Exposition ”Festins de la Renaissance” : Des mots aux objets...

L'exposition 'Festins de la Renaissance' au château royal de Blois offre l'occasion d'entrer dans l'intimité d'une époque dominée par le renouveau de la cuisine française aristocratique sous le signe du sucré, du raffinement des manières de table et de la mise en scène du repas royal. Quelques mots et objets vous en disent davantage.



Artichaut

En Italie du Nord la culture de l'artichaut est mentionnée à partir du XVe siècle , au XVIe siècle les artichauts étaient considérés comme des fruits. C'est à Catherine de Médicis, qui en raffolait, que l'on attribue son introduction sur le sol français. Le chroniqueur Pierre de l'Etoile évoque ce légume à propos d'un repas de mariage auquel participa, le 19 juin 1575, la reine : “La reine mère mangea tant qu'elle crut crever et fut malade... On disait que c'était d'avoir trop mangé de culs d'artichauts et de crêtes et de rognons de coq dont elle était fort friande,”

Assiette et Tranchoir

Le prince de la Renaissance mange sur des tranchoirs de métal précieux, suivant une tradition médiévale L'assiette, qui n'est au fond qu'un tranchoir à bords relevés, apparaît à une date difficile à déterminer au cours du XVIe siècle . Elle peut être en métal mais aussi en céramique , dans ce dernier cas elle proviendrait d'Italie. L'utilisation de la céramique semble avoir représenté une nouveauté sur la table de la Renaissance.


Beurre


Le beurre est devenu graisse de prédilection pour la préparation des plats maigres (poissons, légumes et œ,ufs) : son emploi a décuplé depuis le Moyen Age. Le beurre le plus réputé était acheminé de Normandie à Paris par bateau, conditionné dans des hauts pots de grès dénommés “sinots” , on les cassait au fur et à mesure de la consommation du beurre et pour le présenter en motte sur la table.

Buffet

La table, expression favorite du pouvoir

L'élément le plus caractéristique du décor des salles de banquet était la présence d'importants meubles en étagères, qui pouvaient atteindre douze degrés... sur lesquels étaient disposées orfèvrerie ou la vaisselle précieuse. L'usage de posséder et de dresser des buffets d‘orfèvrerie est une nécessité sociale , le buffet d'orfèvrerie accompagnait son propriétaire dans tous ses déplacements. Les services d'apparat sont presque toujours réalisés avec des écrins ou des étuis pour le voyage.

La vaisselle d'apparat ne quitte pas le buffet, lors du festin ou du repas princier, où elle n'est justifiée que par son exposition ostentatoire , d'ailleurs le buffet est surmonté souvent d'un dais , elle regroupe les hautes coupes sur pied, les grands rafraîchissoirs à bouteilles, les bassins et les aiguières...

Civilité


La bonne tenue à table est un élément de distinction


En 1530, Erasme de Rotterdam publie un ouvrage intitulé “de l'éducation des enfants” dans lequel il traite de la civilité, c'est-à-dire de la manière de se conduire en société. Il consacre un très long chapitre aux manières de manger. Traduit dans de nombreuses langues européennes, cet ouvrage va connaître un très large succès. L'apparition du terme civilité est le symbole d'une transformation de la réalité sociale et constitue l'épine dorsale de la société de cour.

Les manières, au premier rang desquelles les manières de table, vont être l'objet de prescriptions au service de la distinction sociale : “Il est discourtois de lécher ses doigts graisseux ou de les nettoyer à l'aide de sa veste. Il vaut mieux se servir de la nappe ou de la serviette.”
“Ne plonge pas le premier tes mains dans le plat que l'on vient de servir : on te prendra pour un goinfre...”


