Comme sa consoeur l’Angleterre, l’Irlande du Nord est une terre bénie de Dieu pour les jardiniers : un climat océanique tempéré, une terre riche et bien arrosée ; d’où l’émergence d’un savoir-faire et d’une passion des Irlandais pour les jardins qui remontent à la nuit des temps.
Jardins d'exception en Irlande du Nord
Balade dans 3 jardins d’exception entre espaces vierges de pâtures à moutons et côtes déchiquetées à peine arrêtées par la mythique Chaussée des Géants.
MOUNT STEWART, LA STAR AUX 8 JARDINS
Du pavillon de chasse à la demeure géorgienne
A l’origine, Robert Stewart, un drapier et propriétaire terrien, appelle la maison Mount Stewart en y posant la première pierre en 1744. Sa descendance est la famille Londonderry qui tient très tôt les rênes politiques en Irlande : opposition du second marquis à la rébellion de 1798, contribution à l’Act of Union qui abolissait le parlement irlandais et transférait les affaires à Londres. La fortune de la seconde épouse du 3 ème marquis de Londonderry lui permet de se lancer dans l’industrialisation, les mines de charbon, le chemin de fer et par là-même de construire de nombreuses propriétés. Et peu à peu, l’ancien rendez-vous de chasse se transforme en élégante demeure géorgienne agrémentée de pas moins de huit jardins.
Quand le 7 ème marquis hérite en 1917 du domaine, celui-ci compte plus de 20 200 hectares et s’y bousculent aristocrates, hommes politiques et artistes. Pourtant, quand Lady Edith, la femme d’origine écossaise du dit marquis, découvre la propriété ; elle évoque « l’endroit le plus sombre et le plus triste qu’elle n’ait jamais vu ». C’était en omettant sa fantaisie et sa créativité jardinière qui vont bientôt transformer le lieu en l'un des jardins les plus célèbres d’Irlande aujourd’hui dévolu au National Trust.
L'intérieur du château de Mount stewart
Non pas 1 jardin mais 8 !!!
Un jardin italien créé à l’origine par des dizaines de soldats démobilisés et pourvu de bassins ronds ; un jardin espagnol aux arches de cyprès inspirées de l’Alhambra de Grenade ; un jardin enterré ou une débauche de pergolas chargées de variétés florales exotiques ; des chambres de verdures et d’ifs avec une quantité inouïe d’animaux sortis de l’imaginaire de Lady Edith ; des topiaires éparpillés entre les haies... : l’œil ne sait plus où poser son regard tant la fantaisie d’ Edith est grande. Elle architecture les espaces, compose les jardins en s’inspirant de ses origines, de ses lectures, de ses voyages, de ses échanges avec la célèbre paysagiste Gertrude Jekyll.
L’exubérance pointe à chaque bosquet entre fontaines et sculptures et celle-ci a lieu d’être car les jardins peuvent compter sur un précieux allié : le microclimat ambiant, doux et humide et la quasi absence des vents dominants du sud-ouest, une rangée d’eucalyptus de Tasmanie ayant été plantée dès la fin du XIX ème siècle. Avec son réseau d’amis, des collectionneurs, des jardiniers, des pépiniéristes et des chercheurs de plantes rares ; Edith Londonderry pare les espaces de fleurs, d’arbustes et d’arbres venant des quatre coins de la planète.
Connus de toute l’Irlande et l’Angleterre, les jardins sont à leur apogée esthétique dans les années 1920 à 1930. Edith est même louée par la presse spécialisée et nombreux sont les articles qui publient des photos d’elle-même et de ses parterres. La seconde guerre mondiale, le manque de personnel, le départ en retraite de son chef jardinier Thomas Bole, des années de tempête et de gel, le décès de son époux puis de son fils mettent à mal l’énergie d’Edith Londonderry qui décide de léguer au National Trust son domaine en 1955. Elle mourra 4 ans plus tard.
