Rendez-vous au Musée de Pont-Aven deuxième étape de cette manifestation co-organisée en collaboration avec le Palais Lumière d’Evian pour voir à l’œuvre ces femmes artistes des contrées lointaines.
On connait mieux les photographes et écrivaines et moins les peintres, exprime Arielle Pélenc à l’initiative de ce projet d’exposition et commissaire.
Marie Bashkirtseff connue pour son Journal écrit à l’âge de 12 ans, d’origine ukrainienne, écrit un article sur la formation des femmes peintres dans le journal féministe La Citoyenne que publie Hubertine Auclert à Paris de 1881 à 1891.
Que dit-elle ? Deux voies seulement s’ouvrent aux femmes : celle d’une formation modeste artisanale les orientant vers les métiers des arts appliqués, ou celle de la peinture amateure.
La fameuse Académie Jullian reçoit des femmes et est l’un des rares atelier qui délivre une formation académique et professionalisante pour les femmes qui devront se battre pour avoir le droit de peindre un homme nu.
Photo Maison Alexandra David- Neel, Digne les-Bains
Alexandra David-Néel et son futur fils adoptif Aphur Yongden, au Tibet septentrional, non daté. Elle tient le rosaire en os offert par son maître de Lachen et porte à la ceinture une dague rituelle. Elle se désigne, au revers du tirage destiné à son mari, comme « Une dame lama de la secte rouge du “Parfait Accomplissement”
Digne-les-Bains, maison Alexandra David-Néel
Elle était destinée à devenir une cantatrice, elle est devenue la première femme occidentale à atteindre Lhassa au Tibet, en 1924. C’est au Musée Guimet qu’est née sa vocation d’orientaliste et de bouddhiste. Elle obtient une bourse pour aller en Afrique du Nord et a suivi les cours de l’Ecole des Arts décoratifs pour devenir illustratrice. Elle part à Ceylan. Fait les portraits des Maharadjas et quand elle sera au Tibet elle exécute des portraits des moines car elle reste une excellente dessinatrice et pas seulement une des premières femmes exploratrices.
Les discrètes passagères du XIXème siècle
L’exposition réveille les questions débattues aux États-Unis à travers les études féministes et les Gender Studies, qui étudient durant les années 1970 l’existence de très nombreuses artistes femmes en Occident depuis plusieurs siècles.
Elle retrace également l’histoire du voyage dans l’espace colonial occidental européen (Congo Belge, Inde, Maghreb…).
Marcelle Ackein, Bergers au Douar, ca 1930. Huile sur toile, 195,6 × 158,7 cm, inv. 75.15548.1.
Paris, musée du quai Branly – Jacques Chirac. ©RMN-GP_Daniel_Arnaudet ©DR
Marcelle Ackein passe son enfance en Algérie. Au Maghreb, seule l'Algérie est une colonie tandis que la Tunisie et le Maroc sont placés sous protectorat français en1881 et 1912. L’artiste vient à Paris pour faire ses études. Ses tableaux sont achetés par l’état et elle vit au Maroc de 1914 à 1919. Elle s’inspire des motifs des tapis et arrive à une synthèse qui n’est pas exotique. Elle est à compter parmi les plus importantes peintres orientalistes si ce n’est la plus grande de son temps. Les collectionneurs se l’arrachent à ce jour. On lui doit le décor de la Cathédrale du Souvenir à Dakar. Elle reste l’une des rares modernes de l’époque.
Entre 1880 et 1944, les femmes artistes vont se dédier à leurs œuvres singulières et respectives et laisser des représentations de lieux et des portraits de gens qu’elles ont fréquentés de l’Afrique du Nord jusqu’à l’Indochine et même en Océanie.
Les françaises partent en résidence à l’étranger avec des bourses quand elles n’accompagnent pas leurs époux en déplacement. Jeanne Delafoy est partie avec son mari en Perse et ils ont été à Suez. Elle prend des photographies des fouilles et des gens. Elle obtient l’autorisation de porter le pantalon, ce qui reste interdit à la femme par la loi jusqu’à ce qu’elle soit abrogée à l’aube des années 2020.
D’autres rêvent de Paris et s’y rendent pour se former et y vivre. Les échanges se font dans les deux sens dans une moindre mesure.
