Psycho : éduquer ses enfants à la joie

Eduquer à la joie, voilà ce que propose Antonella Verdiani, docteur en sciences de l’éducation qui travailla pour l’éducation pour la paix et la non-violence à l’Unesco. 

Tester un nouvel modèle éducatif

Dans son livre Ces écoles qui rendent nos enfants heureux, elle raconte comment la soif de connaissance peut naître uniquement du désir d’apprendre. Reprenant les préceptes des pédagogies actives pour qui lorsqu’on arrête de s’amuser, on arrête d’apprendre, elle s’adresse aux parents, aux enseignants et aux politiques pour rendre universel un modèle éducatif loin de celui basé sur la compétition et l’individualisme.

Ces écoles qui rendent nos enfants heureux, d'Antonella Verdiani - Psycho - éduquer ses enfants à la joie - Toutpourlesfemmes

Rien ne peut être enseigné

Dans ses conférences, Antonella Verdiani commence souvent par cette phrase choc Rien ne peut être enseigné, à la manière de Socrate qui voulait réveiller ses interlocuteurs. Elle reprend les mots d’un mystique indien, Sri Aurobindo (XIXè siècle) qui exprimait le rôle du maître, non pas comme quelqu’un qui enseigne mais comme un guide qui suggère plutôt que d’imposer, qui pratique la maïeutique, l’accouchement des esprits. Il s’agit de faire confiance aux enfants car, plus que tout adulte, ils savent ce qui va leur être utile, ce qui va faire d’eux des êtres responsables. Et surtout ils portent en eux le moteur qui va les éveiller à la connaissance: la joie de la découverte, la curiosité. Or, la majorité des écoles fonctionnent sur un modèle coercitif, avec un rapport autoritaire entre le maitre et l’élève alors que cette relation devrait être paritaire. Comme le disent plusieurs grands sages indiens, il est tout aussi important pour un disciple de rencontrer son gourou (maître) que pour un gourou de rencontrer son disciple. Dans l’école, c’est une relation d’humilité où chacun apprend de l’autre. Pour apprendre, nous avons besoin d’être joyeux et non pas assujettis, explique Verdiani. 

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Des guides, humbles et généreux

L’éducateur est là pour montrer le chemin, c’est à dire en montrant l’exemple, par ce que l’on fait est ce que l’on est, affirmait Krishnamurti, le fondateur de l’école Brockwood. C’est un chemin où l’effort devient grâce et amour de l’objet de connaissance. Pour stimuler l’Eros, le désir d’apprendre afin de grandir en adulte éveillé et conscient de son rôle sur Terre, le maître se doit d’être lui-même habité par la joie.

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Comment avoir envie d’écouter un professeur éteint, qui semble subir la vie? Cela semble évident d’admettre que le bien-être des étudiants favorise leur apprentissage, qu’un cerveau motivé et calme crée les « aha moments » comme disent les anglais, les « j’ai compris! », cette joie intense que l’on ressent lorsque notre esprit a accouché de ce qu’il savait depuis toujours! Les pédagogies directives s’adressent à des classes silencieuses et obéissantes dans lesquelles on écoute un professeur qui parle et sanctionne. Le processus d’apprentissage risque d’être paralysé par la peur d’échouer, le stress de mal faire.

Le paradigme de la compétition demeure malgré les signaux d’alarmes dont certains comme Steiner, Freinet ou Montessori ont au moins 100 ans! Il est urgent de sortir l’éducation de sa vision utilitariste (s’instruire pour travailler et servir sa patrie) et de l’orienter vers la coopération, la conscience des enjeux du monde, le savoir-être dans la joie d’être ensemble, disent ensemble les maîtres spirituels. 

 La Broadwood School (Angleterre) a été créée par Krishnamurti - Psycho - éduquer ses enfants à la joie - Toutpourlesfemmes

La troisième révolution

L’humanité est à un tournant majeur, le troisième depuis la première révolution industrielle. Celle-ci est marquée par l’évolution galopante des technologies et des modes de communication et le besoin dès lors d’avoir un rôle éthique et conscient. En France, comme dans la plupart des pays occidentaux, règne le mythe des « bonnes écoles ».  Dès leur plus jeune âge, les enfants sont peu à peu dirigés vers ces établissement qui forment les soi-disant élites, ceux qui réussiront. On ne se pose pas la question « qu’est-ce qu’un bon élève? ». Quelqu’un de performant, de compétitif? Quelqu’un qui gagne beaucoup d’argent? Quelqu’un qui a trouvé sa voie, ses talents, sa place dans le monde? La plupart des jeunes sortant de ces « bonnes écoles » interrogés par Verdiani affirment qu’ils n’ont pas le temps de se poser la question de leur engagement comme citoyen du monde, d’avoir conscience des implications de leurs actes, de leurs choix. Les critères qui définissent l’excellent élève n’ont pas grand chose à voir avec ceux qui construisent la structure d’un « bon être humain »: la conscience, la responsabilité, l’éthique, le respect pour la nature et pour les autres…, développe Verdiani dans son livre. Il ne s’agit pas de bannir la réussite ou  l’excellence mais de les recadrer dans un contexte scolaire qui recrée la confiance dans l’humain au lieu de la compétition et la course aux diplômes.

Inviter les élèves à regarder à l’intérieur de soi, à rechercher le sens de ce qu’ils désirent faire. Cette perte de sens est à l’origine de nombreux suicides et déviances chez les jeunes. Avoir le droit d’être soi-même, être fier de sa singularité, choisir ses propres joies: tels sont nos droits. Notre véritable destin est lumineux, conclut Verdiani. 

 L'école Caminando dans la Drôme - Psycho - éduquer ses enfants à la joie - Toutpourlesfemmes

Antonella Verdiani a parcouru le monde pour analyser de l’intérieur les écoles optant pour des pédagogies alternatives, l’école du Libre Progrès en Inde, Altinopolis au Brésil, la Brockwood Park School en Angleterre pour ne citer que celles-ci. Il en existe heureusement d’autres, et les initiatives émergent chaque jour, dans le même esprit que celui véhiculé par le film Demain. Celles-ci rejoigne le Printemps de l’Education, créé par Verdiani, dont le but est de faire dialoguer les acteurs du renouveau éducatif dans le public et dans le privé. 

site: educationalajoie.com

INFOS PRATIQUES
 
Ces écoles qui rendent les enfants heureux, par Antonella Verdiani aux Editions Actes Sud, 22€
L'école dynamique (Paris) : www.ecole-dynamique.org
Magazine Ultreïa! Refonder l'école Hivers 2017, 19,90€