Pierre-Marc de Biasi dévoile les représentations de l'érotisme à travers l'Histoire
Pierre-Marc de Biasi, directeur de recherche au CNRS, retrace l'histoire de la représentation de l'érotisme, qui varie suivant les périodes et les techniques utilisées. Sous la Grèce antique, le désir est largement présent dans les arts. Puis, alors que la pruderie chrétienne bride la création, en Orient au contraire l'érotisme apparaît dans tous les domaines de l'art.
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L'érotisme, selon Pierre-Marc de Biasi, est la représentation de la pulsion sexuelle qui est selon les époques et les pays soit magnifiée soit au contraire censurée. Sa manifestation dépend également de l'évolution des techniques artistiques utilisées : gravure sur des fresques, pixel art, daguerréotype, clip vidéo, etc.
L'âge d'or de l'érotisme : jusqu'au IVe siècle de notre ère.
L'antiquité grecque et romaine
Dans la Grèce antique, l'érotisme est représenté dans toutes ses formes et notamment celles considérées comme déviantes par la morale judéochrétienne : homosexualité masculine et féminine, zoophilie, flagellation, sado-masochisme.
Le mot même d'homosexualité n'existait pas tant cette pratique faisait partie de la vie. Il allait de soi qu'un jeune homme de 12 à 18 ans soit courtisé par un homme d'âge mûr, représenté par une barbe sur les dessins.
Chez les Romains, la représentation de l'érotisme s'inspire du modèle grec romain mais inclut des règles : adolescents, vierges et femmes mariées sont à l'abri des convoitises. L'homosexualité féminine est bannie. En revanche, le droit de cuissage est banal avec les esclaves.
Le christianisme amène la censure tandis qu'en Inde le plaisir sexuel se monumentalise
Le christianisme considère l'érotisme comme une marque abjecte du polythéisme. Inceste, nudité, homosexualité, sodomie, coït pendant lla période des règles sont illicites. Le plaisir étant le mal, sa représentation artistique est diabolisée, les artistes mettent de côté le nu et les scènes de plaisir.
Pendant le Moyen-Âge, érotisme rime avec maléfices, sorcelleries. Il n'est pas rare de voir le désir féminin représenté par des incubes, sortes d'amant-démon. Le mariage n'a qu'une seule vocation : la procréation. Sans même évoquer l'infidélité, l'homosexualité, le plaisir sexuel sont renvoyés aux images de la ville de Sodome brûlée pour avoir commis des actes contre nature. C'est dans la littérature grivoise que des contes et récits ont circulé.
A l'inverse, en Orient, notamment à partir du VIIIe siècle, la représentation de l'érotisme explose dans tous les domaines de l'art y compris l'architecture. Les artistes s'inspirent du Kama-sûtra pour imaginer les diverses figures de l'union charnelle qui vont couvrir les murs extérieurs des temples. La jouissance sexuelle fait partie des préceptes tantriques. Elle est considérée comme une étape vers le divin.
De la Renaissance d'Eros à nos jours
Eros sort de l'ombre satanique du Moyen-Age pour glorifier les anciens mythes gréco-romains. La technique de la presse à imprimer, la gravure et la typographie démultiplient les ouvrages et les images suggestives. L'utilisation de la peinture à l'huile va dans le même sens en magnifiant la peau, les rondeurs des femmes, la blancheur des visages.
Les fresques de la chapelle Sixtine, à Rome, montrent de très nombreux hommes nus, ce qui aurait été impensable auparavant. Michel-Ange y livre d'ailleurs une étrange version du jardin d'Eden avec le visage d'Eve juste à côté des parties génitales d'Adam.
La peinture italienne en mettant en valeur le nu féminin renverse tous les tabous imposés depuis 1000 ans. Les compositions vont de nouveau promouvoir le plaisir féminin et masculin, choisir des représentations où se mêlent mêlées humour et provocation.
Une certaine forme de censure réapparaît au moment de la Réforme et de la contre Réforme dès le XVe siècle. La nouvelle lecture des textes sacrés exige une foi chrétienne pure et réformée. Malgré la répression, les libertins multiplieront les provocations. Les livres licencieux circuleront sous le manteau dans la bonne société. Les salons deviennent des lieux de séduction. Le langage devient essentiel pour laisser deviner les émotions. La mort de Louis XIV entraîne une libération des mœ,urs.
Jusqu'au XXème siècle, la représentation érotique continuera à dépendre des aléas politiques, culturels et sociaux.
A propos de Pierre-Marc de Biasi
Ancien élève de l'ENS de Saint-Cloud et de l'ENSBA de Paris, agrégé, docteur, habilité à la direction de recherche, Pierre-Marc de Biasi est directeur de recherche au CNRS (ITEM : Institut des Textes et Manuscrits modernes). En 1989, il reçoit le prix de la critique de l'Académie française (Biguet, 1988). Il est aussi un artiste plasticien, auteur de nombreuses oeuvres.
Pour continuer :
-L'exposition Cris et chuchotements
-Le guide érotique du Louvre et du musée d'Orsay
-Le lovetoy qui mène au 8e ciel
-Parfums sulfureux
-Coquine cosmétique
-Quand le souper se fait coquin
-La caresse Tokoit
-The one by five
-Histoire de l'érotisme, de l'Olympe au Cybersexe
-de Pierre-Marc de Biasi
-éditions Découvertes Gallimard
-179 pages
-14€
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