130 tirages d’époque, et de nombreux extraits de livres et magazines retracent la carrière d’une femme-photographe du XXème siècle à découvrir. Le commissaire de l'exposition au Jeu de Paume, Michel Frizot, historien de la photographie a opté pour une présentation chronologique et la mise en évidence de ses thèmes : l’architecture métallique, le nu féminin, les vues urbaines notamment à Paris et Marseille montrant les clochards, la zone, les halles, les bals, les métiers, etc., la femme et la condition féminine (ouvrières de Paris, nombreux portraits), la route avec certaines photographies prises depuis la fenêtre du véhicule.)
Germaine Krull — Autoportrait à l'Icarette, vers 1925 Tirage gélatino-argentique 23,6 x 17,5 cm Achat grâce au mécénat de Yves Rocher, 2011. Ancienne collection Christian Bouqueret Centre Pompidou, Paris. Musée national d'art moderne/Centre de création industrielle. © Estate Germaine Krull, Museum Folkwang, Essen Photo © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / image Centre Pompidou, MNAM-CCI 9
« Le photographe est un témoin. Le témoin de son époque. Le vrai photographe, c’est le témoin de tous les jours, c’est le reporter. » Germaine Krull, préface à études de nu, A. Calavas, 1930.
Germaine Krull — Nus, 1924 Tirage gélatino-argentique 16,3 x 22,2 cm Collection Dietmar Siegert © Estate Germaine Krull, Museum Folkwang, Essen
Il était une fois l’histoire des femmes photographes du siècle dernier aux vies passionnées qui ont su frayer leur chemin indépendant dans la vie et innover en prenant leur place dans le monde du travail et de l’art, en faisant des premiers pas dans le monde des hommes . Elles ont su quitter le rôle de modèle, en créant elle-même. Elles ont apporté avec elles leurs regards féminins. Elles ont su prendre des risques. À cet égard, le regard photographique de Lee Miller, Américaine, compagne de Man Ray initiée à la photographie par lui, est plus connu du grand public que celui de Germaine Krull (1897-1985) d’origine allemande. Elle se forme à Munich, s’enfuit pour des raisons politiques à Berlin, passe par les Pays-Bas puis arrive en 1925 à Paris où elle effectue entre autre, un travail au service de la France Libre jusqu’en 1945, embarque pour Brazzaville, en 1946 rejoint l’Indochine, se convertie au bouddhisme, vit dans un âshram, rentre en 1955 en Allemagne.
Germaine Krull — Cérémonie religieuse tibétaine, offrande de l’écharpe blanche, vers 1960 Tirage gélatino-argentique 24,1 x 18,5 cm Museum Folkwang, Essen © Estate Germaine Krull, Museum Folkwang, Essen
Elle pratique la photographie comme un métier et comme un art marqué par l'esprit artistique d’avant-garde des années 1920-1940 qu’elle fréquente. Toutes les photographies qu’elle prend sont destinées à être publiées à des fins illustratives dans la presse. Par contre, la publication de son portfolio Métal en 1928 ainsi que sa présence à l’exposition « Film und Foto » en 1929 la situent et l'ancrent historiquement au cœur de cette « modernité » artistique.
Germaine Krull — Métal, 1928 Couverture du portfolio d’héliogravure Métal (ensemble de 64 planches) 30 x 23,5 cm Collection Bouqueret-Rémy © Estate Germaine Krull, Museum Folkwang, Essen
Elle publie ses photographies dans le magazine VU lancé en 1928, dès le début (280 photographies reproduites dans VU), et élabore avec Kertész et Lotar, une forme de « reportage ». Elle parvient a vivre de ses photographies, et participe à de nombreuses autres publications, comme les magazines Jazz, Variétés, Paris-Magazine, Art et Médecine, Voilà, L’Art vivant, La France à table, etc.
Germaine Krull — Nu féminin, 1928 Tirage gélatino-argentique 21,6 x 14,4 cm. Achat grâce au mécénat de Yves Rocher, 2011. Ancienne collection Christian Bouqueret. Centre Pompidou, Paris. Musée national d'art moderne/Centre de création industrielle © Estate Germaine Krull, Museum Folkwang, Essen Photo © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / Guy Carrard
Elle innove en publiant des livres photographiques ou portfolios dont elle est l’unique auteur : Métal (1928) 100 x Paris (1929), Études de nu (1930), Le Valois (1930), La Route Paris-Biarritz (1931), Marseille (1935).
Plus étonnant encore, elle publie le premier photo-roman avec Simenon, La Folle d’Itteville (1931).
Germaine Krull — étude pour La Folle d’Itteville, 1931 Tirage gélatino-argentique, 21,9 x 16,4 cm Achat grâce au mécénat de Yves Rocher, 2011. Ancienne collection Christian Bouqueret. Centre Pompidou, Paris. Musée national d'art moderne/Centre de création industrielle © Estate Germaine Krull, Museum Folkwang, Essen Photo © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / Guy Carrard
Ses images illustrent notamment Paris (Paris, 1928 ; Visages de Paris, 1930 ; Paris under 4 Arstider, 1930 ; La Route de Paris Méditerranée, 1931).
Anonyme — Germaine Krull dans sa voiture, Monte-Carlo, 1937 Tirage gélatino-argentique. 13 x 18,3 cm Museum Folkwang, Essen © Estate Germaine Krull, Museum Folkwang, Essen
L'exposition au Jeu de Paume fait surgir le portrait d’une femme politiquement ancrée à gauche, énergique, engagée, spirituelle, voyageuse, artiste. Sa carrière courte et chaotique d’abord active sur une vingtaine d’années en France suivie par une quarante années en Asie où ses liens avec le milieu photographique sont presque rompus pouvaient la faire oublier, il n'en est rien!
« Photographier, c’est un métier. Un métier d’artisan. Un métier qu’on apprend, qu’on fait plus ou moins bien, comme tous les métiers. De l’art, il y en a dans tous les métiers bien faits, puisque l’art est un choix. La première science du photographe, c’est de savoir regarder. » Germaine Krull, préface à études de nu, A. Calavas, 1930.
INFOS PRATIQUES
Germaine Krull (1897-1985): Un destin de photographe
02 juin-27 septembre 2015
Musée du Jeu de Paume, Paris
www.jeudepaume.org
Par Caroline Benzaria
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