Trouver sa place dans un monde en mutation: 'couples en CDD' et 'célibatantes'
Après le 'harcèlement moral' et 'femmes sous emprise', Marie-France Hirigoyen se penche sur les nouvelles solitudes, femmes et hommes compris
Par Marie-Claude Auger
J'aime l'idée que Marie-France Hirigoyen ait donné justement cette photo à son éditeur.
Une photo qu'on prend comme ça, au détour d'une balade, cheveux au vent et pas people pour deux sous, la photo d'une femme tout en pastel. Du bleu partout. Seule sur son rocher, elle sourit à la personne qui prend la photo, un homme, un enfant, une copine ? Derrière, j'imagine que c'est l'Atlantique. Belle-Ile peut-être. Cette femme doit aimer les îles comme elle aime la solitude quand elle est choisie, domptée. Quand on se l'est appropriée.
Entre souffrance et sérénité
Celle que, dans son dernier livre intitulé Les nouvelles solitudes, elle appelle la « solitude riche, sereine », par opposition à la solitude qui est vécue comme une souffrance. Psychiatre et psychanalyste, Marie-France Hirigoyen est à l'écoute d'hommes et de femmes qui se racontent, racontent leur relation aux autres, leurs couples faits et défaits, leurs aventures, leur quête de rencontres, et aussi de plus en plus souvent, quel que soit l'âge, leur solitude, voulue ou subie. Partant de tous les cas et témoignages qu'elle a rassemblés dans cet ouvrage, elle analyse un phénomène social récurrent dans les sociétés développées : avec l'indépendance croissante des femmes, les schémas traditionnels du couple et de la famille sont de plus en plus remis en question. Il semble que nous soyons dans une situation de plus grande autonomie des femmes, mais aussi parfois d'un plus grand désarroi face à l'instabilité croissante des relations homme/femme et à l'isolement qui en résulte pour beaucoup. Cette nouvelle situation est également déstabilisante pour les hommes qui n'ont pas encore intégré les nouvelles aspirations des femmes devenues autonomes non seulement au travail, mais aussi au lit.
Et l'amour, dans tout ça?
Les nouvelles solitudes des uns et des autres débouchent sur de nouvelles formes de vie sexuelle ou amoureuse, qui vont de l'épanouissement dans la liberté retrouvée à l'abstinence obligée ou voulue. Marie-France Hirigoyen dresse un véritable panorama de tous les cas de figures, des recours (factices) pour pallier la solitude subie, comme les sites internet qui ont remplacé non seulement le bal, mais aussi la rencontre, le coup de foudre, l'état amoureux avec ce que l'autre a d'unique. Ah, la rencontre amoureuse ! Celle qui fait battre le cœ,ur de la midinette comme il abolit l'âge de la septuagénaire.
Et puis il y a la solitude surmontée, sublimée, celle dans laquelle on se sent moins seule que dans un couple vidé de sa substance, celle qui fait redécouvrir la disponibilité aux autres, l'amitié, la solidarité, celle qui permet d'avoir accès à sa propre intériorité, de se ressourcer, celle qui est considérée ici comme une initiation, un apprentissage de soi-même. Au passage, la psychologue insiste sur les bienfaits de la solitude, voire de l'ennui, durant l'enfance et s'insurge contre ce besoin perpétuel dans nos sociétés de donner aux enfants des activités, de combler le temps, de refuser le temps mort, comme on dit à tort, car le temps mort, c'est aussi celui qui donne vie à l'imagination, à l'initiative personnelle et est finalement l'apprentissage d'une certaine autonomie.
Trouver sa place
Cependant, comme dit Marie-France Hirigoyen, les clichés ont la vie dure et nous vivons toujours dans une société où la solitude est considérée comme quelque chose d'anormal, voire d'effrayant. « Nous vivons, les hommes et les femmes, dans une période d'intense bricolage affectif et relationnel. Nous construisons de nouvelles façons de vivre sous l'emprise des modèles anciens, pas toujours adaptés, ou périmés. »
On sent que mai-68 est passé par là, n'empêche que pour beaucoup d'entre nous, le vent nouveau qui a soufflé alors a ouvert une brèche dans laquelle il s'agit, aujourd'hui encore, de trouver sa place.
Marie-France Hirigoyen, LES NOUVELLES SOLITUDES, ed. La découverte, 17 euros
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