Bohèmes de la route et bohèmes des ateliers d'artistes se retrouvent au Grand Palais, le temps d'une exposition, du 26 septembre au 14 janvier 2013. Cette exposition est organisée par la Réunion des musées nationaux - Grand Palais, Paris et Fundación Mapfre, Madrid.
Des valises de Genghis Khan aux cimaises du Grand Palais , la route est longue. Cette très intelligente exposition retrace les heurts et les malheurs des Bohèmes de tout poil. Elle parvient à montrer en « image », la fascination et la méfiance pour ne pas parler de la peur qu'exerçaient sur les populations sédentaires ces Bohémiens, dont la légende veut qu'ils aient suivi les Mongols, pour fuir leur condition d'Intouchables au nord de l'Inde. Un glissement sémantique amène, au XIXe siècle, à la vie de bohème .
Le magnifique dessin de Léonard de Vinci qui ouvre l'exposition résume la situation. Le citadin béat, couronné de feuilles de chêne, se laisse compter des balivernes par trois bohémiens hideux qui lui dérobent sa bourse.
A l'aube du XVIe siècle, la cause est déjà entendue et l'imaginaire collectif galope. Des individus libres de toutes attaches, portant leur maison sur le dos, ici là, un jour ailleurs, s'habillant d'oripeaux de couleur vive, ne peuvent qu'inciter à la circonspection et à la fascination.
Voleur de poules et d'enfants, musicien, danseur, buveur, tricheur, femme aux yeux de braise qui ensorcelle le bourgeois pour l'abandonner aussi vite qu'elle l'a séduit, le mythe met trois siècles pour se mettre en place. La représentation de ces bohémiens inspire les peintres. Seul, Boccaccio Boccaccino l'Ancien à la fin du XVe siècle peint toute la beauté d'une petite bohémienne. Dans son regard, la mélancolie, la tristesse et la nostalgie d'un ailleurs qu'elle n'a sans doute jamais connu.
Georges de la Tour, un siècle plus tard, dans un superbe tableau « La diseuse de bonne aventure », à la composition nette et sans fioriture, ne déroge pas à la règle. Un jeune couple bien blanc et propre sur lui est entouré par un groupe de trois femmes nettement plus brunes de peau et plus olé olé dans leurs tenues. La plus vieille, un peu laide et rabougrie, dit la bonne aventure au jeune homme, pendant que deux jeunes et jolies gitanes lui soutirent sa bourse. Chaque artiste apporte ainsi son coup de pinceau à l'imaginaire collectif. Quand le tableau ne sert pas à construire le mythe, il devient plus décoratif.
Henri Murger, Victor Hugo, Georges Bizet
Tout s'accélère au XIXe siècle où la bohème est détournée de son sens premier. Avec la Révolution, le statut de l'artiste change. Le peintre ou le musicien, qui vivait grâce aux commandes d'un protecteur, perd ce statut avec la Révolution. Il devient libre, libre mais pauvre.
C'est Henry Murger avec ses « Scènes de la vie de bohème » qui lui donne ses lettres de noblesse. Et la liberté d'esprit de l'artiste rejoint la liberté de vie du Bohémien. Et ces heures de travail dans un atelier ouvert aux quatre vents avec pour seul chauffage le gros poêle central, qui souvent n'est même pas allumé faute d'avoir trois sous pour y mettre du charbon, devient sujet d'inspiration pour les artistes qui peignent ainsi leur propre misère.
Les amis peintres, écrivains, musiciens deviennent modèles, acteurs de leur infortune. L'autoportrait est aussi une autre forme de mise en scène. Ceux de Gustave Courbet sont parfaitement saisissants et explicites. Dans le tableau « La Rencontre ou Bonjour, Monsieur Courbet », il se peint en vagabond, barbe rousse au vent, face à deux notables montpelliérains. En arrière-fond, un campement de romanichels aux roulottes caractéristiques. Courbet l'anarchiste a choisi son camp.
Les ravages de l'absinthe, bien réels, appartiennent aussi au mythe de la bohème. La recherche de l'inspiration et l'oubli du quotidien passent par la « Fée verte », son sucre et sa cuiller à trou-trou. Les amours tumultueuses de Verlaine et Rimbaud ou la folie de Van Gogh appartiennent pour l'éternité à cette bohème immortalisée par Puccini. Quelques photos de Eugène Atget témoignent de cette misère poétique.
Avec le courant romantique, les figures du Bohémien et de la Gitane deviennent des personnages centraux de l'imaginaire. Les écrivains, peintres, musiciens vont en Espagne et en ramènent les clichés qui ont encore cours aujourd'hui. Victor Hugo immortalise la bohémienne au grand cœ,ur et à la grande vertu en la personne d'Esmeralda, l'héroïne de « Notre-Dame de Paris ». Quelques années plus tard, Prosper Mérimée met en scène un personnage plus sulfureux avec Carmen , qui donnera l'opéra éponyme de Georges Bizet, avec le succès qu'on sait.
Ces Bohémiens et cette bohème vont voir leur route se croiser une dernière fois dans les années 30. Dans l'Allemagne nazie et ses satellites, les artistes, réfractaires à la norme, et les Bohémiens ou Roms, avides de liberté, se retrouveront compagnons de malheur dans les camps de concentration, puis camps de la mort.
Cette exposition balaie cinq siècles d'imaginaire collectif. De Vinci à Picasso. Les idées reçues ont la vie dure, souhaitons que cette exposition contribue à changer les regards sur les Bohémiens que sont les Roms d'aujourd'hui. Misère et poésie ne font pas si bon ménage que cela.
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- ouverture tous les jours sauf le mardi de 10h à 20h, et nocturne le mercredi jusqu'à 22h
- fermeture anticipée à 18h les 24 et 31 décembre
- tarifs : PT : 12 €, TR 8 € (13-25 ans, famille nombreuse), gratuité pour les demandeurs d'emploi grâce au soutien de la Macif, bénéficiaires du RSA, du minimum vieillesse, et jusqu'à 13 ans
- visite contée en famille —, avec enfants à partir de 5 ans
les mercredis et samedis à 15h du 10 octobre 2012 au 12 janvier 2013 (détail sur www.rmngp.fr) - durée : 1h - Tarif famille (2 adultes et 2 jeunes) : 48 €
- audioguides : français, anglais et version adaptée pour le jeune public en français
- location à l'entrée de l'exposition : 5 €
- accès Grand Palais, entrée Clemenceau
Métro lignes 1, 9 et 13 : Champs-Elysées Clemenceau ou Franklin-Roosevelt.
- Renseignements, téléchargement des audioguides et achat des billets sur www.rmngp.fr
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