ENDOMÉTRIOSE. Voilà un terme que l’on croise désormais un peu partout, sans jamais tout à fait parvenir à le définir. Quelle est donc cette maladie qualifiée de « handicap invisible » ? Entre méconnaissance et incompréhension, ce sont des millions de femmes qui se battent pour faire entendre et (re)connaître les cris de cette souffrance au féminin.
Une affection encore mal connue et (trop) longue à diagnostiquer
Si l’endométriose a été identifiée comme affection gynécologique en 1860, elle reste encore largement méconnue de la société, voire taboue. Selon l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), environ une femme sur dix en serait atteinte. En 2022, à l'heure où les recherches scientifiques se multiplient, le mystère quant à son origine reste entier. Pourtant, les symptômes sont bien réels : règles douloureuses (dysménorrhée), douleurs pendant les rapports sexuels (dyspareunie), abdominales (ombilicales), pelviennes pouvant irradier jusque dans la jambe (cruralgie), troubles digestifs et/ou urinaires (dysurie), fatigue démesurée, etc. Sans compter que la plupart de ces symptômes sont évolutifs et impliquent des complications, tant physiques que psychologiques.
Il faut compter en moyenne sept ans avant d’être diagnostiquée d'endométriose. Pas moins de sept années de souffrances et de galères s’écoulent entre l’apparition des symptômes et le diagnostic officiel. Toutefois, chaque endométriose est unique, ce qui rend son dépistage et sa prise en charge particulièrement difficiles. Il existe même des endométrioses dites « asymptomatiques » qui se développent en silence et peuvent être détectées par hasard, lors d’un bilan de fertilité par exemple.
De la souffrance des femmes à la violence d’une société
Cette souffrance est-elle normale ? Quand on souffre d'endométriose, elle finit malheureusement par le devenir. Si la réalité de cette maladie n’est vécue que par les personnes qui en sont atteintes, elle est trop souvent réduite à des règles douloureuses par les proches, les employeurs et même certains professionnels de la santé. Une banalisation lourde de conséquences puisqu’elle contribue à retarder encore un peu plus le diagnostic et ajoute un poids supplémentaire sur les épaules de ces femmes déjà éprouvées, meurtries et parfois isolées. Comment ne pas repérer ces cernes formés par des jours et des nuits à se tordre de douleur ? Comment ignorer ces teints livides marqués par la souffrance ? Comment fermer les yeux sur ces cicatrices post-opératoires qui témoignent d’un parcours long et sinueux ?
L’endométriose est une affection bien plus présente que ce que la société veut bien laisser voir. Force est de constater que ce « handicap invisible » entraîne une ségrégation sociale et de nombreux jugements contre lesquels ces femmes doivent aussi lutter. Très invalidante, l’endométriose souffre encore de nombreux clichés véhiculés par la société :
N’en fais pas des tonnes !
Tu n'as pas si mal que ça…
Tu te sers de ça comme excuse !
Entre les personnes qui les ignorent, celles qui se moquent ou qui les jugent ouvertement, les patientes finissent souvent par choisir la solitude plutôt que faire face à une incompréhension sociale. Cette lutte pour déconstruire les idées reçues est peut-être encore plus difficile à supporter que la maladie elle-même.
Lutte contre l’endométriose : tous concernés !
Alors que la libération de la parole, la médiatisation et l’action des pouvoirs publics participent à améliorer sa prise en charge, pilule, chirurgie et ménopause artificielle figurent encore sur la liste des formules « d’accompagnement » les plus courantes. Si les consciences commencent à s’éveiller progressivement, le chemin vers une reconnaissance de l’endométriose comme phénomène de santé publique ne fait que commencer, notamment grâce à la mobilisation d’associations et aux témoignages de femmes atteintes. Ces femmes épuisées, guerrières et résilientes, luttant au quotidien contre leurs symptômes et l’impact social qu’ils peuvent avoir auprès de leurs proches, dans leur travail ou leurs activités quotidiennes, décident de ne plus taire leurs douleurs.
Chacun devrait se sentir concerné et s'emparer du sujet pour mieux le prendre en charge collectivement, à commencer par les conjoints. Première cause d'infertilité dans l’Hexagone, l’endométriose touche les femmes et leur intimité. Une intimité qui peut être partagée avec des hommes ou des femmes. Non, l’endométriose n’est pas qu’une maladie. C’est une affection féminine, invisible, qui génère de la honte et de la culpabilité. C’est tout un féminin blessé qui souffre encore beaucoup de l’invisibilisation de sa souffrance et d’un manque de considération. Face à cette situation aussi absurde que violente, traiter l’endométriose revient surtout à questionner la société.
Adeline Rajch Toutpourlesfemmes