Entretien avec le directeur de l'Opéra de poche
Bernard Mouscadet, dirige depuis dix ans de l'Opéra de poche. Entre Pekin, Shanghai et New York, il se pose à Montreuil, le 25, 26 et 27 avril pour un Don Giovanni exceptionnel au théâtre Berthelot. Rencontre.
Auparavant, Bernard Mouscadet parcourait la planète pour construire. Des clubs Med, des ambassades. Il se battait contre des concurrents plus gros, contre des administrations trop lentes... Il voyageait. Depuis qu'il a cessé de « travailler » il se bat tout autant et il voyage toujours. Depuis dix ans il dirige L'Opéra de poche, une petite compagnie lyrique itinérante qu'il a récemment emmenée à Pékin et Shanghai, bientôt à Montreuil et New York.
L'Opéra de Poche, se pose les 25, 26, 27 avril 2013 à Montreuil pour un Don Giovanni exceptionnel au théâtre Berthelot. Pourquoi Montreuil?
Bernard Mouscadet - Le contact avec Montreuil est arrivé par un de nos musiciens qui enseigne dans cette villel. Il m'a fait rencontrer Salim Leghmizi , le directeur du théâtre Berthelot, qui nous reçus très chaleureusement et nous a invités à jouer dans son théâtre. Il est rare que nous jouions dans un théâtre institutionnel. Jusqu'à présent nous avons principalement joué dans des lieux privés très divers.
Pourquoi Don Giovanni ?
BM - En dix ans d'existence, l'Opéra de poche a monté deux créations et 16 nouvelles productions. Nous avons un peu épuisé le répertoire des œ,uvres courtes qui demandent peu de chanteurs. Et aussi nous nous sentons prêts maintenant, à attaquer des œ,uvres plus connues comme Carmen que nous avons déjà jouée, ou maintenant, Don Giovanni.
Le fait de jouer des œuvres connues attire plus facilement le grand public auquel nous apportons l'opéra sur un plateau à domicile, avec nos festivals de Carnac et de Moulins.
Mais comme nous sommes une troupe d'opéras de poche, nous avons toujours la contrainte de n'avoir sur scène que quatre chanteurs. Cela nous oblige, pour les grandes œ,uvres, à trouver des adaptations. L'expérience de la tragédie de Carmen que nous avons jouée récemment avec beaucoup de succès en France, puis à Pékin et à Shanghai, nous a renforcé dans l'idée que les adaptations sont possibles et que le public les apprécie.
Qu'a de spécial votre Don Giovanni ?
BM -Notre adaptation est un pari car elle oblige chaque chanteur à tenir deux rôles différents, Don Giovanni chante aussi Don Ottavio, Leporello chante aussi Mazetto, Dona Elvire chante aussi Zerline...
Pour continuer notre échange culturel avec la Chine, le rôle de Leporello et Mazetto est chanté par Xiaohan ZHAI, un chanteur chinois qui a eu le 3° prix du concours Flame à Paris en 2012. Il chantera aussi à Moulins cet été.
Couper est un art. Il a fallu arranger les scènes et recoudre l'histoire pour que les chanteurs puissent changer de rôle et de costumes. Les liaisons sont très importantes.
C'est Luigi Cerri, un comédien et metteur en scène italien qui vit à Paris, qui a adapté le livret de Don Giovanni, et c'est Florestan Boutin, l'un de nos pianistes, qui s'est chargé de l'adaptation musicale et qui accompagnera les chanteurs au piano.
Pourquoi avez-vous choisi d'avoir une troupe ?
BM -L'esprit de la troupe nous convient. C'est un principe généralement abandonné par l'art lyrique en France, mais en Allemagne, en Autriche, en Italie, il y a des troupes. L'Opéra de Paris n'a pas de troupe.
La difficulté, c'est d'avoir des artistes de haut niveau alors qu'on ne leur offre pas une « grande » scène. Nous n'avons pas non plus les moyens financiers des salles institutionnelles, mais comme nous faisons travailler nos artistes presque trois mois par an, c'est déjà important et ils nous restent fidèles. Nous formons une équipe. Il y a beaucoup de spectacles « jeunes talents . Moi j'ai pris des jeunes il y a dix ans, et je les ai gardés.
Nous donnons aussi la possibilité aux chanteurs de chanter des rôles titre. Nous les emmenons en tournée, Chine, Italie... C'est la vocation itinérante de notre troupe qu'exprime bien notre logo !
Et puis, le fait d'être une troupe permet aussi, lors de nos festivals, de jouer trois ou quatre opéras différents en une semaine, avec les mêmes chanteurs. Peu de chanteurs en sont capables.
Pourquoi la création d'opéras ?
BM -Une création c'est une aventure. C'est se lancer dans l'avenir. Il ne faut pas se consacrer seulement aux œ,uvres du passé. Je suis un optimiste !
Cette démarche est suffisamment originale pour qu'un chef comme Andrea Battistoni, qui vient d'être engagé par la Scala, soit venu diriger la première mondiale d'Aldo Moro d'Andrea Mannucci à Paris en 2011.
Nous allons bientôt jouer notre troisième création, avec The Island of the ugly sisters en 2013. L'idée est venue de Emily Anderson, écrivain et scénariste de séries télé aux États-Unis. Elle nous a proposé d'écrire un livret d'opéra et je l'ai mise au défi de le faire. Le cahier des charges était pas plus de quatre personnages et une heure maximum.
