Dans le paysage éditorial, rares sont les ouvrages capables de réunir sciences dures, culture populaire et art avec autant de cohérence que Le Dictionnaire du sang de Jean-François Schved. Publié en mai 2024 chez L’Harmattan, ce livre inclassable explore le sang sous toutes ses formes : biologique, historique, symbolique, artistique. Un pari audacieux, mené avec brio par un médecin hématologue qui a su troquer le jargon pour le récit, la leçon pour la curiosité partagée.
Un dictionnaire à la forme libre et au fond multiple
Si le titre évoque une nomenclature rigoureuse, il s’agit en réalité d’un ouvrage à la croisée des genres : un recueil de cent articles courts, organisés autour d’un thème commun, celui du sang. Chaque entrée se lit indépendamment, comme une micro-conférence ou un récit à part entière. Le lecteur passe d’une analyse sur la transfusion sanguine à une réflexion sur les vampires, d’une évocation de la bataille de Marignan à l’étude d’un vers de Baudelaire.
Cette construction permet une grande liberté de lecture, qui séduira aussi bien les étudiants en médecine que les lecteurs férus de culture générale ou les enseignants à la recherche d’une ressource transversale.
Une vulgarisation médicale à la portée de tous
Spécialiste du sang, Jean-François Schved fait œuvre de transmission. Les chapitres à visée scientifique restent très accessibles. Il y est question de la composition du sang, de son rôle dans l’organisme, des maladies hématologiques, mais aussi de sujets plus techniques comme le rôle de la vitamine B12, les groupes sanguins, ou encore les mécanismes de la coagulation.
Loin de se contenter d’énoncer des faits, l’auteur raconte. Il revient sur les grandes découvertes médicales, retrace les débats qui ont accompagné certaines avancées, comme la résistance à la théorie de la circulation sanguine, et contextualise chaque notion dans une perspective historique. Une approche pédagogique précieuse, notamment pour les étudiants en santé.
Le sang comme objet culturel
Ce qui fait toute l’originalité du Dictionnaire du sang, c’est son approche résolument pluridisciplinaire. Le sang est étudié comme fait biologique, mais aussi comme fait social et culturel. Il est question de proverbes ("avoir le sang chaud", "se ronger les sangs"), de contes, de folklore, de religion, de cinéma. L’ouvrage analyse les usages du sang dans les arts, depuis La Mort de Marat en peinture jusqu’aux effets visuels dans les films d’horreur contemporains.
Certaines pages sont consacrées à des figures emblématiques : le vampire, bien sûr, mais aussi le martyr, le guerrier, ou encore le malade. D’autres abordent les questions de pureté du sang, de filiation, de transmission. À travers le prisme du sang, c’est finalement une lecture du monde que propose Schved.
Une richesse pour l’enseignement et la recherche
En raison de sa diversité de thématiques, le livre se prête aussi bien à une lecture personnelle qu’à un usage académique. Pour les enseignants en sciences humaines, en littérature ou même en biologie, il constitue une précieuse ressource. Chaque article peut faire l’objet d’un commentaire, d’un exposé, ou d’une réflexion croisée entre disciplines.
Il permet aussi de réconcilier médecine et humanités, en donnant au sang sa juste place : non pas seulement comme objet d’étude scientifique, mais comme acteur symbolique et culturel de nos sociétés.
Un livre unique, à lire et à relire
Le Dictionnaire du sang est bien plus qu’un ouvrage sur le sang : c’est un pont entre les sciences et les récits, entre le laboratoire et le mythe, entre l’humain biologique et l’humain pensant. Jean-François Schved réussit le tour de force d’écrire un dictionnaire qui se lit comme une série d’histoires.
C’est une œuvre rare, qui se savoure par fragments ou dans son ensemble, et dont chaque lecteur retiendra autre chose : une image, une anecdote, une découverte inattendue. Une référence à garder précieusement dans sa bibliothèque, pour y revenir comme à une source.
La rédaction Toutpourlesfemmes
