Confiteor de Jaume Cabré

Actes Sud propose un roman passionnant avec Confiteor de Jaume Cabre, Tout à la fois tour de force narratif et tour de force stylistique.

 

Jaume Cabre

Confiteor est une des prières fondamentales des chrétiens. « Je confesse, je me confesse de tous mes péchés. » Depuis quelques mois, c'est aussi un ovni littéraire. A travers un pavé de 800 pages, Jaume Cabre, écrivain catalan, livre une réflexion romanesque sur l'histoire du mal depuis le haut moyen-âge.

La manière narrative est en soi une surprise. Le héros-narrateur, Adria, parle, se parle, nous parle en disant « je », puis « il », passant du présent à l'imparfait, introduisant une distanciation nécessaire quand le récit est trop douloureux. Tout cela dans la même phrase. Dans la même phrase, il peut être fait référence aux riches heures de l'Inquisition, au viol d'une jeune syrienne ou à la noirceur absolue d'un camp de concentration. Etonnamment, la complexité de la narration, le foisonnement des personnages, le choc des époques ne ralentit ni la compréhension ni la lecture. Il faut dire que le sujet est ailleurs. Le fil conducteur est double, un tableau et un violon.

Tout s'enchevêtre dans cette tentative d'identifier le Mal qui détruit le monde et les hommes. Pas de rédemption possible. La cruauté de l'inquisition, les expériences abjectes de Auschwitz Birkenau, les égoïsmes qui contrarient l'amour, la spoliation des juifs par les nazis, les fortunes faites sur le trafic d'œ,uvres d'art à l'origine douteuse, le sentiment de culpabilité des survivants du génocide, les petites et grandes lâchetés de la vie, jusqu'à la dernière qui est une formidable parabole du roman, lâchetés peut-être plus meurtrières que la Question soumise par un grand inquisiteur.

Ce roman est d'une noirceur absolue. Seules les figurines d'Aigle noir, le vaillant chef arapaho, et du shérif Carson tirent leur épingle du jeu. Elles sont les Jiminy cricket du héros, l'accompagnant depuis l'enfance, enfance qu'il a passé entre études brillantes, apprentissage du violon et espionnage de son père depuis une cachette dans son bureau. Un personnage illumine le roman, Sara, le grand amour d'Adria. Mais elle aussi est porteuse de cette tristesse fondamentale. La mort de l'oncle Haïm, déporté à Auschwitz et qu'elle n'a jamais connu, pèse sur son âme. Adria ne sera jamais invité à la cérémonie anniversaire de deuil. Les couples mixtes, juif et goy, marquent le roman de leur empreinte, ceux d'Anvers, derniers propriétaires « authentiques » du violon, les parents de Sara ou encore Sara et Adria. Aucun n'est religieux. Et il n'est question que de ça, de religion au nom de laquelle on massacre ou se repentit, sans espoir d'absolution. Scène saisissante où un prêtre, après avoir entendu la confession d'un bourreau de Birkenau, tombe raide mort.

Ce « Confiteor » est le fruit de huit années de travail. C'est une réussite absolue. Malgré la touffeur du récit, il y a une grande fluidité. Les personnages, qui changent de nom pour certains, sont parfaitement identifiés et identifiables. La légèreté, l'insolite, l'humour parsèment le roman et facilitent la lecture.

Pour 'Confiteor', Jaume Cabré vient de recevoir le prix littéraire «Courrier international».

-Traduit du catalan par Edmond Raillard
-Editeur : Actes Sud
-784 pages
-Prix : 26 €

Par Marie Catherine Chevrier

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