La semaine dernière, le fil rouge théâtral était la musique et plus particulièrement le chef d'orchestre allemand Furtwängler.
Mercredi, générale au théâtre Rive Gauche de A tort et à raison de Ronald Harwood. Jeudi, au théâtre de l'Atelier, deux musiciens Gould et Menuhin se racontent. Et là aussi on parle de Furtzwangler avec qui Menuhin a joué.
L'art et la politique
Mercredi, générale au théâtre Rive Gauche de A tort et à raison de Ronald Harwood.
L'auteur s'est beaucoup intéressé aux rapports de l'art et de la politique dans ses œ,uvres. Une autre pièce, à mon avis, plus intéressante, du même auteur sur le même sujet, Collaboration avec Michel Aumont et Didier Sandre est de nouveau à l'affiche au théâtre de la Madeleine après le théâtre des Variétés l'année dernière.
Accusation
Ici pas de confrontation entre artistes mais des justifications à fournir au lendemain de la guerre à un officier américain chargé de la dénazification. Il instruit le dossier du chef d'orchestre mythique Furtzwängler. Pour ce simple officier qui ne connait rien à la musique et encore moins à l'art, rond de cuir dans les assurances dans le civil, traumatisé par les horreurs qu'il a découvert à la libération des camps, il n'y a pas de doute : le chef d'orchestre était un nazi qui a servi le pouvoir et a partagé ses idées. Il doit payer pour ne pas avoir choisi de quitter son pays.
Choix cornélien
Furtzwangler, lui, n'a eu en tête que la défense de son art, la musique, qu'il place au-dessus de la politique, des hommes et de leurs querelles. Mais peut-on dissocier à ce point les deux quand des hommes sont exterminés par d'autres hommes qui se servent d'un chef d'orchestre mondialement connu comme porte-drapeau ?
Le débat des deux protagonistes, leur prise de conscience, sont intéressants. L'accusé, le très bon Jean-Pol Dubois, poussé dans ses retranchements et ses certitudes, finira lui aussi par livrer ses doutes sur ses choix. Le rôle de l'officier américain apparait trop accentué par la mise en scène qui manque de nuances même si les jeunes comédiens qui incarnent le renouveau et l'espoir s'en tirent très bien.
L'affrontement des deux hommes aux philosophies et aux manières si éloignées pose en filigrane la question aux spectateurs : et vous qu'auriez-vous fait ?
Exceptionnel: Ronald Harwood lui-même sera dans la salle le 15 mars.
Déstructuré
Jeudi, au Théâtre de l'Atelier, Gould et Menuhin s'affrontent en musique dans un show déstructuré entre la conférence, le récit et le spectacle. Un peu déroutant mais pas inintéressant. Dans ce spectacle aussi est évoqué Furtzwangler aveclequeli Menuhin a joué. Cela lui sera reproché. Mais lui aussi pensait que la musique peut changer le monde.
Charles Berling, Christiane Cohendy et le violoniste Ami Flammer ont conçu un spectacle autour de deux musiciens humanistes et passionnés par leur art. Ils ont chacun la renommée d'interprètes hors normes à la philosophie parfaitement opposée.
Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué
Sur la scène un décor de studio d'enregistrement, le studio où Glenn Gould choisit de pratiquer son art, ne croyant plus qu'en la perfection de la musique sans spectateurs. Deux caméramans filment Gould et son double qui interviewe le maître. Au centre surélevé, le piano à queue « Myway » qui jouera comme par magie.
En parallèle, le violoniste Ami Flammer incarne et fait le récit de la vie de Yehudi Menuhin qu'il a connu. De son enfance d'enfant prodige à sa passion d'adulte, il a le désir de transmettre la musique qui, pour lui, peut changer le monde.
Ils se rencontreront pour une émission de télévision et joueront ensemble.
C'est un spectacle atypique où il ne faut pas s'accrocher à une logique de récit. On doit se laisser porter par la musique. Mais à force de déstructurer les choses, le spectateur peut s'y perdre et s'endormir comme Philippe Tesson.
Colorature, Mrs Jenkins et son pianiste
Cette semaine encore de la musique à mon programme: Colorature au théâtre du Ranelagh. Sur la scène un piano. Le pianiste (Grégori Baquet, toujours juste) raconte l'histoire de la 'cantatrice' qu'il a accompagné plus de 10 ans.
Cette riche héritière se prend pour une chanteuse d'opéra, une vraie colorature. Elle est aussi persuadée d'avoir l'oreille 'absolue'. Son rêve, que son père et son mari ont toujours combattu, se produire sur scène et chanter tous les grands airs d'opéra. Le seul problème: sa voix. Elle chante incroyablement faux et mal et ne s'en rend pas compte.
Personne n'ose la contredire. Impossible. A la moindre remarque, elle prend la mouche. Elle croit tant à son talent, elle en est tellement sincère que personne n'ose détruire son rêve. Certainement atteinte de folie douce, sa quête confortée par sa fortune et sa foi en sa voix, elle donne des concerts pour des sociétés de bienfaisance. Et ses spectacles remportent un énorme succès...comique. Mais elle ne voit pas les spectateurs qui rient derrière leurs mouchoirs. Elle jouera au Carnegie Hall pour un concert de soutien aux armées. Un souvenir inoubliable pour tous les soldats.
On dit qu'elle a servi de modèle pour la Castafiore d'Hergé. Agnès Boury a repris certaines de ses poses dans la mise en scène. On ne peut résister au rire à l'écoute des airs massacrés, à cette voix plus que fausse. mais ne vous attendez pas à un spectacle hilarant. Agnès Bove donne toute sa sincérité au personnage et a beaucoup de talent car il en faut pour chanter aussi faux quand on chante juste naturellement!
La qualité de la pièce réside dans son charme, dans la relation de ces deux personnages. On ressent une certaine émotion devant la détermination, la foi, de cette femme enfermée dans son rêve et ses illusions, persuadée d'être une cantatrice hors normes. Et c'est bien ce qu'elle était au fond.
A sa mort, le grand chef d'orchestre Toscanini fit envoyer des fleurs. Une vraie reconnaissance. La foi en la musique peut elle-aussi soulever des montagnes.
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