Alzheimer : dépister tôt pour mieux traiter, par le Dr Martine Verceletto

21 septembre 2012, Journée mondiale de la maladie d'Alzheimer. Plus de 800 000 cas en France. Le Dr Martine Vercelleto, neurologue au CHU de Nantes, spécialiste mondialement reconnue des questions de mémoire, fait le point de la situation. Ses propos sont de nature à redonner espoir à ceux qui en souffrent, patients et famille. On ne guérit toujours pas la maladie, mais on parvient à freiner son évolution. De nouvelles pistes prometteuses se multiplient.


Dr Martine Vecelletto, spécialiste de la mémoire


Plus de 800 000 Français sont atteints de la maladie d'Alzheimer et l'on compte 220 000 nouveaux cas par an.

Cette affection terrible touche surtout les personnes âgées, au-delà de 85 ans. Elle frappe aussi, une fois sur cent , avant 60 ans.
On connaît les anomalies provoquées par la maladie : la formation de plaques dans le cerveau constituées par un dépôt de protéines toxiques (appelées peptides bêta amyloïdes), suivie d'une altération d'autres protéines,les protéines tau), à l'intérieur des neurones.

Mais on n'en connaît pas très bien la cause. Il semble que le diabète augmente le risque, de même qu'avoir trop de cholestérol. A l'inverse, une étude publiée en 1998, a montré que soigner son hypertension artérielle diminuait l'apparition de l'Alzheimer ! Une grande enquête épidémiologique menée par l'Inserm, l'étude PAQUID, a également mis en évidence que boire deux verres de vin chaque jour réduisait le risque. Enfin, on sait que le fait de ne pas se “laisser aller”, en maintenant une activité physique et intellectuelle quotidienne (marcher, jouer aux cartes, etc. selon ses goûts) joue également un rôle protecteur.

Alzheimer : la maladie touche surtout les personnes âgées, au-delà de 85 ans



Des traitements déjà efficaces

Au cours des dernières années, la prise en charge des malades a réellement progressé. En 1994, l'arrivée du premier traitement efficace, la Tacrine, a constitué une véritable révolution.

On ne la prescrit plus en raison de sa toxicité sur le foie, mais on dispose de trois nouveaux médicaments de la même famille encore plus performants : le Donépézil (nom de marque Aricept ®) le plus utilisé, la Rivastigmine (Exelon ®) et la Galantamine (Reminyl ®)

Ils agissent comme la Tacrine : ils inhibent l'enzyme qui détruit l'acétylcholine, un neurotransmetteur essentiel pour le fonctionnement du cerveau dont manquent les malades. Adapté par le spécialiste, ce traitement ralentit clairement la maladie. Il améliore les troubles du comportement, de l'humeur, et stabilise l'état du patient pendant deux à trois ans. Même quand la détérioration inéluctable reprend, elle demeure plus lente. Et l'on dispose alors d'un autre médicament, encore plus récent, pour prendre le relais dans les formes plus évoluées , la Mémantine (Ebixa ®).

Il semble qu'en l'ajoutant aux précédents, le résultat soit encore meilleur. D'autres médicaments permettent de lutter contre l'apathie, la dépression ou l'anxiété, selon les cas. Psychologue, orthophoniste, infirmière, ergothérapeute, kiné, interviennent également pour stimuler les fonctions cognitives et soutenir les familles. Mais plus le traitement est entrepris tôt, plus il s'avère efficace.

C'est pourquoi il est indispensable de diagnostiquer précocement la maladie. Or actuellement, seule une démence sur trois est dépistée à ce stade. Trop souvent, les familles pensent qu'il est “normal de baisser avec l'âge” , alors que cela n'est pas normal. Nous connaissons tous des personnes âgées, de plus de 80 ans, qui ont une mémoire correcte.

Alzheimer : faire ce que l'on aime, contribue à se protéger



Quand faut-il consulter ?

Souvent , les personnes âgées qui se plaignent de la mémoire, n' ont pas de maladie d' Alzheimer. En revanche il faut s'inquiéter lorsque l' entourage proche observe chez son parent des difficultés de mémorisation portant sur les faits récents. En effet la difficulté à se rendre compte soi-même des troubles de la mémoire est aussi un signe de cette maladie. Le signe essentiel de la maladie d' Alzheimer est un trouble de la mémoire immédiate - oublis répétés de choses courantes - insidieux et progressif, retentissant dans la vie de tous les jours. Puis lorsque la maladie évolue , d' autres manifestations plus inquiétantes vont apparaître.

Les trois quarts des plus de 70 ans se plaignent de pertes de mémoire et s'en inquiètent à tort. Car la maladie d'Alzheimer se manifeste par d'autres altérations plus inquiétantes :
--la personne ne reconnaît plus son environnement familier,
--repose sans cesse les mêmes questions,
--éprouve des difficultés face aux notions abstraites (oublie ce que représentent les chiffres),
--perd la notion du temps (a-t-elle mangé ou non ?),
--égare des objets et les retrouve dans des endroits insolites (la montre dans le sucrier), -oublie des mots faciles ou leur substitue des termes inappropriées.
--Elle a du mal à se servir du téléphone, à utiliser des moyens de transport, ou à prendre ses médicaments.

De tels signaux doivent alerter, sans pour autant alarmer, car il existe des symptômes similaires causés par près de 70 maladies guérissables. En cas de doute, mieux vaut cependant consulter son généraliste. Il réalisera un premier test, demandera un bilan biologique et des examens cérébraux (scanner ou IRM du cerveau ) afin d'éliminer d'autres causes. Et si les examens renforcent la suspicion -en constatant, par exemple, que l'hippocampe (un des centres de la mémoire) est atrophié-, le médecin vous adressera à un centre expert (consultation mémoire) pour un bilan plus sophistiqué et l'éventuelle mise en route d'un traitement.


Bientôt un vaccin ?

Evidemment, tout le monde aimerait disposer de médicaments qui ne se contentent pas de ralentir les symptômes. On a beaucoup avancé dans la lutte contre les plaques bêta-amyloïdes et des molécules empêchant sa formation pourraient arriver d'ici 4 à 5 ans. Par ailleurs, un vaccin a réussi à entraîner la désagrégation des plaques. Son premier essai sur 300 malades, en 2002, a malheureusement aussi induit 18 graves inflammations du cerveau qui ont conduit à arrêter l'expérience. Les chercheurs pensent avoir aujourd'hui contourné cette difficulté et un nouvel essai international vient de démarrer avec une immunisation passive .

Dr Martine Vecelletto

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