Une femme à la rue, jamais plus vous ne la regarderez de la même façon. Minou Azoulai a prêté sa plume pour permettre à Anne Lorient de témoigner avec pudeur et sensibilité de la barbarie de ses quinze années passées dans la rue. Avant le fragile apprentissage de la paix.
Le livre qui va changer le regard que l'on porte sur les SDF
Anne, 47 ans aujourd’hui, est une femme-blessure. De ces blessures qui laissent des marques à vie. De celles qui crient vengeance mais d’un cri indéfiniment recouvert, étouffé. Un hurlement déchirant. Fille de famille bourgeoise, violée au long cours dès l’âge de 6 ans par un frère en apparence si charmant. Le père sait mais ne dit rien. La mère sait et voile son regard sous les vapeurs de son alcoolisme. Lorsqu'un médecin les alerte, ils nient tout en bloc, la traitant de menteuse. "Le charme discret de la bourgeoisie" ne saurait s'encombrer d'un scandale.
Le livre qui va changer le regard que l'on porte sur les SDF
Dans cette famille où l'on possède des châteaux c’est, pour Anne, la solitude la plus absolue qui soit. Personne nulle part pour la protéger, beaucoup de monde pour afficher un scepticisme désabusé. Alors, lorsque les parents la voient, avec soulagement -parce que les apparences doivent restent sauves- quitter la maison, sa destination devient Paris. Et à Paris… la rue, la misère, la violence, la déshumanisation. Quelques fraternisations de fortune avec d’autres sans-abris et l’horreur des « tournantes », ces viols aussi révoltants, misérables, écoeurants les uns que les autres, guettant à chaque coin de rue une femme qui survit dehors, quasi-transparente à nos yeux. Et puis des rencontres fortuites, compatissantes, sachant regarder et voir au fond d’une âme la détresse qui monte à la surface des yeux. Combien de femmes ainsi annihilées ont-elles la force encore de croire à une main tendue et à l’accepter ? Comment devenir femme quand dès la petite enfance, sous le déni et le silence complice d’une famille « bien sous tous rapports » vous n’avez été qu’un corps de douleur au service contraint de la folie des hommes et comment donner le moindre sens au mot confiance? Comment devenir mère –Anne a deux enfants désormais- quand ses propres parents sont à ce point défaillants et qu’on vit dans la rue ?
Mes années barbares est le récit sobre et sombre de l’inadmissible. C’est aussi le récit de la résilience lente et balbutiante d’une femme qui, en dépit de tant de violence et de désespoir extrême, a su, miraculeusement conserver en elle de l’amour à donner et à recevoir. Le monstrueux frère violeur quant à lui court toujours !
Par Evelyne DREYFUS
« Mes années barbares » d’Anne Lorient et Minou Azoulai, éditions de La Martinière. Sortie en librairie le 28 janvier 2016.
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