Durant sept été féconds, de 1839 à 1846,George Sand et Chopin réalisent leurs plus grands chefs d'oeuvre.
Nous sommes en 1838. George Sand et Frédéric Chopin se sont rencontrés il y a peu dans les salons parisiens. La liaison entre Aurore Dupin, baronne Dudevant, alias George Sand, femme écrivain engagée, libre et inféodée, et le jeune compositeur polonais exilé à Paris à 20 ans, défraie la chronique.
Chopin souffre de tuberculose, George Sand le prend sous son aile et l'emmène aux Baléares se refaire une santé. Un séjour catastrophique dans une sinistre et humide chartreuse. Elle écrit Un hiver à Majorque , il doit terminer ses 24 préludes .
Ils se réfugient à Nohant, terre natale de George Sand dans la gentilhommière familiale. Ici la vie calme à la campagne sera un long moment d'apaisement où Chopin reprendra espoir et santé. Les deux géants ont respectivement 34 et 28 ans. C'est le moment où leur génie s'épanouit. Chopin y composera tous les chefs d'œ,uvre de la maturité, une cinquantaine d'œ,uvres, balades, valses, polonaises.... Elle écrit, la nuit, six romans majeurs.
une complicité artistique hors du commun
Soudé par une complicité artistique hors du commun, le couple passera pendant sept ans de longs étés de plusieurs mois dans ce cadre de vie privilégié propice à la création. Chopin a noué des liens particuliers avec Pleyel qui fait évoluer la qualité de ses pianos en fonction de ses exigences. Il les veut toujours plus sensibles, permettant une infinité de couleurs.
Chaque année Pleyel lui fera livrer un piano par diligence pour la saison à Nohant. Il termine sa Sonate funèbre op 35. Sa 3eme étude reflète l'atmosphère sereine et apaisée du lieu. Chopin a connu une jeunesse heureuse dans la campagne polonaise, il aimait la musique populaire. A Nohant il écrit douze Mazurkas.
Une vie studieuse
La vie s'y écoule lentement rythmée par le travail d'écriture de George Sand et les promenades quotidiennes. Elle est studieuse, régulière. « Ici on ne vit que comme les choux et les carottes, je travaille, on fait tous les jours la même chose », écrit-elle. Chocolat chaud pour lui le matin dans sa chambre. Diner à 18 heures pour tous, longue soirée ensuite avec les amis berrichons.
Pour divertir Chopin et parce qu'elle aime la nature, elle organise des expéditions extravagantes dans les lieux touristiques alentour. Le couple, accompagné des enfants Maurice et Solange et des amis de passage, part à dos d'âne dormir sur la paille à la belle étoile, voir les ruines de Crozant que peindront les impressionnistes, à la limite de la Creuse, admirer à Corte la vue sur la vallée de l'Indre, se tremper dans la rivière. George Sand rentre enchantée de ces expéditions, convaincue qu'elles font beaucoup de bien à Chopin. Lui l'est moins, il négocie de rester à la maison pour composer en compagnie du petit chien qui sautille autour de lui. Il compose les deux valses op 64.
Delacroix parle couleur à la table de George Sand
Chopin s'ennuie loin de sa famille et de sa Pologne, la mélancolie n'est jamais loin chez le premier des romantiques. Alors George Sand invite ses amis.
Ils accueillent à leur table Eugène Delacroix qui vient séjourner à trois reprises et peint tandis que Chopin compose fenêtres ouvertes à l'étage accompagné du chant des oiseaux. La cantatrice Pauline Viardot dont la petite fille inspire à Chopin son étonnante berceuse « un Ovni miraculeux », selon Yves Henry (1). Partagent également leur table Hippolyte Chatiron, Louise, la sœ,ur de Chopin qui lui rend visite en août 1844 à la mort de leur père, le philosophe Pierre Leroux, théoricien du socialisme et maitre à penser de George Sand, qui possède une imprimerie à Boussac, Gustave Papet, le médecin. « George Sand est toujours en quête d'une liberté qu'elle a essayé de transmettre aux autres », observe Jean-Yves Patte, historien de l'art.
Une maison où souffle l'esprit des deux géants
Eugène Delacroix enseigne la peinture à Maurice Sand. Pendant ses séjours on se livre à de longues discussions sur la couleur en peinture et en musique. De cette confrontation nait le Prélude op 45, un feu d'artifice de couleurs tonales. « Dix ans après la mort de Beethoven, c'est totalement nouveau. Ce travail d'un peintre au piano comme des couleurs qu'il disperserait dans l'eau, préfigure la nouvelle musique », observe Yves Henry « Sa façon de faire sonner le piano annonce Debussy et le piano orchestre. Avec Mozart, ce sont les deux compositeurs les plus universels ». Schumann le considère dès ses premières œ,uvres comme un génie. Liszt viendra aussi à Nohant où il commencera à transcrire les symphonies de Beethoven.
1846 sera le dernier été ensemble à Nohant avant leur séparation. Chopin terminera à Paris sa sonate pour violoncelle et piano puis il ne composera presque plus, avant de mourir à Paris en 1849 à 39 ans.
George Sand lui dédie La Mare au diable.
« A la faveur de l'arrivée du train à Châteauroux, elle s'installe définitivement à Nohant ou elle se livre au jardinage et à la botanique et mourra en 1876, dans sa chambre bleue face au jardin devant les deux grands arbres plantés à la naissance de ses enfants », indique Vinciane Esslinger (2).
La maison est lèguée à l'Etat
Aurore, sa petite fille et dernière descendante, lègue la maison à l'Etat. Devenue Monument National elle est ouverte au public tous les jours. L'ancienne bergerie a été transformée en auditorium moderne qui accueille les grands concerts du festival Chopin. Sa librairie de grande qualité est spécialisée dans les œ,uvres des deux génies. Son jardin, réputé pour ses roses, est classé Jardin Remarquable.
(1) Yves Henry, pianiste, président du festival Chopin de Nohant, a enregistré les 24 Préludes op 28 dans deux versions : sur piano Pleyel de l'époque de Chopin et sur le nouveau Pleyel de concert. Il est co-auteur avec Jean-Yves Patte du beau livre : Les étés de Frédéric Chopin à Nohant, 1839-1846, (éditions du patrimoine 2009, 39 euros avec 4 CD)
(2) guide conférencière
www.monum.fr
Autour de Nohant
Seize promenades en boucle peuvent se faire autour de Nohant dont :
- Le sentier littéraire des maîtres sonneurs (joueurs de cornemuse) invite à cheminer aux côtés des héros du roman de George Sand.
Plus loin, deux sites exceptionnels du patrimoine naturel de la région méritent le détour :
- Crozant et les paysages impressionnistes de la vallée des peintres. En découvrant Crozant, à la lisière de la Creuse, George Sand est bouleversée par la beauté des paysages sauvages. Avec l'arrivée du chemin de fer au milieu du XIXe siècle, de nombreux artistes viendront y planter leur chevalet : Corot, Monet, puis Armand Guillaumin, Fernand Maillaud, Anders Osterlind, Emile Othon Friesz, Picabia...
- le parc régional de la Brenne pour sa richesse écologique, sa nature sauvage et préservée.
www.berryprovince.com
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