Carte blanche à Alain Maugard, président du CSTB (Centre Scientifique et Technique du Bâtiment)
Alain Maugard a présenté son analyse de 'la ville durable', le 7 octobre, lors d'une 'carte blanche à', organisée par l'association Archinov et le CSTB (Centre Scientifique et Technique du Bâtiment) qu'il présidait alors. Voici le compte rendu de cette présentation établi par Elisabeth Pélegrin-Genel, architecte et présidente de l'association Archinov.
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Compte rendu de la carte blanche à Alain Maugard
*Président du CSTB pendant quinze ans, Alain Maugard a quitté ses fonctions le 6 septembre pour prendre la présidence de la section 'Risques, sécurité, sûreté' au Conseil Général de l'environnement et du développement durable. Il a joué un rôle majeur dans la promotion de l'innovation dans le bâtiment et développé l'intégration de solutions pour faire face aux problématiques liées au changement climatique, notamment en termes de santé, d'énergie, de sécurité.
établi par Elisabeth Pélegrin-Genel, architecte et présidente de l'association Archinov- Du bâtiment à la ville durable
* (Les inters et les gras ont été ajoutés par la rédaction)
'C'est à une véritable « leçon inaugurale » que près de 300 personnes ont eu le bonheur d'assister, le 23 Octobre dernier. Alain Maugard a partagé avec nous son analyse de la ville durable et déroulé un raisonnement qui partait de « on va droit dans le mur », à « comment éviter le mur », puis « comment agir « et enfin » nos chances de succès ».
La ville durable et non pas le quartier ou la ville semble l'échelle pertinente pour prendre en compte les dimensions sociales, économiques et environnementales. En effet, l'ampleur des mégalopoles s'oppose à la discrétion des nations. Le développement social n'est pas un thème nouveau, on a déjà essayé, sans succès, beaucoup de choses, le développement durable ne fera rien de mieux.
L'efficacité énergétique
La notion d'efficacité énergétique est fondamentale. Il faut regarder comment nous consommons. Le découpage entre habitat, transports, activités est obsolète car il ne rend pas compte de la demande. On est dans une société à stock zéro et flux tendu, par exemple, qui encourage le transport routier voire aérien. Il est nécessaire de revisiter les tarifications des transports.
Il y a une demande de civilisation urbaine due à l'augmentation de la population mondiale: En 2030 nous serons 8,3 milliards dont 5 milliards résideront dans les villes... Et la notion d'empreinte énergétique, discutable mais intéressante, nous permet de voir qu'on va droit dans le mur, parce que la ville c'est 2/3 du CO2 et 2/3 de l'énergie.
Dès maintenant le développement est incompatible avec les ressources de la planète. En 1980 l'empreinte énergétique de la France, c'était la France, aujourd'hui, c'est 1, 7 ou 1, 8 fois la France.
Chaque européen « consomme » 5,5 hectares, un américain 10,5 hectares... Le fameux quartier de Bedzed à Londres, c'est 2,7 hectares.
Si toutes les villes étaient au niveau américain il faudrait trois planètes.... Et 20 % des riches consomment 80 % des richesses du monde.
Le vrai sujet est donc l'adaptation de la civilisation urbaine à la réalité d'une seule planète.
Morphologie et densité
Il y a la morphologie de la ville européenne, du moyen âge à l'époque classique puis haussmanienne, c'est-à-dire la ville industrielle (où les ouvriers étaient logés par leurs patrons pour préserver les secrets de fabrication) jusqu'à la ville moderne d'aujourd'hui, caractérisée par l'automobile. C'est cette dernière qui pose problème, car les trois premières formes de la ville sont tout à fait adaptées : les transports sont courts et aisés, il y a du confort, de l'hygiène, de l'eau.
Quelle nature de densité voulons- nous ? Ce n'est pas une question quantitative mais une histoire d'ambiances agréables et désirables. Il y a aussi l'idée de granulométrie, de gradient du plus dense au moins dense, des différentes formes de la ville.
On oppose étalement et densité : il y a l'étalement contraint à cause du foncier trop cher à proximité des villes et l'étalement « voulu » pratiqué par des urbains qui conservent leur mode de vie de citadin à la campagne.
Pour lutter contre l'étalement, Il faut créer du droit à bâtir en densifiant les villes, en desservant des terrains en périphérie par des transports en commun, en créant des aires de micro densités en banlieue.