Pour diffuser leur travail, elles participent à l’exposition coloniale de 1930 ou d’autres en vue et avec l’état français devant acquérir un quota. Grâce à cette politique on redécouvre aujourd’hui avec intérêt et bonheur ces œuvres restées dans l’ombre au fonds des réserves très longtemps. C’est la force et le mérite de cette exposition de les avoir rassemblées et montrées. Ces pionnières existaient déjà, en très petit nombre, certes. Peu le savaient.
Arielle Pélenc a fouillé durant plusieurs années les réserves des musées et a réussi à mettre à jour un corpus très diversifié sur le plan historique, documentaire et artistique. Certaines œuvres ont nécessité des restaurations et sont présentées pour la première fois au public.
Alix Aymé, Jeune Femme à la pomme cannelle, ca 1935.
Tempera sur toile, 39,5 × 45 cm. Collection particulière. © Mirela Popa
Née à Marseille Alix Aymé belle-sœur de Marcel Aymé, part vivre en Chine et au Vietnam où elle enseigne au Lycée français de Hanoi. Alix Aimé a aussi peint au Laos.
Pan Yullang, un cas rare arrive de Chine en Europe. Les intellectuels chinois venaient se former en France.
Pan Yuliang, Nu assis, 1953. Huile sur toile, 45,1 × 58,1 cm, inv. MC 8813.
Paris, musée Cernuschi, musée des Arts de l’Asie de la Ville de Paris.
© Paris_Musées_musée Cernuschi_© DR
Orpheline, Zhang Yuliang (ou Yunlin) est vendue vers l’âge de 13 ans. Initiée à la peinture elle s’intéresse en particulier à la représentation du nu, alors sujet tabou en Chine. Elle va dans les bains publics et se prend pour modèle.
En 1921, elle poursuit ses études en Europe, aux Beaux-Arts de Lyon. Il y a un institut franco-chinois crée à Lyon à cause des soieries. Elle ira ensuite à Paris (1923) et à Rome (1925).
Elle devient une brillante enseignante, puis la directrice du département de peinture occidentale à Shanghai Meizhuan. De 1937 à 1942, à Paris elle peint à l’huile sans discontinuité. Un film a été réalisé en 1994 par Yimou Zhang et Huang Shuqin avec Fang Cen, Gong Li sur sa vie : Pan Yuliang, artiste peintre.
Artistes professionnelles
Les femmes qui partent répondent à un appel. Elles vont et doivent rompre avec des codes strictement bourgeois. Les françaises partent vers l’Orient comme les étrangères rejoignent Paris alors épicentre de l’art. Elles font bouger les lignes.
Les artistes présentées à Pont-Aven contribuent et préparent ce mouvement de libération de la femme qui compte des médecins, journalistes, … des nouvelles venues dans l’arène professionnelle des hommes.
La femme fume.
Un petit court métrage humoristique filmé par Alice Guy inverse les rôles homme femme dans l’espace domestique.
Les femmes voyagent au XIX dans le monde entier.
Les femmes sont des créatrices d’images du monde !
Anna Quinquaud, Kadé, fille3eme de Touré, 1930. Bois, 46,4 × 16,4 × 21 cm, inv. FNAC 4084.
Paris La Défense, Centre national des arts plastques. Dépôt à Poiters, musée Sainte-Croix
Anna Quinquaud fut présentée dans l’exposition Pionnières au Musée du Luxembourg. Sa mère était élève de Rodin. Elle entre à l’école des Beaux-Arts de Paris et obtient le second Prix de Rome à l’Académie Médicis en sculpture en 1924. Elle est faite chevalier de la légion d’honneur en 1932 puis est nommée en 1946 à l’Académie des Sciences de l’Outremer. Son style très en vogue dans les années 30 est celui de la ligne et de l’épure. Anna Quinquaud a entretenu des liens créatifs avec les faïenceries de Quimper. L’œuvre a été sauvée par le musée de Brest.
En conclusion
Plus de cent cinquante peintures, sculptures, dessins, affiches, gravures et photographies échappent aux classifications de l’histoire de l’art à cause de leurs extraordinaires diversités ainsi regroupées et nous invitent à un voyage inoubliable.
MARIE-ANTOINEUE BOULLARD-DEVE, FRISE DE PERSONNAGES INDOCHINOIS (MNONG), 1931.
GOUACHE ET HUILE SUR PAPIER, 150 × 302 CM, INV. 75.2012.0.664. PARIS, MUSEE DU QUAI BRANLY – JACQUES CHIRAC.
©MUSEE DU QUAI BRANLY_CLAUDE GERMAIN© BOULLARD-DEVE MARIE ANTOINEUE
Angel Toutpourlesfemmes