Le phénomène Sarah Palin

La candidate républicaine à la vice-présidence face au sénateur démocrate Joe Biden

Sarah Palin affronte Joe Biden dans un débat télévisé le 2 octobre. La candidate républicaine à la vice-présidence des Etats-Unis, apparue comme l'atout gagnant du sénateur Mc Cain il y a un mois, désormais inquiète l'opinion publique. A commencer dans son propre camp.




Lorsque John McCain a annoncé son choix pour le poste de vice-président, la plupart des Américains ignoraient l'existence même de Sarah Palin, le gouverneur de l'Etat d'Alaska. Elle est arrivée comme une bouffée d'air frais sur la scène de la convention du parti républicain, jusque là une réunion plutôt morne de l'establishment de droite en panne d'enthousiasme après huit ans de George W. Bush.

Palin, 44 ans, s'est présentée aux électeurs comme une femme battante, qui n'a pas froid aux yeux devant les puissants lobbies, en faisant des réformes éthiques dans son gouvernement, une croisade personnelle. “Quelle est la différence entre une hockey mom* et un pit-bull?”, demande la candidate. Sa réponse: “Du rouge à lèvres.”

Mettant en avant sa famille, notamment son fils aîné en partance pour l'Irak et son dernier-né trisomique, Palin a fait preuve d'un franc-parler destiné à convaincre une Amérique profonde, frileuse, anti-intellectuelle, croyante et persuadée que les “valeurs” du pays sont en péril (nous sommes encore à la veille de la chute de Wall Street). Sans toutefois effleurer des questions de fond sur la politique étrangère, l'économie, la santé, l'éducation...

Palin a été choisie, dit-on, pour drainer les partisanes de Hillary Clinton vers le parti républicain, mais aussi pour plaire aux ultra-conservateurs évangéliques qui forment une part importante de la base de celui-ci. D'un point de vue idéologique, Palin se positionne très à droite et en opposition à la volonté de la majorité des Américaines. Elle est contre le droit à l'avortement même en cas de viol ou d'inceste , contre le projet de loi pour garantir salaire égal pour travail égal , contre l'éducation des jeunes sur les méthodes de contraception. En revanche elle est favorable à l'enseignement du “créationnisme” à l'école, au droit individuel au port d'armes, aux forages pétroliers dans un vaste domaine protégé d'Alaska et elle maintient que le réchauffement de la planète n'est pas le résultat de l'activité humaine.

Interviewée à la télévision, Palin a interloqué les journalistes en citant la proximité de la Russie de l'Etat d'Alaska comme une preuve de son expérience en matière de politique étrangère ! « Par beau temps, on peut voir la Russie de chez nous » a-t'elle souligné. Ses interviews ont alarmé bon nombre d'électeurs à l'idée qu'elle puisse être appelée à assumer le rôle du Président en cas d'incapacité. Certains commentateurs, y compris du côté républicain, se disent écoeurés par le choix qualifié de cynique de McCain, choix qu'ils considèrent comme une insulte à certaines femmes du parti bien mieux qualifiées que Palin. D'autres, comme la journaliste conservatrice Kathleen Parker, réclament son remplacement immédiat.

Les résultats de la stratégie de McCain seraient donc mitigés. Si Palin a réussi à réinjecter une dose de « jeunesse » et de « changement » dans un parti à bout de souffle et à rallier les intégristes chrétiens, elle n'a pas su attirer l'électorat du camp Clinton. Comme le remarque Maria Hiojosa, animatrice à la radio hispanique, dans un article sur le site féminin wowowow.com: « La nomination de Palin soulève une question importante: Une femme candidate est-elle toujours une candidate des femmes? ». D'après les supporteurs de Clinton, dont la féministe Gloria Steinam, la réponse est sans ambiguïté: « Le seul point commun entre Sarah Palin et Hillary Clinton est un chromosome ».

L'électorat américain va pouvoir comparer les deux candidats pour la vice-présidence lors d'un débat en direct jeudi soir à St. Louis dans le Missouri. Pour l'heure, Sarah Palin a disparu de la campagne et serait en train de bachoter avec l'équipe de McCain avant d'entrer en lice contre le candidat démocrate, Joe Biden. Un politicien chevronné et l'actuel président du comité des relations étrangères au Sénat, Biden est un adversaire de taille, autrement difficile à pourfendre que les élans que Palin a l'habitude de dépecer chez elle en Alaska.

* hockey mom: terme décrivant une tranche de la population composée de mères de familles blanches de la classe moyenne, qui amènent ses enfants faire du hockey sur glace et les encouragent pendant les matchs.


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Par Suzanne Green
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