Femmes photographes de 1930 à 1950

Le statut et la place des femmes photographes constitue l'un des fils rouges de la programmation du musée du Jeu de Paume, à Paris. A l'occasion de l'exposition 'Lisette Model', revenons sur les femmes photographes dans les années 1930 à 1950, des femmes qui, dans l'ensemble, n'en ont fait qu'à leur 'regard'. 'Et si l'entre deux guerres était, pour les femmes, un âge d'or de l'image ?'.




Le statut et la place des femmes photographes constitue l'un des fils rouges de la programmation du Jeu de
Paume, dans laquelle ont été présentées ces dernières années les artistes Lee Miller et Cindy Sherman. Les archives
de ces expositions peuvent être consultées en ligne sur le site Internet du Jeu de Paume. On retrouvera également
prochainement des expositions consacrées à Berenice Abbott, Diane Arbus et Claude Cahun. [Voir à ce titre
l'exposition au MoMA intitulée : Pictures by Women: A History of Modern Photography, jusqu'au 7 mai 2010 à New
York.



« Et si l'entre deux guerres était, pour les femmes, un âge d'or de l'image ? ». C'est par cette question qu' Elisabeth
Lebovici
et Catherine Gonnard introduisent leur réflexion sur les femmes photographes dans Femmes artistes, artistes
femmes. Paris, de 1880 à nos jours, publié en 2007


*Editions Hazan, Paris, 2007. Voir p. 151, le chapitre intitulé « Femmes photographes » et notamment son introduction qui
développe les raisons du choix de la photographie dans l'entre-deux-guerres.
.
En effet, des noms de femmes photographes célèbres émergent durant cette période à Paris et à New York. Nous
citerons, pour les plus connues, Claude Cahun, Lee Miller, Berenice Abbott, Germaine Krull ou encore Florence Henri
et Rogi André, qui ont fait découvrir la photographie à Lisette Model.

Pourquoi le choix de ce médium ? « Photographier est considéré comme un métier. Un métier d'artisan » dira Germaine Krull. Pour Lisette Model, il
permet notamment de trouver des débouchés professionnels importants dans les magazines illustrés, notamment
dans la mode (cf. le travail de Lisette Model pour Harper's Baazar).
De plus, la photographie est une technique récente et plus directement accessible, elle rend possible une autre
relation à la tradition et aux modèles dans l'art. À cette époque, la photographie « permet à des acteurs culturels
traditionnellement marginalisés, comme les femmes, de s'en emparer et même de l'utiliser pour reproduire d'autres
représentations que celle dominées par les hommes »,
soulignent les auteurs de cet ouvrage.

Dans Femmes photographes. Émancipation et performance (1850-1940), Federica Muzzarelli revient sur ce lien : « Les
femmes et la photographie partagent alors une position similaire, celle de l'alternative, vis-à-vis de deux monolithes
bien en place : les femmes ont affaire au pouvoir culturel des hommes, la photographie à la suprématie exclusive de
la peinture. [...] Femmes et photographie s'allient en une poétique commune, qui tente de récupérer deux territoires
dont elles sont bannies : la corporéité et l'action »


*Federica Muzzarelli, Femmes photographes. Émancipation et performance (1850-1940), Hazan, Paris, 2009.
.
La figure tutélaire d'une autre femme pourra accompagner certaines de ces photographes dans l'affirmation de leur
statut d'artiste

*Anne-Laure Vernet, « La filiation féminine en art, comme autorisation à l'acte créateur », in La création au féminin, sous la
direction de Marianne Camus, Presses Universitaires de Dijon, 2007.
.
L'arrivée d'appareils plus légers comme le Leica ou le Rolleiflex marquera également leur pratique de la mobilité et
de la proximité dans la saisie de la vie moderne.

Une grande partie de ces femmes photographes sont également des immigrées. La photographie leur permet de
montrer une vision différente de la ville et de ceux qui l'habitent. Dans ce contexte, elles vont notamment opter pour
le portrait où la composition des sujets rend « visible une part non négligeable de femmes dans le monde culturel
parisien, tout en faisant voir des images non conformes de leurs rôles sociaux et sexuels »


*Elisabeth Lebovici et Catherine Gonnard, p.154, à propos des portraits de Berenice Abbott.
. Elles s'écartent en cela
d'une esthétique traditionnelle du portrait. Et, dans cette nouvelle attention aux visages et aux corps, elles donneront
à voir les transformations de la société et les mutations de l'espace urbain, tout particulièrement celui de New York
(voir Germaine Krull, Berenice Abbot ou encore Lisette Model).

Certaines d'entre elles se distinguent également par leurs autoportraits. C'est le cas de Florence Henri, d'Ilse Bing
et son Autoportrait au Leica (1931) ou de Lisette Model, qui ne rend pourtant pas publique ces expériences dans ce
domaine. Selon Ann Thomas , les autoportraits manifesteraient chez Model « le besoin de confirmer son identité
face à cette réalité nouvelle qui lui échoit de manière si inattendue »


*Voir à ce sujet le texte d'Ann Thomas, « Lisette Model et le portrait », dans le catalogue de l'exposition Lisette Model du Jeu
de Paume, Paris, 2009.
. Claude Cahun pour sa part a développé
une démarche complexe, qui associe mise en scène et travestissement, et interroge les relations entre les images, les
modèles et les processus de construction de l'identité.
Ainsi, les pratiques de ces femmes photographes, des années 30 aux années 50, anticipent certaines problématiques
qui seront à l'oeuvre dans les années 60-70 autour de la performance et du body art, et qui constitueront notamment
une des sources du travail de Cindy Sherman et sa réappropriation critique des apparences sexuelles et sociales.

- Extrait du Dossier enseignants, mode d'emploi, réalisé à l'occasion de l'exposition 'Lisette Model' au Musée du Jeu de Paume, du 9 février au 6 juin 2010


- Lisette Model
- du 9 février au 6 juin 2010
- Musée du Jeu de Paume, 1 place de la Concorde
75008 Paris
- Horaires : Mardi de 12h à 21h,
Du mercredi au vendredi de 12h à19h,
Samedi et Dimanche de 10h à 19h,
Fermeture le lundi
Tél. 01 47 03 12 50
- Accès : Métro : Concorde (lignes 1, 8, 12) /
Bus : 24, 42, 72, 73, 84, 94
- TARIFS : Entrée : 7 €,
Tarif réduit : 5 € -
Les 'mardis jeunes' : entrée gratuite pour les étudiants et les moins de 26 ans le dernier mardi du mois, de 17h à 21h
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- Photographies - Exposition Lisette Model (1901-1983)
- Autour de l'exposition Lisette Model
- Photographes entre Paris et New York pendant l'Entre-deux-guerres
- Lisette Model, artiste de la Photo League (1936-1951)



Par Nicole Salez

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