Hey : l'art, ça existe ?

Les outsiders de l'art à la Halle Saint PIerre

Le musée de l'art brut accueille jusqu'au 23 août, une collection d'artistes marginaux réunie par Anne et Julien, directeurs de la revue Hey. Bande dessinées, body art, jouets détournés par le surréalisme pop et autres statues de peluche et de fourrure ont investi la Halle Saint Pierre à Paris... Tous les coups sont permis ! Une expo dont on ne ressort pas indemne.






Dans ce beau lieu vivant consacré à l'exploration des chemins de traverse de la création contemporaine et de l'art brut, Martine Lusardy, conservateur de la Halle Saint Pierre à Paris , a laissé libre cours aux fantaisies de deux amoureux des formes d'un art hors marché.

Sur les 1200 m2 du musée, Anne et Julien, directeurs de la revue Hey ont réuni soixante-cinq « artistes », individus singuliers qui créent leurs univers avec, parfois, émotion et humour, deux ingrédients rares dans l' art contemporain qui se prend tellement au sérieux.

L'expo est dense, intense comme la revue, presque jusqu'à l'overdose. Les deux commissaires montrent ce qu'ils aiment, comme si c'était leur propre collection.

Une revue qui parle des arts de la marge.


La collaboration entre Hey et la Halle Saint Pierre a commencé avec une première exposition en 2012 lorsque Anne et Julien ont lancé leur revue dans la librairie de la Halle.
Hey est une revue consacrée à la culture populaire. Depuis 1986, Anne et Julien présentent et écrivent sur des artistes à part que le marché de l'art semble encore ignorer, des outsiders, tout comme les artistes singuliers de l'art brut que l'on voit habituellement à la Halle Saint Pierre.

Ce qui explique une complémentarité qui donne toute sa place ici à Hey. Et on ne peut s'empêcher que cette consécration pourrait bien avoir pour effet, quoiqu'en disent les deux commissaires, de faire apparaître soudain ces œ,uvres dans des circuits marchands.


Le choc de la culture pop



Les artistes de Hey fabriquent des éclats de culture populaire, mangas, posters, bandes dessinées, graffiti, dessins psychédéliques ... Ces œ,uvres qui sont rarement reconnues comme art ne demandent qu'à le devenir. Mais, contrairement aux artistes du pop art , d'Andy Warhol à Roy Lichtenstein, par exemple, elles ne prennent pas vraiment de distance et restent souvent au premier degré.

Dans les salles obscures du bas, immenses comme un caveau profond, on subit le choc d'images qui osent le noir radical. Au premier, dans les salles envahies de lumière du jour, c'est plus contrasté, plus coloré, le sourire peut naître.

Les thématiques sont fortes et jamais édulcorées : la mort, le corps, le sexe... prennent des formes parfois surprenantes, jusqu'à l'outrance, jusqu'au mauvais goût, sans aucune auto-censure. Hey veut pouvoir tout montrer, sans discrimination entre le bon goût et le mauvais goût, et revendique sa marginalité.

Quelques grands ancêtres comme Félicien Rops ou Clovis Trouille donnent à cette exposition ses lettres de noblesse, mais le gros de la troupe vient d'ailleurs et ne prend pas de gants.

Pour n'en citer que quatre :
Mu Pan, génial graphiste taiwanais, ne s'embarrasse pas de circumvolutions pour dénoncer la cruauté de la chasse aux dauphins.

Kate Clark, qui sculpte des têtes humanoïdes, explore l'équilibre entre les hommes et les animaux, le mystère et l'incertitude d'une relation arbitraire. La peau des visages est la fourrure d'un animal et les yeux de verre incroyablement vivants nous questionnent.

Le travail de Joe Coleman, peintre, musicien, acteur, est peuplé d'icônes de la violence contemporaine. Personnages psychopathes règnent sur ses compositions foisonnantes qui font penser aux pires scènes de Bosch ou de Goya.

Et Mariel Clayton crée des saynètes «crades» avec les poupées Barbie et Ken dont le réalisme effrayant prétend probablement faire rire...

On ne sort pas indemne de cette exposition.

Mais, Hey ! Pourquoi vouloir appeler ça de l'art ?
C'est quoi, dites-moi, l'art ? Est-ce que ça existe encore ?



Pratique



HEY! modern art & pop culture / Part II
-du 25/01 —, 23/08 2013

--Halle Saint Pierre
-2, rue Ronsard, 75018 Paris
-M° : Anvers, Abbesses

-Tél. : 33 (0) 1 42 58 72 89

-Ouvert en semaine de 10h à 18h
-Le samedi de 10h à 19h —, dimanche de 11h à 18h



Par Élisabeth Schneiter

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