La nature et sa présence dans la ville est-elle une vraie problématique ? L'exemple de Central Park est intéressant, les squares de la ville haussmannienne aussi, et aujourd'hui la nature déborde sur les balcons et les toits.
La gestion urbaine et les modes de vie
La gestion demeure la question centrale, la ville est un métabolisme à analyser entre les entrants (énergie, ressources etc), la transformation et les sortants (déchets). C'est avant tout, une question d'arbitrage. On peut l'illustrer avec la voie Pompidou, conçue au départ pour la circulation automobile mais qui se révèle multi fonctionnelle, si on le décide, le dimanche avec les piétons et les vélos et l'été se transforme en plage.
On peut arbitrer la place de la voiture et interdire le stationnement, imposer des péages urbains, rendre les véhicules électriques obligatoires ou développer de nouveaux services de transport comme le vélib : un même espace peut être arbitré différemment.
De même, l'accueil handicapé est fondamental et demande des arbitrages. Il faut également développer des bâtiments plus autonomes sur le plan de l'énergie.
Actuellement on gère les commerces à contresens en encourageant les grandes surfaces à l'extérieur, on pourrait imaginer que ces grandes surfaces soient obligées d'assurer un service de proximité ou de tenir des marchés dans les quartiers. En France, on a 70 % des commerces en périphérie, en Allemagne, 30 % seulement. Il faut aussi revoir tout le circuit alimentaire. Est-il normal d'avoir des tomates qui ont 4000 km dans le ventre ?
Ce n'est pas la ville qui est durable, ce sont les modes de vie qui le sont, et les contraintes apportées par la mairie sont sanctionnés par les électeurs. On accepte plus de contraintes aujourd'hui, l'éco -responsabilité, les gens commencent à s'y mettre, contrairement à ce qu'on croyait, et on s'est habitué à des restrictions de stationnement, de circulation etc.
La mobilité doit bien sûr être respectée comme une liberté au sens politique, mais la liberté des moyens de transports, ce n'est pas si sûr. Si on diminuait les distances au lieu d'augmenter la vitesse, on progresserait dans la proximité et donc la mixité. Comment augmenter les marges de manoeuve du citoyen ? Il faut faire adhérer les gens à des projets collectifs. La ville, c'est forcément partager.
Comment agir ?
En commençant par les éco-quartiers. Ils poussent à la comparaison, vont rendre très vite obsolète la ville moderne et, par conséquence, accélérer les changements. Leur échelle permet d'optimiser beaucoup de choses (cogénération, traitement des eaux etc.). L'éco-quartier se prête bien à la gouvernance.
Il faut également avoir une autorité unique au niveau de la ville, un seul pilote à bord et pas une segmentation de territoires ou de secteurs, il serait peut-être nécessaire de remodeler la décentralisation dans cette perspective et de mieux organiser la participation citoyenne, avec d'autres formes de démocratie et un travail de dialogue pour partager des idées.
Enfin, les indicateurs sont des outils précieux, qu'il faut améliorer, pour donner aux responsables des raisons d'agir.
Actuellement les valeurs foncières de la ville paient le bâtiment et les transports. Par exemple, le tramway a permis des plus values spectaculaires pour les riverains. Il va falloir aller vers des taxes carbone, des péages urbains.
C'est en observant les signaux faibles que nous progresserons :
On réclame aujourd'hui des voies piétonnes, on respecte les places handicapées, on utilise le vélib, on se passionne pour le jardinage en ville, on fait du roller et des fêtes de la musique
On peut aller vers une gestion dynamique de la circulation en ville : réserver les rues aux riverains la nuit, les week-ends aux vélos, ou envisager de supprimer les places de stationnement obligatoire dans les PLU, repenser les feux, la voiture.
Nos chances de succès sont dans notre climat tempéré et notre modèle européen de la ville, et les technologies vont nous aider, je reste positiviste et rationnel.
On doit chercher des solutions pour « décarboniser » la voiture mais surtout inventer d'autres modèles de circulation. On va changer et c'est l'homme qui sera au centre du changement !
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- Archinov tient à remercier Alain Maugard pour la « densité » et la qualité de son intervention mais aussi pour le partenariat mis en place avec le CSTB dès la création d'Archinov. Depuis treize ans et grâce au soutien d'Alain Maugard, nous avons pu organiser et animer un lieu original de débat sur l'architecture et le cadre de vie. Nous remercions Bertrand Delcambre de continuer avec nous cette belle aventure.'
- Compte rendu établi par Elisabeth Pélegrin-Genel, architecte et présidente de l'association Archinov
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