Confitures

La pâtisserie connaît de réels progrès sous l'impulsion des artistes italiens, passés maîtres dans l'art des confitures, des gelées, des massepains, des pains d'épices et des nougats. Les livres dits “de confitures” sont les héritiers des livres économie domestique et de médecine populaire. Michel de Notre-Dame dit Nostradamus publie à Lyon en 1555 un opuscule où la première partie traite des secrets de beauté, d'hygiène et ses remèdes , la seconde est consacrée aux confitures , il se propose d'enseigner la conservation des fruits au moindre coût “tant en sucre, miel, qu'en vin cuit”...


Dindon

Le Nouveau Monde s'invite à table

Il s'agit du seul animal du Nouveau Monde plébiscité par les tables occidentales. Dès son premier voyage, Colomb découvre le dindon : “de grosses poules avec des plumes comme une sorte de laine”. La dinde est rapidement connue et réputée en France , lors d'un banquet donné à Paris en l'honneur de Catherine de Médicis en 1549, 66 dindes sont servies. Elle appartient alors aux tables princières : en 1538 une dinde vaut huit fois le prix d'une poule...

Cette rapide intégration culinaire s'explique par le fait que le dindon s'intègre parfaitement à l'exploitation domestique, qu'il supporte les hivers rigoureux, qu'il peut être préparé avec les modes de cuisson existants , le goût des élites pour les oiseaux et le préjugé favorable pour la chair de volaille l'ont servi. Nous sommes aussi à un moment où sont encore recherchées pour les festins aristocratiques, les pièces de grande taille : elles concurrencent cygnes, grues, cigognes, hérons et paons grâce à une chair plus fine et plus délicate...

Ecuyer tranchant

La théâtralisation de la table royale

Du Moyen-Age à la Renaissance, le découpage incombe à l'Ecuyer tranchant, un gentilhomme qui ne remplit ses fonctions que l'épée au côté.

Découper en public une pièce de viande tenue sur une fourchette de la main gauche, l'épée dans la main droite sans que jamais les doigts ne touchent la viande, est une façon de tenir son rang, d'affirmer son appartenance à la noblesse d'épée...

Lorsque le roi mange seul, une ruche s'affaire derrière lui , la brigade qui le sert est organisée sur le modèle militaire. Le chef suprême des officiers chargés de la nourriture du roi est le grand Maître de la Maison du roi , au-dessous de lui sont les Maîtres d'hôtel, le grand Panetier, le grand Echanson, le grand Ecuyer tranchant et les gentilshommes servants. Tout ce personnel est exclusivement composé de nobles gentilshommes pour qui le service de la table du roi n'est point corvée mais honneur envié et rémunérateur...

Fourchette

Un instrument du diable

L'introduction de la fourchette —, à deux et trois dents - dans le monde occidental ne date pas de la Renaissance mais remonte à l'époque gallo-romaine !

En 1380, la nef du roi Charles V contient une fourchette...

L'utilisation de la fourchette demeure longtemps une marque d'excentricité , elle servait à piquer dans le plat le morceau que l'on portait ensuite à sa bouche avec ses doigts. De surcroît, la fourchette de table est considérée par le clergé comme immorale car on l'accuse d'inciter au péché de gourmandise...

Ce n'est qu'au XVIIIe siècle, lorsque les autorités ecclésiastiques réexaminent la question de la fourchette —, qui est encore interdite dans les couvents —, que sa diffusion commence.

Italie

L‘influence italienne, une histoire controversée

L'influence italienne sur la gastronomie française a été longtemps discutée , on s'accorde aujourd'hui à dire qu'elle a été faible sur la cuisine (aucun traité de cuisine ne fut publié en Italie avant le milieu du XVIe siècle) mais plus sensible sur la pâtisserie et surtout sur les manières de table. Aucun témoignage ne conforte le mythe suivant lequel Catherine de Médicis aurait été accompagnée de cuisiniers italiens lors de son mariage avec le futur Henri II en 1533.

