Non mais attends… Thibault ne va quand même pas m’apprendre à élever ma fille non ? « Elle chouine pour un rien » a-t-il osé me dire l’air méprisant et c’est de ma faute parce que je la laisse tout faire ! Et quand je pense qu’on les a invités gentiment à partager notre location d’été en plein Luberon !
Bon, ça va passer OK. Le reste du temps c’est vraiment super. La nature est magnifique. On crève de chaud mais c’est ça l’été, le vrai. Et le bonheur de voir tous ces marchés de Provence. Ah tiens : il faut que je pense à reprendre des melons, même si Vincent, mon mari, rouspète et dit qu’on ne mange que ça et « y’en a marre » et si Jonathan, le cadet de Thibault n’aime pas ça. De toute façon il n’aime rien ce gamin. ‘Sais pas comment ils l’élèvent. Si c’était moi… Enfin bref, je disais : quel bonheur ces marchés appétissants et colorés et ces grandes tablées d’été au son des grillons, le parfum des figuiers et des lavandes qui sèchent. On en rêve tellement quand l’automne et l’hiver se sont installés.
A propos il va quand même falloir que je dise à Charlène, la maman de Jonathan, qu’un coup de main à la cuisine ne serait pas de refus. C’est vrai, quand on est nombreux on a un peu l’impression de passer son temps à sortir de table pour s’y remettre presque aussitôt quand la sieste des plus petits est finie. En même temps, c’est tellement la joie d’être tous ensemble. Tiens le téléphone sonne. Allô oui ? Andrea ? Quel plaisir de t’entendre. Si nous sommes toujours dans le Luberon ? Oui oui… Ah bon ? Vous êtes tout près et viendriez bien demain passer deux nuits avant de poursuivre vers la Côte ? Euh…oui… bien sûr… Avec plaisir. Nous déranger ? Nooon, enfin on voulait laisser nos enfants à Thibault et Charlène et aller au Festival d’Avignon demain soir mais t’inquiète, on essayera d’y aller la semaine prochaine. Allez ciao.
Bon ! Résumons-nous : il faut donc que je retourne chez le boucher vite fait pour prendre quatre grillades de plus et que je commande un dessert pour demain parce que là, ma tarte au citron pour six ne suffira pas. Ah oui, penser aussi à préparer le lit et nettoyer un peu la chambre du haut. Et maintenant, ouf, une bonne douche ! Quoi ? Oh non ! Elle est déjà prise et celle de l’étage, c’est vrai, est condamnée depuis qu’on a constaté une grosse fuite…
Tu dis quoi Vincent ? Zoé a le bras qui enfle beaucoup parce qu’une guêpe l’a piquée ? Mais où est-elle ? Emmène la tout de suite chez un médecin voyons… son numéro de téléphone est sur le guéridon de l’entrée. Et quoi ?? la piscine a viré à cause de l’orage d’hier ? Mais j’en ai marre moi ! Je veux rentrer peinarde. Me reposer, avoir droit à MON rythme, retrouver MES collègues, MON bureau. J’irais même jusqu’à faire une déclaration d’amour à cette stupide machine à café. Et remuer la petite cuiller en bois dans le gobelet en rêvant, dans le silence de mon bureau, enfoncée dans mon fauteuil pivotant, de vacances, des vraies, cool et magiques. Comme celles qu’on imagine quand on est au boulot et que l’automne et l’hiver se sont installés.
Par Evelyne Dreyfus
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