L'enfer vert d'Ingrid Betancourt

Ingrid Betancourt, l'ex-otage franco-colombienne des Farc et ancienne sénatrice, a décrit «l'enfer vert» dans lequel elle a été détenue pendant près de sept ans. Voici un extrait de son intervention, lors de sa réception à l'Elysée le 4 juillet, en présence de sa famille et devant un parterre de personnalités et d'anonymes qui se sont mobilisés pour sa libération.

Je suis tellement tellement émue. Depuis qu'on m'a libérée, je ne fais que pleurer (...) J'ai tellement envie de vous embrasser tous, un par un. Je vous dois la vie. Je vous dois tout. Si vous saviez ce que c'était de savoir...au fin fond de cette jungle. Je voudrais vous expliquer ce que c'était. Pas de soleil, pas de ciel, un plafond vert. Je suis très écolo, mais non, c'était trop ! Une muraille d'arbres, plein de bêtes les plus épouvantables les unes que les autres. Pour vous donner une idée de ce que c'était, lorsque nous devions marcher, faire ces marches... Je crois qu'en moyenne, j'ai fait 300 km à pied par an, pendant sept ans. Je marchais avec un chapeau, jusqu'aux oreilles, parce que toutes sortes de choses vous tombent sur la tête, des fourmis qui vous piquent, des bestioles, des tics, des poux. Avec des gants, parce que tout dans la jungle, pique. Chaque fois que vous essayiez de vous raccrocher à quelque chose pour ne pas tomber, vous aviez mis la main sur une tarentule, vous aviez mis la main sur une épine, vous aviez mis la main sur une feuille qui pique. C'est un monde absolument hostile, avec des animaux dangereux, dont le plus dangereux de tous est l'homme. Ceux qui étaient derrière moi, avec leurs gros fusils, à me pousser. 'Marchez ! Allez, plus vite !'. Et donc, dans cette atmosphère, dans ce monde hostile où tout est ennemi, tout est dangereux, tout est contre vous, il y a Dieu. Et puis pour moi, il y avait vous. Parce que je savais que j'étais portée par votre amour, par vos prières, par vos paroles, par votre action. Je sais que c'est très très dur de soutenir l'espoir de quelqu'un en faisant du quotidien de chacun de nous un espace pour lutter pour les autres. Dans le quotidien, on a plein de choses à faire (...). Le temps que vous avez trouvé pour vous occuper de moi, pour m'inclure dans votre quotidien, dans votre vie, pour faire de moi quelqu'un de votre famille, pour avoir souffert avec moi, pour avoir espéré avec moi, pour m'avoir accompagnée dans tous ces moments d'angoisse. Mon Dieu, que vous aime !

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Par Nicole Salez

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