Le Musée Bourdelle confronte Cristóbal Balenciaga (1895-1972), le couturier des couturiers, au sculpteur Antoine Bourdelle. TPLF a vistié l'exposition "Balenciaga, l'oeuvre au noir". Attention, vous avez jusqu'au 16 juillet pour y aller.
Que retenir de l'expo "Balenciaga, l'oeuvre au noir" ?
A première vue, les pièces du couturier flottent dans un décor irréprochable certes, mais les deux mondes en présence conservent leur irréductible quand à soi.
Du hall des plâtres, jusqu’à l’extension contemporaine de Portzamparc, incluant les ateliers de Bourdelle, les pièces du couturier et les oeuvres de ce grand maître de la sculpture du tournant du XXe siècle, ne se rencontrent pas, elles voisinnent.
Nous avons poussé plus loin cette première sensation.
Balenciaga/Bourdelle : « Je t’aime moi non plus »
Le corps
« L’une des premières choses que j’ai apprise et qui m’a plu d’emblée, c’est l’attention qu’il prêtait à l’espace entre le corps et le tissu. Il y a une silhouette et une démarche qui accompagnent ses vêtements, avec une idée de pouvoir et de confiance », Nicolas Ghesquière in L’Express Styles en 2006.
De sa formation de tailleur chez Casa Gomez puis, en tant que premier d’atelier, aux grands magasins « Au Louvre » de San Sebastián, Balenciaga conserve une parfaite connaissance du travail de la coupe.
Balenciaga. Robe, 1967. Crêpe Georgette noir entièrement brodé de paillettes fantaisie noires et perles de jais. Collection Palais Galliera -‐ © Julien Vidal / Galliera / Roger-‐Viollet
Aujourd’hui, la mode souligne et met en valeur les courbes du corps. Balenciaga propose des silhouettes noires aux contours incertains, son travail des tissus estompe les limites et perturbe la perception des formes. Le vêtement indépendant du corps qu’il habille offre une liberté d’action, une aisance et un style inédit : une allure.
L’aplomb qui signifie l’équilibre du vêtement ou d’une partie du vêtement par rapport à la chute verticale pure du droit fil du tissu est parfait !
Photo CB. Vue de l’exposition-Musée Bourdelle : « Balenciaga, l’œuvre au noir ! ». Bourdelle : Pénélope.
Un corps soumis aux lois de la techtonique, naturel aux rondeurs féminines, sous le drapé d’esprit grec rappelle le mouvement déhanché classique, mais avec Bourdelle déformé expressivement. Une impression psychologique donnée à ces yeux même clos.
L’ombre et la lumière
Noir, car Balenciaga reste marqué par l’Espagne folklorique et traditionnelle de son enfance. Le jeu de la lumière et de l’ombre Balenciaga, le travaille avec les noirs. Du noir, Balenciaga cultive les brillances, transparences. Les effets de la lumière offrent des nuances, des décrochements de formes, des reliefs qui peuvent faire penser au travail du sculpteur, en général, non à Bourdelle en particulier.
Balenciaga. Boléro et robe 1964. Crêpe noir, bustier de la robe rose pâle. Collection Palais Galliera -‐ © Julien Vidal / Galliera / Roger-‐Viollet
« Les transparences du noir constituent un autre registre auquel Balenciaga est attaché. Une fois de plus, les dispositions qu’il emprunte donnent corps aux matières les plus vaporeuses et mettent en œuvre leurs flottements et leurs vibrations. Il superpose diverses qualités d’organza – organza double ou triple, organza satin ou créponné – et joue avec leur légèreté pour créer d’imperceptibles modulations et degrés d’opacité. Avec la marquisette, le tulle ou la chantilly, ce sont des effets d’ombres et de transparences obscures. »
Balenciaga. Robe 1964. Dentelle noire, ruban de satin rose. Collection Palais Galliera -‐ © Julien Vidal / Galliera / Roger-‐Viollet
Le monde de la couture possède un lexique très différent de celui de la sculpture, qui ne se recoupe quasiment pas.
Le travail du couturier : « Ebauches et construction » / Le travail du sculpteur : « Modèles, plâtres et épreuves »
Balenciaga. Robe « Eisa » 1950 Taffetas de soie noir drapé et bouillonné. Collection Palais Galliera -‐ © Julien Vidal / Galliera / Roger-‐Viollet
« Avec certaines étoffes, il s’agit plus de modeler, de façonner la matière et de les conduire à livrer le meilleur d’elles-mêmes. Balenciaga drape le taffetas et dirige sa légèreté et sa douce brillance vers des figures aux reliefs mouvants. Pour offrir davantage de gonflant à un cloqué, il laisse une grande ressource à l’intérieur du montage d’une jupe. Avec le gazar, créé spécialement pour lui, il stylise les formes. Plus qu’il ne le fronce, il le pince pour qu’il se cabre, il lui impulse une énergie, un mouve- ment. Cette matière le porte à épurer les lignes vers toujours plus d’abstraction. »
Le vêtement ne se décrit pas comme une sculpture, car les mots portent la rêverie autrement : ils parlent du corps, sans le nommer, sans le montrer, autour d’une absence que l’on imaginera en mouvement, ailleurs.
Au terme de la visite, ce qui unit ces deux créateurs et demeure fixement car les deux oeuvres sont comme deux soeurs en écho, tient en un mot: l'élégance!
Balenciaga. Calotte 1960. Satin noir, décor en velours et taffetas noir, voilette noire. Collection Palais Galliera -‐ © Julien Vidal / Galliera / Roger
Viollet Véronique Belloir, chargée des collections haute-couture au Palais Galliera a sélectionné soixante-dix pièces issues du fonds Galliera et des archives de la Maison Balenciaga pour faire découvrir l’univers de ce créateur d’origine espagnole. Une occasion de voir ou revoir l’incroyable Musée Bourdelle pour tous les visiteurs.
Belle visite !
Je recommande aux curieux de la mode : Une exposition « Fashion Tech Festival » qui aura lieu du 28 juin au 2 juillet prochains à la Gaité Lyrique à Paris qui propose de vous faire découvrir les vêtements du futurs. Une exposition ouverte et gratuite à tous. Le monde de la mode et les nouvelles technologies se retrouvent mixés dans des œuvres et des prototypes uniques. Occasion de tables rondes réunissant start-ups et créateurs sur la mode de demain ; ils évolueront autour de 4 grands thèmes Intimacy & textile, Body & performance, Sustainable engagement, impact of immaterial. http://www.showroomprivegroup.com
Human Sensor : mesurer la pollution avec Human sensor// Artiste Kasia Molga
Neffa Dynamic : vêtements capables de répondre aux besoins et aux désirs de l’utilisateur sans qu’il n’ait à fournir d’effort : diffusion de chaleur, de lumière/// artiste Aniela Hoitink
Caroline Benzaria
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