A la Pinacothèque de Paris, du 15 Avril au 14 Septembre 2008
Vingt représentants de la fantastique armée de terre cuite enterrée de Qin Shihuangdi, premier Empereur de Chine, les Guerriers de Xi'an, sont à la Pinacothèque de Paris. Des objets provenant du Musée du Shaanxi, l'un des plus importants de Chine, accompagnent ces ambassadeurs de l'Eternel.
La Pinacothèque de Paris présente un ensemble unique de Guerriers et d'objets de l'époque de Qin Shihuangdi (259-210 avant J.-C.), premier Empereur de Chine, aussi célèbre pour avoir unifié le pays avec force que pour avoir créé de son vivant son mausolée gardé par une armée en terre cuite.
Scénographie savante, éclairage étudié, le visiteur avance comme dans un lieu saint parmi ces témoignages d'un raffinement esthétique qui n'a d'égal que la cruauté qui régnait alors. Et d'abord, ces figures de guerriers en terre, officiers, fantassins ou arbalétriers, si bien conservées que l'on pourrait presque douter de leur âge.
Venus à vingt, dont certains accompagnés de leurs chevaux, ces combattants de l'éternité nous sont presque familiers. On admire sans trop d'appréhension leurs attitudes guerrières, leurs armes, leurs armures (reproduites en pierre).
Par qui et comment ont-ils été fabriqués ? D'après certaines recherches, il semble que ce soit par des équipes organisées d'ouvriers chargés de construire les canalisations alentours, également en argile. Chaque statue serait constituée de modules répétitifs. On a ainsi recensé huit modèles de têtes. Cette standardisation partielle aurait permis d'accélérer considérablement la fabrication de ces preux guerriers. De même pour le reste de la construction du mausolée qui au total a duré trente ans.
De nombreuses pièces en bronze, en or, en jade accompagnent la délégation d'argile à la Pinacothèque. Parmi elles, figure cette pièce particulièrement remarquable par sa taille et son harmonie.
Un paysan...
Tout commence par un paysan qui creuse la terre...En 1974, deux ans avant la mort de Mao, on découvre auprès de la tombe du Premier Empereur des grandes fosses où dort l'armée de terre cuite affectée à sa garde éternelle. Des fouilles nombreuses et spectaculaires menées depuis la fondation, en 1949, de la République populaire de Chine, c'est la plus excitante découverte archéologique. Quelque 2000 statues ont été dégagées, et on estime le total à plus de sept mille. L'apparence vivante de ces guerriers devait être encore plus frappante avec la peinture qui, à l'origine, les recouvrait.
Mais laissons Lothar Ledderose
*Lothar Ledderose est professeur d'histoire de l'art de l'Extrême-Orient à l'université de Heidelberg (Allemagne)
citer, dans le catalogue de l'exposition, le Grand Historien Sima Qian
*Sima Qian est né en 145 avant notre ère
qui décrit la nécropole en détail
*Cf : Les Mémoires historiques (Shiji)
. « Le travail commença dès que le futur empereur devint roi de Qin, en 247 , il avait treize ans ! En 231, la zone de la tombe fût transformée en un district administratif, le district de Li, d'après le mont Li voisin. La population de ce district fut responsable de la construction, puis de l'entretien, de la nécropole impériale. Après que le roi fut devenu empereur en 221, le projet de mausolée semble s'être développé à bien plus grande échelle.
La série des campagnes militaires terminée, un grand nombre de recrues se trouvèrent disponibles, et plus de 700 000 hommes issus de toutes les parties de l'empire furent réquisitionnés pour construire et le palais de l'empereur et sa tombe. C'est sans doute à ce moment qu'on commença à travailler à l'armée en terre cuite. Mais lorsque, en 210, l'empereur mourut, la construction s'arrêta sur le champ. Le travail cessa aussi au palais, et ses ouvriers rejoignirent ceux qui travaillaient à la tombe. Ensemble, ils entassèrent de la terre par-dessus celle-ci durant l'année suivante. »
Piéges et mercure...
Dans un passage fameux, Sima Qian décrit le contenu de la tombe : « On creusa le sol jusqu'à l'eau , on y coula du bronze et on y amena le sarcophage , des palais, des bâtiments pour toutes les administrations, des ustensiles merveilleux, des joyaux et des objets rares y furent transportés et enfouis et remplirent la sépulture. Des artisans reçurent l'ordre de fabriquer des arbalètes et des flèches automatiques , si quelqu'un avait voulu faire un trou et s'introduire dans la tombe, elles lui auraient soudain tiré dessus.
On fit avec du mercure les cent cours d'eau, le Kiang [Jiang], le Ho [He], et la vaste mer , des machines le faisaient couler et se le transmettaient les unes aux autres. En haut étaient tous les signes du ciel , en bas toute la disposition géographique. On fabriqua avec de la graisse de baleine des torches qu'on avait calculé ne pouvoir s'éteindre de longtemps ».
Lothar Ledderose cite d'autres textes évocateurs de la cruauté ambiante : « Il ne faut pas que celles des femmes de l'empereur décédé qui n'ont pas eu de fils soient mises en liberté. On ordonna que toutes le suivissent dans la mort , ceux qui furent mis à mort furent très nombreux. Quand le cercueil eut été descendu, quelqu'un dit que les ouvriers et les artisans qui avaient fabriqué les machines et caché les trésors savaient tout ce qui en était et la grande valeur de ce qui avait été enfoui serait donc divulguée , quand les funérailles furent terminées et qu'on eut dissimulé et bouché la voie centrale qui menait à la sépulture, on fit tomber la porte à l'entrée extérieure de cette voie et on enferma tous ceux qui avaient été employés comme ouvriers ou artisans à cacher (les trésors) , ils ne purent pas ressortir. On planta des herbes et des plantes pour que la tombe eût l'aspect d'une montagne. »
La tombe renferme donc un microcosme, ou modèle idéal du domaine sur lequel l'empereur avait régné et entendait bien continuer à régner après sa mort. S'agit-il d'un fantasme d'éternité ? Lothar Ledderose conclut le chapitre par « Il sera sans aucun doute difficile à tout fouilleur à venir de conserver des fleuves de mercure et des constellations célestes... »
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L'Exposition Les soldats de l'éternité a été organisée sous l'égide d'un comité scientifique constitué notamment de Lothar von Falkenhausen (UCLA), reconnu comme un des plus grands spécialistes internationaux, de Marc Kalinoswki (Ecole Pratique des Hautes Etudes et Professeur à l'Ecole Française d'Extrême Orient) et d'Alain Thote (Directeur d'étude à l'Ecole Pratique des Hautes Etudes et Chargé de recherche au CNRS).
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