« Moins nombreux, plus heureux »

Écologie et démographie

Peut-on être toujours plus nombreux sur un même territoire ? La population peut-elle indéfiniment augmenter ? S'il y a profusion de livres sur les moyens de se nourrir, il y a paradoxalement une absence extraordinaire d'analyse des risques liés à une évolution démographique incontrôlée. C'est la question que Michel Sourouille a posée à 12 penseurs des limites de la croissance.

 

Le 'Jour du dépassement' est le jour de l'année où la population mondiale dans son ensemble, commence à utiliser plus de ressources écologiques que la terre ne peut en produire pour cette année. Un déficit écologique se crée, nos modes de consommation utilisent plus de ressources que la planète peut en produire et émettent plus de gaz carbonique que la planète ne peut en filtrer.

En 2013 c'était le 20 août. Chaque année, depuis sa création par la New Economics Foundation , il tombe plus tôt. Dix ans auparavant, en 2003, c'était le 22 septembre.

Pourtant, le pape François, en préparation du prochain synode sur la famille en octobre 2014, interroge les croyants sur « Comment promouvoir une mentalité plus ouverte envers la natalité et favoriser l'augmentation des naissances ? » rappelant le « devoir de procréer. »

Un nouvel ouvrage collectif vient de sortir sur ce thème provocateur, avec un titre explicite, « Moins nombreux, plus heureux », coordonné par Michel Sourouille, avec un sous-titre encore plus clair, L'urgence écologique de repenser la démographie.

À la suite d'une préface dans laquelle Yves Cochet situe clairement le débat dans la problématique écologique et décrit toutes les difficultés d'une telle mise en cause, ce sont douze auteurs qui nous proposent chacun un éclairage particulier mais partagent cette même conviction : la solution aux problèmes environnementaux et sociétaux passera inéluctablement par une diminution de nos effectifs.

Selon Cochet, il faut briser les tabous et les écologistes doivent s'emparer du débat. Moins nous attendrons, plus facile et plus démocratique sera la transition vers une humanité plus économe en ressources et surtout plus respectueuse de la planète et de ses habitants.

Approche écologique d'abord avec Michel Tarrier, dont le livre Faire des enfants tue , montre que l'augmentation de la population conduit à l'occupation de l'ensemble des territoires au détriment de ceux de toutes les espèces non humaines. Même approche avec l'analyse scientifique d'Alain Gras, auteur entre autres, du Choix du feu qui fait un parallèle entre ce qui nous menace et le modèle de Lotka Volterra décrivant l'évolution des populations en fonction de celle des ressources.

Théophile de Giraud, auteur du pamphlet, L'Art de guillotiner les procréateurs, décrit pour sa part, l'impossibilité pour nos sociétés de faire vivre décemment les hommes et de produire tout ce qu'ils réclament sur le petit rectangle de 100 x 150 mètres dont doit désormais se contenter chaque humain sur la Terre (rappel : le même humain disposait d'une surface mille fois plus grande il y a 10.000 ans, quand en outre, il consommait très peu de biens d'ailleurs tous recyclables.

Philippe Annaba, auteur de Bienheureux les stériles , met l'accent sur la pensée de Malthus et sur l'incapacité des mouvements de la décroissance à la prendre en compte.

Corinne Maier, auteur de No Kid , évoque à la fois l'ampleur des politiques natalistes françaises et dénonce l'ostracisme dont sont victimes ceux d'entre nous qui assument leur choix de ne pas avoir d'enfants.

Alain Hervé, fondateur de la branche française des Amis de la Terre et rédacteur en chef du Sauvage, l'une des premières revues écologistes françaises, dit l'aberration qui consiste pour les humains à vouloir se reproduire sans cesse dans le monde d'aujourd'hui.

Michel Sourrouille passe au plan international et analyse le changement de nature des migrations dès lors que celles-ci ont lieu sur une planète saturée. L'émigration qui était une solution devient un problème.

Jean-Claude Noyé propose un récapitulatif de la position des différentes églises en matière de contraception, tandis que Jacques Maret, reprenant certains éléments de son ouvrage, Le naufrage paysan , se pose la première question qui vient à l'esprit à propos de la surpopulation : comment pourrons-nous nourrir les 9,6 milliards d'habitants que l'Onu nous promet pour la moitié du siècle ?

Pablo Servigne, lui, s'inquiète de la possibilité même d'atteindre de tels effectifs, tant les ressources de la planète sont proches de l'épuisement. Il rejoint en cela un courant de pensée que l'on voit grandir (on pense à Franck Fenner ou à Jared Diamond), pour lequel, un effondrement tant économique que démographique est de plus en plus probable pour ce siècle-même. Jean-Christophe Vignal se demande comment penser une société en décroissance démographique, véritable révolution mentale qui ne constitue pas la moindre des difficultés.

Approche sociétale enfin, avec Didier Barthès, porte-parole de Démographie Responsable, qui évoque l'impossible conciliation entre le droit au nombre et tous les autres droits des Hommes. Comment ne pas voir que la pensée écologiste dominante, à force de nier la composante démographique nous conduit inéluctablement à l'abandon de tous nos autres droits et plus généralement du plaisir de vivre ?

En n'hésitant pas à prendre à contre-courant la « bien-pensance nataliste », cet ouvrage favorisera peut-être la nécessaire prise de conscience des limites de la planète. Comme l'écrit Alain Gras, « l'avenir de l'humanité passe par l'établissement d'un rapport plus humble avec la planète ». Une humilité plus que nécessaire.

Moins nombreux plus heureux. L'urgence écologique de repenser la démographie, un livre coordonné par Michel Sourrouille. Préface d'Yves Cochet. Editions Sang de la Terre, Paris 2014, 176 pages, 16 €, ISBN 978-2-86985-312-6. En librairie depuis le 17 février 2014.

Par Élisabeth Schneiter

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