L’été sera blanc

Envie d’innocence, de pureté, retour aux sources ? Les créateurs se sont donné le mot : l’été 2015 sera blanc. Hermes, Vuitton, Dior, Michael Kors, Alexander Wang, Isabel Marant, Hugo Boss… Les grandes marques manifestent une formidable aspiration vers la lumière.

Comme une variation sur le thème, les couturiers d’aujourd’hui réinventent le monochrome. Il y a très exactement un siècle, Kasimir Malevitch sidérait le monde avec son Carré blanc sur blanc, le premier monochrome de l’histoire de la peinture. Les artistes d’alors cherchaient à renouveler leur pratique en réduisant la peinture à une couleur unique. Recherche d’un infini, spiritualisme ou désespoir ? On a tout dit de leurs intentions sans jamais en percer les mystères.

Une couleur consensuelle

Dans leur volonté universelle de plaire à une planète mode mondialisée, les directeurs artistiques d’aujourd’hui semblent éprouver le besoin de se ressourcer dans une simplicité symbolique qui parle à tous. La mode est une affaire de business. Il faut faire des vêtements qui se vendent et plaisent au plus grand nombre. L’heure n’est plus à la provocation, elle est au consensus. Et il est vrai que les cabinets de tendance poussent à l’uniformisation des inspirations.

 Anne Fontaine réinvente l'indémodable chemisier blanc

« Les couleurs ne sont jamais anodines, elles véhiculent des tabous, des préjugés, auxquelles nous obéissons sans le savoir », décrypte Michel Pastoureau, historien des couleurs (1). "Le blanc possède un symbolisme solidement ancré dans le temps et quasiment universel avec l’innocence, la lumière divine ou la pureté. Il parle de l’essentiel, du cycle de la vie. C’est la couleur qui porte depuis toujours les symboles les plus forts et les plus universels. Presque partout sur la planète, le blanc renvoie au propre, à l’innocent. »

Quelque chose a changé dans le système de la mode

Quelque chose à changé dans le système de la mode depuis le départ de Marc Jacobs de Vuitton après sa dernière collection de l’été 2014. Son processus de création et ses associations avec le monde de l’art sont devenus un cas d´école. Influencé par la peinture moderne, la photo, la vidéo et le cinéma américain (en particulier celui de Francis et Sofia Coppola) il a revivifié la création. Et fait descendre dans la rue ses couleurs pétantes, flashy, voire criardes, aux pigments électriques, dans un style néo pop devenu très populaire. Son bleu Klein électrique à illuminé les collections de l’automne 2014.

Hugo Boss :  géométrie et pureté des lignes

Dans l’après Marc Jacobs, les couturiers éprouvent le besoin de se régénérer dans une nouvelle candeur. Pour sa deuxième saison chez Louis Vuitton, Nicolas Ghesquiere a travaillé le blanc avec une extrême sophistication, l’incrustant de dentelle, mousselines, broderies, en blouses, mini robes, minijupes et vestes près du corps d’une grande élégance.

Le blanc inspire les couturiers

Le blanc visiblement inspire aussi Ralf Simons chez Dior qui explore un passé enrichi d’éléments futuristes. Il touche à l’épure avec une combinaison de cosmonaute très esthétisante et revisite en même temps la robe à la française du 18e siècle. Chez Hermès, il est en tailleur pantalon samouraï, en robe chanoinesse longue ou, en total look, en camaïeux de blancs, en robe et tunique ou pantalon veste. Pour sa seconde collection, Jason Wu, le nouveau directeur artistique de Hugo Boss femmes a imaginé des robes et chemises très géométriques d’une grande pureté de ligne reprenant l’esthétique rigoureuse de la marque. Quant à Anne Fontaine, qui s'en fait une spécialité,  elle réinvente chaque saison l'éternelle chemise blanche indémodable.

Chez Isabel Marant, le blanc s’amuse en mini-jupe plissée juvénile ou à pompons, en total look pantalon fluide ajouré et tunique romaine ceinturée, en tuniques king size à franges.

Black and white

Le blanc avance parfois masqué. Virginal, il est la couleur des anges mais aussi des fantômes, de l’abstention comme des nuits blanches. Il connaît quantité de nuances. La plus fantasmatique des couleurs ne se sépare jamais longtemps de son alter ego le noir, incontournable chaque saison comme signature de l’élégance et du chic occidental. Chez Givenchy le blanc intervient en touches précieuses dans un univers sombre néo-gothique très sophistiqué, chez Chanel il est un faire valoir de la couleur. Chez Isabel Marant comme chez Hermès, les imprimés noir et blanc très graphiques évoquent les étonnants brous de noix de Pierre Soulages, le peintre du noir et de la lumière, dans la première période d’avant son Outrenoir.

Le black and white de l’été admet aussi des variations gris clair, bleu pastel (Dior, Bottega Venetta ) ou mauve (Balenciaga).

Les couleurs primaires jouent les guest stars : rouge sang chez Isabel Marant, profond chez Vuitton et Hermès, bleu nuit ( Dior, Valentino). L’heure est aussi au recentrage.

Et pour tout un chacune, on trouvera aussi cet été de fort jolies chemises fluides immaculées chez H&M, Zara, Primark et autre Asos.

 

Par Gisèle Prévost

 

(1) Michel Pastoureau : Le petit livre des couleurs
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