L'intelligence ne fait pas le bonheur

Un livre de Monique de Kermadec, psychanalyste

Beaucoup d'adultes très intelligents sont malheureux faute d'avoir trouvé leur chemin. Pourtant ils ont les moyens de découvrir l'harmonie et de s'épanouir. Il n'y a pas d'âge pour cela.

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Monique de Kermadec, psychanalyste, est spécialiste des surdoués

L'intelligence ne fait pas le bonheur. Loin de là. Marginalisés par leur sentiment de différence, beaucoup d'adultes très doués sont malheureux. Faute d'avoir trouvé leur chemin, ils se sentent dans une impasse.

Alors qu'on a applaudi leurs prouesses dans l'enfance, ils n'ont perdu ni leur complexité ni leurs talents mais n'ont pas pu, ou pas su, encore les réaliser.

C'est à eux que s'adresse le dernier livre de Monique de Kermadec, psychanalyste. Elle s'appuie sur son expérience clinique pour leur démontrer qu'il n'est jamais trop tard pour s'épanouir. « Vivre à côté de sa vie est inacceptable. Nous devons nous donner la permission de vivre notre vie en harmonie avec qui nous sommes et avec nos besoins. Et il n'y a pas d'âge pour commencer. »


Les clés de la réussite

Truffé d'exemples, cet ouvrage indique les étapes à franchir pour y parvenir. Les clés de la réussite, selon elle, passent par le développement de son intelligence sociale, émotionnelle et créative. Mais auparavant, il convient de s'interroger sur l'image que l'on a de soi. Il y a tout un travail à effectuer de « tombée du masque et de découverte du soi, pour pouvoir chercher son moi, renouer avec l'authenticité, exhumer des tréfonds de l'inconscient ses aspirations premières. »



L'auteur cite en exemple la pianiste Hélène Grimaud, qui se sentait « différente » durant son enfance, et qui a trouvé « la voie étroite que lui réservait sa singularité ». Une passion, devenue le fil conducteur de leur vie, a apporté le bonheur et parfois la célébrité à certains.

Mais nombre d'individus se sentant simplement différents ne savent pas comment mettre en œ,uvre leurs possibilités. Ils se sentent bizarres, jamais à leur place, et ils ont peur d'être anormaux ou malades. « Ils abordent le monde et les problèmes de façon originale et personnelle. Ils réagissent de manière inhabituelle. Ils apprennent de façon atypique et leurs centres d'intérêt sortent des sentiers battus. » Résultat : « Comme toute personne ostensiblement différente, ils sont la cible de discrimination. » « Qu'est- ce que les autres ont et qu'ils n'ont pas ? », se demandent —,ils.


Enfants précoces puis adultes différents

Monique de Kermadec a rencontré dans sa pratique plus d'un millier d'hommes et de femmes hors normes. Tous partageaient certaines forces, faiblesses, originalités de vues et d'approches, les mêmes problèmes pour analyser leurs souffrances, et résoudre leurs difficultés en amour, en amitié, en famille ou dans le monde du travail. Ils ont du mal à trouver l'âme sœ,ur comme à s'adapter aux règles de l'entreprise.

Tous ont été des enfants précoces, dont les complexes, les difficultés, les visions du monde, se sont transformés en un déficit de confiance en soi à l'âge adulte. Tous vivent une frustration parce que leurs aspirations fondamentales restent inassouvies, sont censurées par leur entourage, que leur originalité effraie et que leur différence rebute. La solitude et le sentiment d'être incompris sont deux tourments récurrents chez eux. La crise d'identité qu'ils vivent peut conduire à la dépression. Incomprise et confrontée à une critique constante, une personne mettra en doute ses capacités, si intelligente et compétente soit-elle.

