Pyrénées : transhumance, vivez l'expérience!

Entre les plaines béarnaises et les pics pyrénéens s'opère chaque été la transhumance. Evelyne Dreyfus a suivi la montée des troupeaux, qui dure un jour et une nuit. Une formidable expérience. Récit


Vu du petit train d'Artouste




Le petit train d'Artouste, le plus haut d'Europe (2000m), à ciel ouvert chemine de bon matin en tutoyant les sommets pyrénéens. Somptueux décor d'herbes hautes, de rhododendrons roses sauvages, de cascades et de pics. Aujourd'hui seuls dominent le végétal et le minéral. Demain, après la transhumance, tout cet espace infini, silencieux et désert prendra vie.

Il suffit d'une journée et d'une nuit pour que la vie se transporte étonnamment des plaines béarnaises aux pics pyrénéens. La transhumance, quelle expérience !

Rassemblement d'un troupeau de brebis avant la montée vers l'estive


Au café du coin, Alfred le berger plaisante au bar en faisant sonner son accent rocailleux , il se donne encore quelques moments de répit en attendant de rejoindre son fils Régis devenu berger à son tour pour l'aider à réunir son troupeau. Plus bas, à Bilhères en Ossau , Joseph et Anne, bergers eux aussi, fixent les sonnailles au cou des brebis déjà marquées sur leur toison d'une trace verte et bleue qui permettra de les reconnaître là-haut parmi les autres.

Autour des chevaux de passer au marquage


Joseph redescendra à la ferme. Anne et deux autres femmes resteront dans l'estive jusqu'au retour en septembre. De pré en pré, on entend crier zaa-zaa pour réunir les troupeaux de brebis, de vaches et de chevaux autour desquels s'activent des chiens qui bien que plus petits en taille semblent dotés d'une autorité certaine auprès du bétail. Le rituel de la transhumance peut commencer : chevaux et vaches sont conduits sur le plateau du Bénou où chaque individu du troupeau va être marqué aux initiales de sa commune avant de pouvoir entamer la longue marche qui les mènera là où l'herbe est définitivement plus verte : dans les estives sur les hauts-plateaux.


Une vie à part s'organise pour trois mois

A la date fixée, généralement début juillet, cette marche verte, encadrée par les bergers et les vachers, bâtons au poing et béret noir sur la tête, ne commencera qu'à la nuit tombée pour éviter aux bêtes et aux hommes les grosses chaleurs.

Le soir venu, dans le village de Laruns situé sur l'itinéraire, les troupeaux passent par la rue principale et M. le Maire comme ses administrés et comme les touristes, regarde avec fierté défiler ces troupes souvent applaudies comme on regarderait passer un défilé militaire.

Au son des sonnailles qui ponctuent les pas. La marche se fera même sous la pluie. Elle reprendra au petit matin pour amorcer l'escalade et durera six heures environ parmi les odeurs de foin, de crottin, d'étable.

Amis, voisins, parents accompagnent, partiellement ou en totalité, celles et ceux qui vont s'installer dans les cabanons pour plusieurs semaines, faire paître les troupeaux, traire et fabriquer à partir des saloirs d'altitude les fromages d'estive si prisés.

Pyrénées : imposante nature


Le rituel est bien rodé. Les gardiens de troupeaux se connaissent. Une fois là-haut, le livre des histoires gardées dans toutes les têtes seront ouverts. L'œ,il exercé d'un berger saura avertir un voisin qu'une de ses bêtes semble malade , il l'aidera, si nécessaire, à la soigner. De là-haut ils regarderont voler les vautours, bondir les innombrables cascades et s'émerveilleront encore et encore, malgré les conditions de vie spartiates, malgré certaines nuits d'orage, des petits matins parfois brumeux ou pluvieux, de la splendeur du panorama.


Contraignant mais libre

On demandera à ceux qui redescendent dans les villages de rapporter aux uns et aux autres ce qui leur manque. On partagera repas et opinions, souvenirs et chansons. Les soirs étoilés, les hommes se réuniront pour faire résonner sur la plus belle scène qui se puisse rêver leurs chants polyphoniques traditionnels. La vie d'estive n'est pas facile tous les jours, le confort rudimentaire et la météo parfois capricieuse. La vallée d'Ossau est encore riche de vie agro-pastorale. On y compte 330 exploitations et environ 85 bergers.

Régis, berger et fils de berger prend la relève




Régis est l'un d'eux. Il confie que sa famille comme celles d'autres bergers, rêvait pour lui d'études universitaires et d'un autre métier. Après trois ans d'université selon les vœ,ux familiaux, il lui a fallu « taper du poing » pour pouvoir reprendre le bâton de berger, conscient que l'indépendance et le vent de liberté qui l'accompagnent lui étaient plus indispensables qu'un métier citadin.

Il a donc repris l'activité de son père en 1998 et malgré les moments de découragement il estime que rien ne vaut la liberté et le rapport à la nature que lui offre son métier.

Toute la journée, les troupeaux sont montés suivis parfois par des files d'automobilistes bien obligés de laisser la priorité à la gente animale. Tous sont arrivés sur le plateau de Bious Artigues à partir duquel chacun se disperse vers son territoire.

Ça et là, une jument hennit appelant son poulain à peine né qui ne connait rien encore de ce paradis d'été et qu'elle doit surveiller de près. Le petit âne de Joseph le berger ne quitte pas ses brebis. Il a grandi avec elles et se trouverait complètement perdu sans le troupeau qu'il protège et suit tout à la fois où qu'il aille. http://youtu.be/4dBW-a-GA1Y
Les humains recréent leur société éphémère et les animaux la leur pendant ces mois d'été.

Enfin arrivées


D'en bas, ceux qui se réveillent et ouvrent leurs volets entendront partout le concert permanent des sonnailles au timbre grave pour les vaches, plus léger pour les brebis. Ils verront, au loin sur les pentes des montagnes d'innombrables taches blanches parsemer la montagne, celle des troupeaux ayant paisiblement rejoint l'estive. La tradition est maintenue .

Ne manquez pas de vous y joindre l'été prochain. Et dès ces jours-ci, laissez vous séduire par ces panoramas magnifiques en randonnant à travers les multiples itinéraires balisés pour tous niveaux. Vous n'aurez aucune difficulté à croiser les bergers et leurs troupeaux jusqu'à leur retour en plaine en septembre.


S'informer :

Comité départemental du tourisme Béarn-Pays basque : www.tourisme64.com

Office de tourisme de Laruns : www.valleedossau-tourisme.com


Y aller ?

A partir de Pau distante d'une heure de la vallée d'Ossau (SNCF, transport aérien ou voiture)


Ou dormir ?

Les randonneurs chevronnés trouveront en vallée d'Ossau plusieurs refuges de montagne.

Pour rester au plus proche de l'esprit nature, confort en plus nous vous recommandons deux adresses parmi d'autres :

- Le ravissant Hôtel du Pourtalet entièrement rénové depuis peu.

Une affaire de femmes depuis trois générations. Contemporain et avec beaucoup de charme dans un décor magique au pied du Pic du Midi d'Ossau face au cirque d'Anéou. Bonne table, accueil impeccable et chaleureux, chambres douillettes. www.hotel-pourtalet.com

- Les chambres d'hôtes de l'Arrajou tenues par Véronique et Hervé Cambier à Bilhères en Ossau. Original, coquet et plein de charme dans un beau village. Accueil généreux, chambres confortables. Petit-déjeuner abondant et délicieux fait maison. www.larrajou.com

Par Evelyne Dreyfus

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