, confiserie ou antipasti selon l'heure.
Sous les arcades de la piazza San Carlo, le Café Torino est un bijou Liberty, portant devant l'entrée le fameux taureau emblème de Turin.
Sur cette même place, voici le Café San Carlo, autrefois QG des réformistes, dont la salle arrière est superbe, de rouge et d'or vêtue sous l'éclat du lustre de Murano, et la terrasse accueillante. Via Po, le Café des frères Fiorio, ancien bastion conservateur, est réputé pour sa glace au gianduja, la meilleure de Turin selon certains.
Le Mulassano (piazza Castello), très art déco, est coiffé d'un étonnant plafond à caissons tout en cuir. Non loin, sous la voûte de la Galerie Subalpina, Baratti & Milano, ancienne confiserie chocolaterie fournisseur de la Maison Royale, oscille entre l'atmosphère sobre de la confiserie du XIXe siècle et les arabesques du liberty , c'est le QG de la bonne société turinoise depuis 1875. Le temps y est rythmé par une horloge de bronze où les signes du zodiaque figurent les heures. Bien d'autres adresses de
charme émaillent la ville, à vous de découvrir la vôtre !
La première capitale mondiale du design
Le style est depuis toujours la marque de fabrique turinoise. Turin a été élue première capitale mondiale du design cette année, destinée logique pour la ville où se sont exprimés Bertone, Alessi, Pininfarina, et bien d'autres avant eux tels Guarino Guarini ou Filippo Juvarra, géniaux architectes baroques, favoris de la Maison royale de Savoie.
L'architecture industrielle a laissé son empreinte dans la ville comme un écho au baroque d'autrefois.
Le Lingotto, ancien quartier ouvrier, est la figure emblématique de cette Turin là. Le fief historique de Fiat a été reconverti en pôle du design. La pinacothèque Giovanni e Marella Agnelli y expose vingt cinq toiles d'exception dont une fabuleuse baigneuse de Renoir.
L'ancienne usine Fiat abrite aussi le Méridien Art & Tech conçu et décoré par Renzo Piano. Sur le toit, l'ancienne piste d'essai automobile sert désormais de piste de jogging et offre une vue panoramique que souligne l'arche olympique.
Des réalisations étonnantes ponctuent la ville de silhouettes parfois déconcertantes, telles la fontaine igloo ou la triade du rond point du corso Maroncelli.
L'église del Santo Volto, une réalisation de Marco Botta, au coeur des piliers de l'ancienne usine sidérurgique Teksid, laisse perplexe, esthétique massive de brique rouge et clocher provocant. Pourtant l'intérieur est une véritable merveille de sobriété, d'équilibre et de chaleur, où le sens du religieux prend toute sa dimension.
Les mythiques objets récompensés par le Compasso d'Oro, de la Cinquecento à la lampe Tizio, sont exposés dans les écuries de la Reggia di Venaria, ancien palais de chasse de la famille de Savoie, qui servit de modèle au château de Versailles. Tout un symbole !
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