Ensuite il fallait trouver un compositeur. Nous avons choisi un jeune compositeur de la prestigieuse Julliard school de New York, Evan Fein.Cette œuvre sera crée lors des festivals de l'été 2013 et présentée à Paris et à New York à l'automne.
Pourquoi avoir créé l'Opéra de poche ?
BM -J'étais entrepreneur et j'ai senti l'opportunité de créer quelque chose dans le secteur de l'opéra. Il n'y avait pas de troupe organisée comme une PME qui montait des petites œ,uvres. C'était un domaine peu exploité et j'ai eu envie de le faire.
J'ai créé l'Opéra de poche pour le plaisir personnel de développer quelque chose. C'était un secteur culturel, non marchand, à l'opposé de celui dont je venais, mais j'ai créé une structure dont la gestion est proche de celle d'une PME.
J'aime envisager l'avenir par le moyen d'un art pourtant considéré parfois comme passéiste. C'est pour cela qu'il est important pour moi de commander et de créer des œ,uvres nouvelles.
L'influence d'une culture sur l'autre m'intéresse aussi beaucoup, c'est ce qui m'a fait développer des échanges avec des Italiens et des Chinois, bientôt aussi avec des Américains.
Pour y arriver il faut d'abord connaître sa propre culture, et la culture de l'autre. Nous sommes parmi les premiers à avoir incité des chanteurs français à chanter de la musique chinoise. Notre concert de chansons populaires chinoises à Paris en avril 2012 a eu un succès formidable, et nous recevons à Carnac chaque année trente stagiaires chinois qui participent à notre festival.
Comment fonctionne l'Opéra de poche ?
BM -Quand on a travaillé toute sa vie avec des bilans et des obligations de rentabilité, c'est une libération de pouvoir se libérer de l'obligation de faire des bénéfices. Pour moi si j'équilibre mes dépenses je suis content. Pour l'instant tout va aux artistes.
Notre activité est structurellement non rentable. Je n'ai pas cherché jusqu'à ce jour de subventions publiques et l'Opéra de poche fonctionne grâce au bénévolat et au mécénat privé.
Je suis un peu un homme orchestre, je produis les spectacles, je construis les décors... et je laisse toute liberté à mes artistes. Heureusement nous avons plusieurs bénévoles fidèles et efficaces, et aussi un réseau d'Amis de l'Opéra de poche qui nous soutiennent.
C'est grâce à l'un de nos fidèles spectateurs que j'ai rencontré le Comic Opera Festival de Pékin et Shanghai. Notre public qui est très fidèle et devient au fil des années une source de rencontres. Le public est la principale source de rencontres pour la création d'un réseau de soutien.
Et l'avenir ?
BM -J'ai 70 ans, je me donne jusqu'à 80 ans. Les gens les plus géniaux avec lesquels j'ai eu le plaisir de collaborer avaient tous plus de 80 ans. Il n'y a aucune raison de ne pas travailler jusqu'au bout. Je me donne dix ans pour trouver un successeur.
Je veux trouver un successeur pour assurer la vocation exportatrice de l'Opéra de poche qui permet à des artistes français de se produire non seulement en France, mais dans le monde. Je veux contribuer à ma toute petite échelle à exporter l'image de la France dans cette époque de mondialisation. J'en prends le côté positif, le fait que les distances se réduisent de plus en plus, et que la technologie fait qu'il est possible d'avoir des équipes multiculturelles, le fait qu'on puisse être influencé et aussi influencer les autres cultures.
Par
Don Giovanni
-adaptation de l'opéra de Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
-Livret de Lorenzo Da Ponte
-En langue italienne surtitrée
-Mise en scène Luigi Cerri
-Costumes Tiffen Dechamps
-Piano Florestan Boutin
-avec Lucie Mouscadet, Isabelle Fallot, Xiaohan Zhai, Vincent Billier
-Les 25, 26 et 27 avril 2013 à 20h30
-Théâtre Berthelot 6,rue Marcellin Berthelot à MONTREUIL
Métro ligne 9 sortie 4 Kléber
Rens. Résa. 01 41 72 10 35 , resa.berthelot@montreuil.fr
www.operadepoche.fr
L'Opéra de poche
Depuis 2011 l'Opéra de Poche collabore avec le Comic Opera Festival de Pékin dans le cadre d'un échange culturel lyrique innovant. L'été 2012, dans le cadre du Festival International de l'Opéra de Poche à Carnac (France, Morbihan), vingt-deux chanteurs chinois ont participé à un Master Class de chant lyrique et d'interprétation dramatique puis ont présenté bénévolement au public, avec grand succès, la première en France de l'opéra chinois contemporain Wen Ji ainsi que Don Pasquale de Donizetti dans une mise en scène de David Li Wei.
En novembre 2011, la troupe des chanteurs français de l'Opéra de Poche était en Chine et présentait au public chinois l'opéra Kiki de Montparnasse de Mannucci et Le Téléphone de Menotti. Puis, fin décembre 2012, dix représentations de l'Opéra de Poche, à Pékin et à Shanghai, avec La Tragédie de Carmen, Le Téléphone et une co-production franco chinoise de Don Giovanni.
Ancien président d'une entreprise de Travaux publics, il a collaboré avec les plus grands architectes : Renzo Piano (Prix Pritzker 1998), Reichen&Robert, Valode&Pistre, Architecture Studio... En 2002, il fonde l'association Appel d'Airs à travers laquelle il entend concilier ses passions pour l'opéra et l'architecture : renouveler l'approche de l'art lyrique par la recherche de nouveaux lieux de représentation au contact d'un nouveau public.
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