Des splendeurs végétales toujours renouvelées
Le parc est connu pour la quantité inouïe de plantes de la Méditerranée, d’Asie et de l’Amérique du Sud ainsi que pour la beauté de ses massifs de rhododendrons et d’azalées, ses fouillis d’herbacées, de dahlias. Roses, jaunes, orangés, rouges, parmes, les rhododendrons au nombre de quelques 120 variétés fleurissent d’avril à août ; mais c’est fin mai, début juin qu’ils sont les plus beaux. Respectueux de l’esprit de Lady Edith, les jardiniers essayent de faire vivre ensemble environ 2 500 variétés de plantes ; tout en privilégiant les couleurs et les odeurs comme elle le faisait. Seules des roses parfumées sont plantées et l’odeur tenace des lys aux corolles imposantes accompagne les visiteurs.
La magnificence de Mount Stewart a valu à l’ensemble de la propriété la visite en mai 2015 du prince Charles et de Camilla.
Les azalées jaunes et orange d'un des jardins de Mount Stewart
INFOS PRATIQUES
Mount Stewart- Portaferry Road Newtownards
Comté de Down
+ 44 (0) 28 4278 7814 2
ROWALLANE OU LE ROMANTISME EXACERBE
Un charmant jardin enserré de hauts murs avec des broderies de buis, lesquelles contiennent de nombreuses plantes rares dont les espèces varient selon les saisons ; des entassements improbables de roches ; des variétés d’arbres exotiques et peu courants tels que l’arbre à mouchoir (davidia involucrata) : tel est le schéma de ce beau jardin confié au National Trust dans les années 50.
Jardin de Rowallane
Au printemps, les jonquilles précèdent la magie jaune, rose et orangée des buissons entiers de rhododendrons dont les grappes florales montent jusqu’à 12 mètres de haut et les primevères ‘Rollawane Rose’ sont nombreuses. En été, les couleurs virent au bleu et au parme avec les delphiniums élancés, les rares pavots bleus de l’Himalaya, les cistes et les iris mauves foncés ; alors que les azalées du Japon couvrent les buissons de couleurs multiples. L’automne fait rougir les cotonéasters et certaines allées se parent avec ces mêmes arbustes de teintes jaunes ou or avant que l’hiver ne devienne le règne des viburnums.
Jardins de Rowallane
Fantaisie ou marquage de territoire ? Qui sait ? Néanmoins les jardins de Rowallane sont connus pour leurs amoncellements étranges de pierres rondes : ils auraient été érigés par le révérend John Moore et son neveu au 19 ème siècle. Malarmé, Rimbaud, Baudelaire, Apollinaire, Hugo : à Rowallane, la promenade incite à la lecture de ces poètes romantiques dans leurs effusions amoureuses et leurs odes à Dame Nature. Entre ces étranges monticules de pierres et l’arbre à mouchoir dont les feuilles semblables à de petits « Kleenex » sont prêtes à essuyer la moindre larme ; le romantisme pointe au détour de chaque chemin.
Jardins de Rowallane
INFOS PRATIQUES
Rowallane Garden - Saintfield
BT 24 7 JA
Tél : 028 9751 0131
Site : nationaltrust.org.uk/rowallane-garden
BENVARDEN, L'AMOUR D'UNE FAMILLE POUR LE VEGETAL
L’histoire de la propriété démarre sombrement car le banquier Hugh Montgomery achète en 1798 le domaine après une sombre histoire de meurtre perpétré par le précédent propriétaire, John McNaughton.
Les jardins de Benvarden
Le parc a été paysager au XVIII ème siècle autour de la maison construite à la même époque. Divers jardins sont élaborés et un grand étang est même excavé et planté d’ifs ; alors que chênes, hêtres et autres grands arbres sont présents naturellement. La seconde guerre mondiale plonge dans la décadence les parterres et il faut attendre l’amour de Hugh Montgomery et de sa femme Valérie pour le végétal pour que le domaine retrouve sa splendeur. Ces Montgomery consacrent une partie de leur vie à la conservation et à l’amélioration de cette propriété familiale qu’ils aiment tant ; ajoutant aux immenses prairies et leurs arbres séculaires un beau potager dont les légumes sont vendus localement.
Les jardins de Benvarden
Les lignes de pommes de terre ne sont plus cultivées pour nourrir les soldats américains ; mais les plants de légumes alternent avec beaucoup d’élégance avec des parterres de roses dont le parfum se mêle aux effluves sucrées des arbres fruitiers taillés en espaliers sur les murets.
