Le musée Pompidou consacre une rétrospective à Jeff Koons, l’artiste contemporain le plus coté actuellement. Une centaine d’œuvres sont à voir dans le magnifique espace qui leur est dédié.
Super (business) Man, Jeff Koons semble irréel tant son sourire est lisse, comme ses œuvres, figées dans l’acier ou le granit. Cette perfection inoxydable, faite d’idoles, oscillant entre paradis et célébration, est à l’image de leur concepteur : imperméable à la critique, qui coule sur elle telle l’eau sur les plumes de Donald Duck.
A une époque où la critique est érigée en juge suprême, où si l’on ne pose pas de jugement, on n’existe pas, l’œuvre de Koons veut se rendre non critiquable. Son art est sans aspérité, perfection extrême, et pourtant source d’angoisses et de questionnement dans une société de super consommation, d’images, de stars éphémères, où tout est nivelé, gommé, glorification de la pensée unique et consensuelle.
Pourquoi il FAUT voir cette retrospective ?
Parce que c’est archi contemporain, que c’est impertinent, mégalo et qu’ignorer Jeff Koons aujourd’hui est une erreur, que l’on adore ou que l'on déteste ! C’est aussi LA grande rétrospective qui vint de NY à Paris et qui fit déjà couler beaucoup d’encre. On aura peu souvent l’occasion de voir des œuvres aussi monumentales réunies dans un même lieu.
Warhol, Dali, Duchamp…
Dernier prince du Pop Art, employant une centaine de personnes, Jeff Koons est souvent comparé à Warhol, mais leurs idées sont différentes. Là où les œuvres de son prédécesseur étaient pétries de sarcasme « Si vous voulez tout savoir sur moi, vous n'avez qu'à regarder la surface de mes oeuvres. Il n'y a rien en dessous. »il, après leur auteur « une vue panoramique de la société ».
Que nous raconte-t-elle aujourd’hui ? Nous glorifions des mirages ? Nous nous prosternons devant le veau d’or, référence à son « Michael Jackson and Bubbles »en porcelaine dorée ? il que du vent ?
Les Inflatables, super héros ou homard géant en hommage au Téléphone-Homard de Dali, confirment un héritage de Duchamp.
Ses photos le mettant en scène avec la Cicciolina, qu’il épousa ensuite, veulent nous décomplexer face au désir sexuel, oeuvre conçue dans les années 1990, décennie où sexe était associé à maladie. Marqué par le tableau de Masaccio représentant Adam et Eve chassés du paradis, couvrant leur nudité dans un geste de honte, Koons sublime la nudité, symbole de pureté, privilège des dieux par rapport aux hommes, coupables et contraints de se vêtir.
Les œuvres des dernières années s’inspirent de l’Antiquité, perfection des proportions, figures si connues que notre cerveau ne parvient plus à y distinguer les subtilités. Koons y ajoute une sphère bleue en verre de Murano, dans lequel le monde se reflète.
Banality et rareté
Elevé en Pennsylvanie, auprès d’un père décorateur, entourés d’objets impersonnels, Jeff Koons exerça ses qualités de dessinateurs en copiant des maîtres anciens. Il exécuta des tableaux inspirés de ses rêves (Jung) et du surréalisme jusqu’à sa rencontre avec Dali à 18 ans (en 1973) qui fut déterminante dans sa manière de concevoir l’art. Il connut Duchamp à travers son professeur d’art et commença à utiliser des objets du quotidien. Il réalise ses premiers ready-made, des aspirateurs Hoover, expose à New York dans la galerie de Illeana Sonnabend, et commence à travailler sur son image.
Selon lui, pour être artiste, il ne s’agit pas de réaliser un travail physique, à la Pollock, mais de concevoir une idée et de la réaliser ensuite avec les meilleures techniques possible. Un atelier en Allemagne produit les sculptures en acier, un autre en Bavière celles en bois, celle en Pennsylvanie, travaille le granit et il confie ses « Gazing Ball » bleues à des artisans de Murano. Rien n’est laissé au hasard et tout doit rester rare. Son atelier « rubensien » ne produit pas plus de trente œuvres par an que les collectionneurs s’arrachent.
Depuis l’entrée dans le 21ème siècle, les prix n’ont cessé de monter : Michael Jackson and Bubbles : 2,1 millions de dollars en 2001, Popeye : 28 millions de dollars (Sotheby’s), Tulip 33,7 millions de dollars, Balloon Dog Orange 58 millions de dollars (Christie’s) en 2013…
Et Koons obtient ce qu’il veut : la critique fut unanime suite à la rétrospective au Withney Museum of American Art NY. Observer le célèbre Balloon Dog, c’est y voir un produit de consommation typiquement américain, c’est y voir le vide, la vacuité. Mais à y regarder de plus près, c’est aussi se voir soi-même, réfléchi par l’acier, miroir de nous, de notre civilisation, de notre inanité. A l’instar des vanités du 17ème, les œuvres de Koons invitent aussi à une remise en question sur la valeur de la vie, et sur notre propre jugement, auxquels les sculptures de granit et d’acier survivront…
Jeff Koons, la rétrospective Centre Pompidou, galerie 1, niveau 6, 75004 Paris
Jusqu’au 27 avril 2015
Du mercredi au lundi de 11 à 21h (fermeture le mardi)
www.centrepompidou.fr
Par Aurore t'KINT
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