« Examen clinique. Journal d’un hypermoderne »

Le sociologue François Ascher, connu surtout des spécialistes pour ses travaux sur l'« hypermodernité », écrit sur sa maladie, un cancer. Par ce témoignage personnel, une série de lettres adressées à ses proches, il évoque à la fois l'intime et l'universel et ne tombe ni dans l'écueil du pathos, ni dans celui du détachement.




Cher François Ascher,

Vous que l'on présente comme l'un des spécialistes éclairés de nos modes de vie, apprenez que vous êtes atteint d'un cancer au rein gauche. Puis, au moment même où vous vous lanciez dans l'écriture d'un ouvrage sur l'hypermodernité, les médecins repèrent une métastase vertébrale.
Vous décidez alors de changer vos plans pour écrire ce livre.Vous le présentez « comme une sorte de blog théorique, un journal de bord clinique et intime à la fois », entre « intime et théorie ».
Or, le mot « clinique » est trompeur car, si vous utilisez le scalpel de votre intelligence, vous n'êtes jamais dans la froideur, ni même dans la posture de l'intellectuel qui souhaiterait, coûte que coûte, rester détaché de son sujet. D'intimité il s'agit, jamais d'exhibitionnisme, ni de dévoilement larmoyant.

De la découverte


La détection, par hasard, de ce cancer vous fait éprouver un thème que vous développez dans votre travail sur l'hypermodernité, la « sérendipité » ou la capacité de trouver ce que l'on ne cherchait pas : « Il a fallu que je rencontre des médecins qui n'étaient pas simplement en train d'essayer de trouver des explications et des solutions, mais qui tentaient d'abord de formuler des problèmes parce qu'ils étaient prêts à trouver ce qu'il ne cherchaient a priori pas. »
Mais c'est aussi vous-même que vous interrogez. « A l'occasion » de cette maladie, seriez-vous capable « de trouver quelque chose » que vous ne cherchiez pas ?
« Faire en sorte qu'à quelque chose malheur soit bon » et « rester le maître d'ouvrage de sa propre vie. ». Cette ambition, que vous posez en postulat, nous fait adhérer, nous lecteur, à ce que vous écrivez et défendez.

De la maladie
-Passée l'annonce du diagnostique, vous racontez votre maladie avec les outils qui sont les vôtres : votre esprit, votre méthode, votre intellect. Vous tentez de la comprendre, et surtout d'examiner objectivement ce qu'elle engendre comme changements en vous, autour de vous. Vous interpellez aussi le monde médical et décrivez certains de ses dysfonctionnements, à la fois comme chercheur, mais d'avantage encore, comme malade qui doit les subir.

De la vie
-La lettre qui conclue votre livre s'intitule « Optimisme pour soi, optimisme pour la société ». Loin d'être une injonction à un bonheur illusoire et préfabriqué, vous racontez, en quelques pages resserrées, les débats que vous entretenez avec votre plus proche collègue sur votre vision positive du monde, du progrès et des sciences...
L'une de vos devises sur laquelle vous avez réfléchi est « ces événements nous dépassent, feignons d'en être les organisateur ». En faisant de la maladie un objet, vous n'êtes plus le sien. Vous la manipulez pour mieux l'observer, tant et si bien qu'elle ne vous manipule plus, du moins dans l'espace de l'écriture de ce récit.

Ce livre est la réponse que vous apportez à la violence intime de « votre » cancer, et au-delà du regard d'expert, celui d'un homme amoureux, d'un père ravi et subjugué, d'un ami clairvoyant, d'un collègue reconnaissant... Votre lucidité qui ne dévie jamais de sa route relie votre expérience singulière à une vision sociale, et nous rend simplement plus intelligents.

-Examen Clinique Journal d'un hypermoderne,
-de François Ascher
-Ed. de L'aube, 2007
-216 p.
-16, 90 €


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