La Petite Doritt, une plongée dans la société victorienne

Amateurs de romans feuilletons et de romans fleuve, « La petite Dorrit » est faite pour vous. Arte propose une diffusion depuis le 22 novembre, au rythme de deux épisodes par semaine, de la série que la BBC a tirée du roman éponyme de Charles Dickens. C'est une plongée dans la société londonienne victorienne au travers du regard acerbe et sans complaisance de Dickens.

Pas de trahison de l'œuvre. La misère, l'âpreté, la jalousie, la vengeance, la cupidité, la morgue sociale et le snobisme sont les moteurs de cette saga. Seuls émergent de cette noirceur, les deux héros Amy Dorrit, interprétée par Claire Foy (déjà vue dans « Le Serment ») et Arthur Clennam, joué par Matthew MacfadyenOrgueils et préjugés »). Ils sont solaires, généreux et triomphent de toutes les embûches.

Amy Dorrit et Arthur Clennam © BBC-Mike Hogan

Mais on ne sait si le personnage principal est la petite Amy ou la prison ubuesque qu'est La Maréchaussée. La Maréchaussée était une prison londonienne infamante où séjournaient les débiteurs insolvables. Le père de Amy y croupit depuis plus de vingt ans, sa fille y est née. William Dorrit, alias le père de la Maréchaussée, est un personnage roué, grotesque et drôle. Confortablement installé dans sa geôle, il reçoit tel un seigneur, n'hésitant pas à demander à ses visiteurs une légère contribution qui lui permettrait d'améliorer l'ordinaire. Tout part de cette prison honteuse et tout s'y termine, ou presque.

Telles de gigantesques poupées russes, des histoires secondaires s'imbriquent dans l'histoire principale. Lorsque la fortune sourit à William Dorrit, grâce à l'enquête menée dans le plus grand secret par Arthur Clennam, toute la famille se transporte à Venise, histoire de faire oublier à la High society londonienne ce long séjour sur la paille humide des cachots. Dorrit laisse tomber sa veste de tricot de père de la Maréchaussée pour endosser le costume luxueux du grand bourgeois anglais et par la même occasion reprendre à son compte le mépris et l'indifférence pour les petites gens qui lui rappellent de trop mauvais souvenirs. Fanny, la fille aînée, ex-danseuse de revue et ancienne cocotte, se fait épouser par un jeune benêt, beau-fils d'un riche banquier, banquier qui s'avère être véreux. Edward, le fils joueur et ivrogne, se noie dans les bas-fonds londoniens puis vénitiens. Et Frederick, le musicien, qui suit son frère, quelque soit sa fortune, aide Amy sa nièce dans la mesure du possible.

Le ministère des Circonlocutions© BBC-John Rogers

Des vengeances et règlements de compte obscurs font apparaître d'autres personnages, la mère d'Arthur, vieille dame paralysée, qui ne lâche rien, une ex-fiancée d'Arthur, qui fut une ravissante joueuse de harpe et qui est devenue une grosse dame se goinfrant de sucreries, un Français tueur à gages et psychopathe, une jeune fille qui a gardé la tête de moineau de ses dix ans et qui est l'amie fidèle de Amy, le fils du gardien de la Maréchaussée, amoureux fou de Amy, qui va participer à l'enquête pour retrouver la fortune perdue des Dorrit.
On découvre aussi l'existence d'un inénarrable ministère des Circonlocutions, digne du Roi Ubu, cimetière des innombrables dossiers des débiteurs.

Tous les acteurs sont épatants et prennent un évident plaisir à se plonger dans l'univers noir et grinçant de Charles Dickens, qui étudie sans concession la société anglaise du XIXe siècle, scindée en deux, avec des garde-fous tels qu'il semble plus facile de dégringoler vers le fond, avec passage obligé par la case Maréchaussée, que de grimper vers les sommets.

William Dorrit, le père de la Maréchausée©BBC

Par Marie-Catherine Chevrier

Diffusion sur Arte des huit épisodes, deux épisodes tous les jeudis, du 27 novembre au 18 décembre 2014.

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