L'adulte surdoué met sans cesse des freins à son développement personnel et à son épanouissement. Il dépense une énergie folle pour entrer dans un moule social conformiste qui ne lui convient pas, pour se faire accepter. Il fuit le risque qui lui fait peur, au point de tuer en lui tout désir. Son hypersensibilité met à mal l'estime en soi qu'il se porte. « J'aimerais être aimé pour moi-même », est la phrase que j'entends le plus souvent dans mon cabinet, explique Monique de Kermadec.
« Il faut apprendre à faire la part entre ce que l'on accompli pour faire plaisir et ce que l'on accompli pour répondre à un désir personnel. L'exercice est difficile mais indispensable pour éviter les processus d'autodestruction qui se traduisent par des affections psychosomatiques, des automutilations, des névroses. »

La « douance » a besoin d'être reconnue et de trouver l'espace nécessaire pour s'affirmer faute de quoi elle devient souffrance et culpabilité.


Pour les femmes c'est encore plus difficile

'Pour les femmes c'est encore plusdifficile'

Pour les femmes, c'est encore plus difficile. « Peu de parents soutiennent la précocité de leur fille, pour des raisons très variées. Culturellement, l'idée que la carrière d'une femme n'est pas prioritaire dans son épanouissement les dispense des efforts et de l'encadrement qu'implique la précocité. Il y a aussi la peur de singulariser davantage leur enfant en la poussant vers des voies qui la priveront des joies de la maternité. »

Les femmes sont gênées par une double différence. « Non seulement être surdoué provoque un malaise mais dans un milieu professionnel elles dérangent encore plus. Quand un homme est créatif on le perçoit comme quelqu'un de dynamique. Une femme, on la qualifie d'agressive, voire d'hystérique. Elle est souvent vécue comme une menace. Si elle est très intelligente, elle ne doit pas trop le montrer. »

Les femmes ont un double travail à faire, du fait de leur position traditionnelle dans la société. Il est souvent mal jugé de mettre en avant ses aptitudes intellectuelles plus que sportives ou artistiques. La relation du Français avec l'intelligence est très complexe. On valorise beaucoup l'intelligence et en même temps c'est un sujet tabou, on doit la minimiser.

L'adulte surdoué manifeste une inaptitude chronique au bonheur. Ses qualités intellectuelles peuvent lui valoir des jalousies, -celles des femmes effraient-, son humour lui vaut des ennemis.

Pourtant, paradoxalement, il est aussi l'être le mieux nanti pour connaitre le bonheur : son énergie, sa sensibilité, sa créativité, son sens des valeurs sont des atouts fondamentaux pour s'épanouir et se réaliser et trouver l'harmonie.

On l'aura compris, « il est important que ces hommes et ces femmes n'hésitent pas à consulter et qu'ils ne restent pas sans aide »


Il n'y a pas d'âge pour commencer

Il n'y a pas d'âge pour commencer. « Il faut même absolument combattre l'idée qu'on est trop vieux car on n'a jamais le bon âge ! » A la maturité on se connait mieux, on est plus libre pour se consacrer à sa vie sans se sentir égoïste. C'est le moment idéal pour faire un état des lieux et se poser la question « Qu'est ce que j'ai besoin de réaliser ? ».

« Les femmes passent par un certain nombre de deuils qui permettent d'accoucher d'elles-mêmes : le rapport de séduction, la fin des enfants... Il faut s'autoriser à s'occuper de soi, se poser la question de ce que l'on veut pour soit. Il n'y a pas d'âge pour continuer à avoir des activités. Cela dépend de notre capacité à donner, à entreprendre, à se consacrer à des choses qui ont un sens. Notre vie n'est riche que quand nous avons le sentiment de donner, de contribuer à notre tour. Cet apprentissage de l'altruisme commence avec la maternité. Nous devons nous autoriser sans complexe à engager notre énergie dans des projets et être moins dépendant de l'approbation de l'autre. »

L'adulte surdoué. Apprendre à faire simple quand on est compliqué, par Monique de Kermadec (Albin Michel octobre 2011) 14,90 euros


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Monique de Kermadec, psychologue clinicienne, psychanalyste à Paris, est spécialiste des surdoués. Elle a publié Pour que mon enfant réussisse aux Éditions Albin Michel dans la collection « Questions de parents ». Elle donne également de nombreuses conférences.



Par Gisèle Prévost

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