Livre de cuisine

La cuisine s'imprime

Le “Viandier” de Taillevent qui n'était au XIVe siècle qu'un manuscrit peu répandu, aura, après la découverte de l'imprimerie de nombreuses éditions... Ce sera également le cas pour d'autres ouvrages médiévaux, comme le “Grand cuisinier de toute cuisine “, qui date de 1350 ou encore le “Livre d'honnête volupté” de Platine de Crémone écrit en 1474,
Le succès de ces livres qui s'étend sur près de 200 ans montre que la cuisine de la Renaissance est très proche de la cuisine médiévale : quantités importantes d'épices, sauces acidulées, goût prononcé pour les gibiers...



Nef


Du vaisseau à la vaisselle


La nef est un objet d'origine médiévale, c'est une pièce d'orfèvrerie aux allures de navire appelée nef de table , sous l'apparence d'un vaisseau, cette œ,uvre était une sorte de coffret au couvercle formant le pont d'un bateau et dont le coffre figurait la coque.

La nef s'ouvrait au moyen d'une clé et renfermait le nécessaire du prince : un couvert individuel (une cuillère, un couteau, une serviette et un cure-dent...). Elle avait surtout un usage précis sur la table : marquer la place d'honneur.

Du nom de cet objet princier, vaisseau de table, dérive donc notre modeste vaisselle...

Serviette

Alors que l'on mange sur des planches de bois “dressées” sur des tréteaux, le linge de table permet d'affirmer sa distinction : ce linge de table était alors parfumé d'eau de rose ou d'autres essences. La mode voulait alors que la nappe fut animée de savantes pliures qui, pour Henri III, devait évoquer “quelque rivière ondoyante qu'un petit vent fait doucement soulever”...

La serviette fut nouée au XVIe siècle autour du cou épargnant ainsi aux collerettes tuyautées d‘être inévitablement tachées par des convives qui portaient toujours à leur bouche la nourriture avec les mains. Nouer sa serviette était une opération délicate qui demandait que l'on vous aidât : cet acte est à l'origine de l'expression “avoir du mal à joindre les deux bouts”...

Sucre

La civilisation arabo-musulmane a diffusé le sucre de canne sur le pourtour méditerranéen. Rare et coûteux, le sucre de canne, assimilé aux épices, est au départ un usage aristocratique et thérapeutique. Mais depuis la première moitié du XVe siècle, l'emploi du sucre comme assaisonnement a triplé. Lorsque Catherine de Médicis se rend à Metz avec le jeune Charles IX en 1568, la ville lui offre une spécialité locale : des mirabelles confites dans le sucre.

“Au lieu qu'auparavant le sucre n'était recouvrable qu'aux boutiques des apothicaires qui le gardaient pour les malades seulement, aujourd'hui on le dévore par gloutonnerie” écrivait Ortelius en 1572.

A l'occasion des grands festins, on présentait de véritables pièces montées en sucre consommées à la fin du repas , lors du voyage de retour du futur Henri III depuis la Pologne vers la France, des fêtes somptueuses données en son honneur à Venise, lors d'un repas au palais Foscari, il découvre que ”les nappes, les serviettes, les assiettes, les couverts, le pain étaient de sucre, d'une imitation si parfaite que le roi demeura agréablement surpris, plus encore lorsque la serviette, qu'il croyait de toile, se rompt entre ses mains”.




- « Festins de la Renaissance »
- Du 7 juillet au 21 octobre 2012
- Château Royal de Blois
41000 Blois - France
Tél. : 02 54 90 33 33
Fax : 02 54 90 33 31

- L'exposition « Festins de la Renaissance » est reconnue d'intérêt national par le ministère de la Culture et de la Communication / la Direction générale des patrimoines / Service des musées de France. Elle bénéficie à ce titre d'un soutien financier exceptionnel de l'Etat. Elle est conçue par la conservation du château royal et des musées de Blois en partenariat scientifique avec l'Institut européen d'histoire et des cultures de l'alimentation (IEHCA) et le Centre d'études supérieures de la Renaissance (CESR) de l'université François-Rabelais de Tours.
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Par Nicole Salez

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