Du grand pont victorien de 1874 en passant par les pièces d’eau encombrées de gigantesques gunneras ; la promenade est charmante dans les sous-bois envahis de rhododendrons et d’azalées. N’ayez pas peur si à côté de camélias et d’hydrangeas vous découvrez un grand ours sculpté. Haut de 2 mètres il a été taillé dans un cyprès mort pour attiser le regard et être le gardien des bois.
Les jardins de Benvarden
INFOS PRATIQUES
Benvarden Gardens
36 Benvarden Road Dervock
Comté de Antrim BT 53 6 NN
Tél : 028 2074 1331
Site : benwardin.com
SE LOGER/ SE NOURRIR
Non comparable à nos regroupements hôteliers, la chaîne Ireland’s Blue Book (irelands-blue-book.ie) est une association de privés qui vous reçoivent chez eux dans leur demeure comme des amis. Pour visiter Mount Stewart et Rowallane, se détendre à Newforge House est une pure merveille ; alors que la grande demeure d’Ardtara sera adaptée à Benvarden.
Dans les cuisines de Newforge House
Newforge a le charme de ces maisons conservées par la même famille depuis des lustres, ici plus de 150 ans. Auparavant chef d’un restaurant, le fils est à l’heure actuelle, responsable des 6 chambres au confort so british et il est surtout aux commandes de la cuisine. Pas besoin donc de ressortir pour chercher un restaurant : vous l’avez à demeure ! Au menu des légumes du jardin, une superbe viande maturée chez Hannan’s, un boucher affineur de bêtes dans du sel de l’Himalaya, des tartes maison qui fondent au palais entre lemon curd et rhubarbe rosée : les produits sont parfaitement travaillés, dans une stricte simplicité respectueuse de tout leur potentiel de saveurs.
Tél : (0) 28 9261 1225 ; site :newforgehouse.com; chambres à partir de 85 £ petit déjeuner avec œufs, saucisses et pancakes compris, dîner à 40 £.
Une autre bonne adresse dans le village voisin : Wine & Brine pour une cuisine irlandaise mais résolument moderne et esthétique ; dommage que la salle épurée dans sa déco soit si bruyante. Tél : (0) 28 9261 0500 ; site: wineandbrine.co.uk; environ 32 £ pour un dîner.
La façade de l’Ardtara Country House & Restaurant
Plus au nord l’Ardtara Country House & Restaurant est elle aussi une grande demeure du XIX ème siècle de style géorgien, située en pleine campagne, avec 9 chambres dont la décoration alterne entre chintz et toile de Jouy. La quiétude est là encore de rigueur et la table gastronomique se double d’ateliers de cuisine pour qui veut s’initier aux différentes façons de préparer et de cuisiner le saumon ou l’irih stew.
Tél : (0) 28 7964 4490 ; site: ardtara.com; chambres à partir de 75 £ petit déjeuner irlandais complet compris, menu découverte à 45 £ et 70 £ avec un accord vin-mets.
Dans les environs, un bon pub tenu depuis 25 ans par le même couple : The Cuan (0)28 4488 1222.
Venir en Irlande du Nord est facile, la compagnie low cost Easy Jet desservant quotidiennement Paris – Belfast par l’aéroport Charles de Gaulle Roissy.
Un guide touristique : « Irlande mode d’emploi » de Gallimard ( 14, 90 €).
Des sites internet pour vous aider : irlande-tourisme.fr / tourismni.com / discovernorthernireland.com
La Chaussée des Géants
Si vous n’êtes pas encore rassasié de végétal, n’oubliez pas de passer dans ce comté d’Antrim par Dark Hedges, une route bordée par de gigantesques arbres aux troncs entremêlés et aux branches si tortueuses qu’elle a été un des principaux décors de Game of Thrones. Mais lassé de la verdure peut-être vous orienterez-vous vers une attraction nettement plus minérale, mais tout aussi mythique et mystérieuse d’Irlande du Nord, la Chaussée des Géants et ses 40 000 cônes hexagonaux de basalte tombés dans la mer.
La route de Dark Hedges
Marie Laure de Vienne
Certains visuels fournis par l’office de tourisme irlandais
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