Personnages dans la tourmente. Qu’ils soient historiques ou qu’ils fassent partie du commun des mortels, la vie et les choix ne s’avèrent pas plus simples pour deux femmes et trois hommes de la rentrée théâtrale.
Honneur aux dames : Victor Hugo confronte Marie Tudor au choix cornélien de se venger ou non de son amant qui l’a trahie. Dans Des Gens Bien, Margie perd son travail dans un quartier défavorisé de Boston. Que faire pour rester la tête hors de l’eau ? Côté messieurs, l’histoire nous donne quelques leçons qui résonnent à nos oreilles de manière bien contemporaine. John Law aime la France et veut la sauver de la banqueroute par un système révolutionnaire. Après un grand succès, ses « bons amis » sauront s’en débarrasser. Talleyrand et Fouché se rencontrent à un souper imaginaire pour choisir l’avenir politique de la France après Waterloo. Petites phrases savoureuses et croche-pattes dans les coulisses du pouvoir, à prévoir.
Amour, suspense et châtiment. Cristiana Réali est la reine Marie Tudor. Dans sa robe dorée et décolletée, la comédienne met toute sa fougue dans son rôle. Marie aime Fabiano Fabiani qui la trompe avec une petite orpheline bien née et héritière mais fiancée à Gilbert, ciseleur de son état. L’amant gênant tout le monde, une double vengeance s’ourdit contre lui. Mais la reine change d’avis et veut sauver son amour au risque de mécontenter le peuple et d’oublier son devoir. Sur la scène restreinte de la Pépinière Théâtre, 12 comédiens jouent Hugo tambour battant au rythme de la musique rock d’une guitare électrique. Philippe Calvario, le metteur en scène, aidé par la langue moderne de Victo Hugo (mais si), a trouvé comment intéresser les jeunes au classique, c’est déjà énorme ! Ils kiffent le spectacle. N’hésitez pas à les emmener, vous passerez vous aussi un bon moment.
Pépinière Théâtre
Marie Tudor de Victor Hugo. Renseignements au 01.42.61.44.16
Précarité, passé et solidarité. Miou-Miou revient au théâtre dans Des Gens Bien avec un rôle sans chichis que l’on dirait écrit pour elle. La comédienne se glisse dans la peau de Margie, caissière d’un supermarché miteux qui vient de se faire virer. Mère d’une adulte handicapée mentale, elle a bien peu de perspectives de retrouver un boulot si ce n’est à la chaine chez Gillette. Ses amies lui suggèrent de renouer avec un ex du quartier devenu médecin (Patrick Catalifo) qui a épousé une jeune noire (Aïssa Maïga)d’une famille huppée. Lui a réussi. La rencontre entre les deux sera explosive. Personne n’est vraiment bon ou totalement méchant dans cette pièce. Tous ont des choses, des actions, des préjugés, des mesquineries, à se reprocher. Pas facile d’être quelqu’un de bien ni de forcer son destin. Une pièce anglo-saxonne bien écrite qui abordent des questions sociales d’aujourd’hui sans tomber dans la leçon de morale ou le misérabilisme. On rit aussi au parler direct de Margie et de ses copines Brigitte Catillon et Isabelle de Botton. Une belle surprise.
Théâtre Hébertot
Des Gens Bien de David Lyndsay-Abaire, adaptation Gérald Aubert, mise en scène Anne Bourgeois. Renseignements: 01 43 87 23 23
Economie, manipulations et jalousies. Le financier francophile anglais John Law vient proposer Le Système au Régent après la mort de Louis XIV une façon infaillible de sauver la France de la faillite. Déjà…. Il propose de monétiser les transactions. Une révolution, une vision aussi de ce que sera l’économie moderne. Mais autour de lui tout n’est qu’intrigues, détournements de fonds et manipulations pour un seul but : le pouvoir. Lorànt Deutsch aime l’histoire. Il est parfait d’innocence et de conviction dans le rôle tout comme Urbain Cancelier en Régent et Eric Métayer en collecteur des impôts retors sous sa mine sympathique. Stéphane Guillon est l’abbé Dubois. Il ne suffit pas d’avoir les cheveux gris pour incarner un homme de 65 ans. Antoine Rault, déjà auteur à succès de la pièce Le Diable Rouge (Mazarin) sait faire résonner les soubresauts de l’Histoire avec les évènements d’aujourd’hui et nous entrainer à la suite de ses personnages machiavéliques. Mais quelque chose sonne un peu bancal. Les lumières bizarrement choisies, le décor stylisé dans un écrin noir froid ou un casting de bric et de broc… je sais, je fais la fine bouche. La pièce vaut le coup pour la leçon d’histoire, les petites phrases, Deutsch, Cancelier et Métayer.
Théâtre Antoine
Le Système d’Antoine Rault, mise en scène Didier Long. Renseignements: 01 42 08 77 71
Dispute, pouvoir et négociations. Patrick Chesnais et Niels Arestrup reprennent dans Le Souper les rôles de Fouché et Talleyrand, immortalisés par Claude Rich et Claude Brasseur. Tout les oppose, ils se détestent mais ce soir, ils doivent s’entendre sur le sort de la France alors que le peuple est à la porte : retour de la royauté ou république ? Dans un décor somptueux de jardin intérieur éclairé de candélabres, les ennemis aussi retors l’un que l’autre s’affrontent. Chacun a des dossiers sur l’autre et des cadavres dans les placards. La joute verbale signée Jean-Claude Brisville est à la hauteur des personnages, mêlant traits d’esprits et franche hostilité, sens de l’état et intérêt très personnel. Le langage est travaillé et la mise en scène évite le statique du sujet. Le duo repose sur les comédiens qui font vivre les silences autant que les répliques. Chesnais et Arestrup distillent avec jubilation, perfidies et bons mots. Ils maintiennent la tension…y compris jusqu’aux saluts.
Théâtre de la Madeleine
Le Souper de J-Cl. Brisville, mise en scène Daniel Benoin. Renseignements: 01 42 65 07 09
Par Véronique Guichard
Ajouter un commentaire