L'abandon

Lettre de Marina : Frank m'a quittée la veille de Noël

Solitude, peur de vieillir seule... Marina vient d'être 'larguée' par son compagnon. Et il est le troisième à le faire. Pourquoi ? Comment sortir de cette spirale répétitive ?

 Photo extraite du film consacré à Edward Hopper © KMBO

J'ai 35 ans. Mon compagnon, Frank, vient de me quitter. J'ai passé les fêtes seule. Je n'ai même pas voulu aller chez mes amis qui m'avaient invitée. Je suis restée chez moi, effondrée dans mon canapé, en pyjama.

J'ai mangé devant la télé. En plus, le programme était débile. Je me suis vengée sur le foie gras et la bûche au chocolat. Tout ce que j'avais prévu pour nous deux, je l'ai ingurgité, et j'ai vidé toute la bouteille de champagne. Je n'ai eu aucun plaisir. J'ai d'ailleurs été malade toute la nuit. Au moins cela m'a permis de ne pas penser à lui.

Ce salaud, je le déteste de m'avoir abandonnée. Je l'ai tant aimé. Nous avons vécu six ans ensemble. Et là, la veille des fêtes, il a fait sa valise. C'est vrai que nous nous sommes disputés. Il m'a dit qu'il ne supportait plus mes reproches.

Ce ne sont pas des reproches que je lui fais. J'ai besoin d'un homme qui s'occupe de moi. Au début, il m'apportait des fleurs, il me faisait des cadeaux pour un oui, pour un non. Il m'emmenait au restaurant, il organisait les vacances. Et puis, peu à peu tout cela s'est effrité. Moi, je voulais que cela continue. Je pleure. Je pensais que ma vie allait se faire avec lui.

Je rate toujours ma relation avec les hommes. Avant lui, j'ai eu deux autres compagnons. Il y a eu Thierry, j'avais 25 ans. Cela a duré 2-3ans. Puis Philippe. Notre vie commune a duré un an et demi. J'ai peur de vieillir seule comme ma mère. Elle a 72 ans. Mon père nous a quittées quand j'avais 12 ans.

Marina

Le commentaire du psy à Marina

Marina,

Vous terminez la première partie de votre lettre en disant ' cela m'a permis de ne pas penser à lui'.

Moi je serais tenté de vous dire que vous n'avez jamais pensé à lui, mais toujours pensé à vous. Si vous pensiez à lui, c'était parce que cela vous permettait d'exister, il donnait un sens à votre existence.

Quand vous dites "vous l'avez tant aimé ", c'est de vous avoir fait exister que vous avez aimé. Vous avez aimé le fait d'être aimée. Mais vous, l'avez-vous aimé ? C'est plus discutable, me semble-t-il.

Cet homme vous a probablement beaucoup aimé, toutefois il n'a pas eu de retour.

Je conçois que cela soit un peu dur à entendre mais nous allons développer l'idée afin que vous puissiez tirer bénéfice de ce que nous pourrions réfléchir ensemble.

Vous parlez de ce qu'il vous donnait, mais pas une seule seconde de ce que vous pouviez lui apporter, lui donner. Il faut accepter que s'il est parti, c'est parce qu'il ne perdait rien, qu'il ne laissait rien, qu'il ne manquerait de rien.

Bref, vous avez aimé l'image qu'il vous renvoyait et vous permettait d'avoir de vous, et ce n'est rien d'autre que vous que vous avez aimé.

Vous dîtes avoir 35 ans. Et qui ou quoi d'autre dans votre vie ? Enfant ? Chien ? Chat ?

Il ne supportait plus vos reproches ? Quoi de plus normal : il donne et vous n'êtes jamais contente.

Vous vouliez que cela continue ? Je n'en doute pas, mais lui voulait surement un échange, une relation plus équilibrée.

En réalité vous deviez savoir que cela allait vous arriver, vous le pressentiez. Vous êtes incapable de donner, vous voulez juste recevoir. C'est ce qui vous arrive à chaque fois. Vos partenaires se lassent, ils veulent un retour, ils souhaitent de l'échange. Ils, ils, ils... les hommes sont sans doute plus tendres et demandeurs d'affection que vous ne semblez le croire.

Il faut partir d'un principe simple : si une situation se répète, c'est que l'on génère cette même situation. C'est notre comportement qu'il faut interroger et non pas reprocher à l'autre d'avoir réagi en fonction de ce que nous avons induit.

Vous parlez de la crainte de retrouver la solitude de votre mère.

Les mêmes causes produisent les mêmes effets...

Je ne peux que vous inviter à réfléchir à votre comportement qui serait responsable de la suite du cours de votre vie.

Votre histoire et votre avenir dépendront directement de la place que vous ferez à l'autre.

Richard C.

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