La Galerie Béatrice Soulié à Marseille | Frioul, mon amour

Au moment où Marseille devient capitale européenne de la Culture, voici une entreprise individuelle et originale, qui en renforce l'attractivité : la galeriste parisienne Béatrice Soulié a inauguré fin 2012 un nouvel espace à proximité du Vieux-Port de Marseille, où les aficionados de la rue Guénégaud peuvent désormais retrouver tous les artistes tant aimés de cette passionnée d'art singulier.
Gérard Cambon y expose ses récents travaux jusqu'au 25 janvier.


Vue de la galerie Béatrice Soulié à Marseille, 2012.


Marseille Saint-Charles, terminus .

Descendre la Canebière ensoleillée pour le Vieux-Port vers le Frioul, « son cailloux » —, cet élancement de pics rocheux, d'obliques et d'arrêtes blanches rasées par la lumière, autrefois réservé aux lépreux et pestiférés —, sera cette fois, ponctué par un détour au 8, rue Glandevès, dans le premier arrondissement de la cité phocéenne.

Depuis quelque temps, le «Paris du monde de l'art», qui se délecte depuis quinze ans de l'ambiance du 21, rue Guénégaud , avait entendu parler de cette rue « sublime, parfaite pour la galerie et les artistes, située entre le Vieux Port et l'Opéra, réputée, grâce la présence de restaurants mythiques comme « Chez Vincent » , une rue animée par des libraires, des boutiques de lingerie fine , une rue où l'activité nocturne des métiers indicibles et vieux comme le monde, conviendra parfaitement, à titre d'exemple, aux œ,uvres de Denis Pouppeville ! »

Béatrice Soulié, déjà qualifiée de 'marchande de sable et de merveilleux', a ouvert une galerie à Marseille, après dix ans d'allées et venues entre Paris et l'archipel du Frioul où elle est régulièrement entourée de Louis Pons, Denis Pouppeville, Victor Soren, Sabrina Gruss, Pascal Verbena, Claire et François Durand-Ruel, Jean-Michel Huguenin, ou encore Claude Roffat.

L'inauguration a eu lieu en novembre 2012 en présence de Victor Soren et de Sabrina Gruss, exposés pour l'occasion.

Chez Béatrice Soulié, tout est toujours affaire de cœ,ur et de passion : « Cinq heures du matin, j'ouvre ma fenêtre. C'est un éblouissement ! Toute rose sous les rayons caressants du soleil levant, une colline rocheuse, aux lignes simples et nobles, se dresse, servant de piédestal à un clocher élancé, au sommet duquel étincelle la statue d'or de la Bonne Mère . Dans une ombre d'un lilas bleu clair, immatériel, on devine, dévalant la pente, des maisons, des églises, des murailles fortifiées, et tout cela aboutit à la mer, une mer opaline, la même qui, au soleil de midi, se foncera en invraisemblables indigos. Une île aux contours découpés, rose comme tout le reste, semble flotter, ainsi qu'un esquif bizarre, sur cette mer souriante : on l'appelle le Frioul.* »

C'est du Frioul que la nouvelle page s'est écrite. Là, sont venus les artistes de la galerie, là —, entre ciel et mer —, nargués par quelques gabians, ils ont dessiné, peint, écrit, évoqué leurs vies. De Guénégaud à Glandevès, Béatrice Soulié a officiellement mis quinze ans.


Singulier

Gérard Cambon, Locomobile, 2012.


Marseille ne fut pas, entre-temps, qu'un chemin de traverse : « Claude Roffat a quitté Paris pour la cité phocéenne, il y a douze ans. Je suis souvent venue le voir. Sa présence à Marseille lui a permis de rencontrer des artistes qui travaillent ici et qu'il a présentés dans la revue L'Œuf Sauvage —, à laquelle je suis très attachée —, et auxquels je me suis intéressée.

Ensuite, s'est ouverte la page Frioul, le Frioul a été un lieu de quarantaine, un lieu d'éviction, de lépreux, de pestiférés, lorsqu'on verse dans l'art brut ou singulier... Marseille et le Frioul, ce côté minéral des côtes et des Calanques, c'est mon Larzac —, où je suis née —, baigné par la mer. »


Vue de la galerie Béatrice Soulié à Marseille, 2012.


« Singulier », le terme est inscrit, cette fois, sur la devanture de la galerie, ouverte aux curieux enchantés qui découvrent cet art vivant s'épanouissant dans les cent mètres carrés ponctués d'alcôves et de recoins, où elle n'a pu résister à la tentation de présenter « ses Marseillais ». Louis Pons et Gilbert Pastor ont d'ores et déjà trouvé leur place. On retrouve, bien évidemment, ses étoiles, posées là dans un premier temps, avant d'être accrochées au fil des heures : Denis Pouppeville, Joël Lorand, Paul Rumsey, Marc Bourlier, Isabelle Jarousse.

Mais Béatrice Soulié s'adapte et intègre ceux qu'elle a retenus au fur à mesure des années passées en ces lieux. Ghislaine, dessinatrice marseillaise, a déjà rejoint les murs de la nouvelle galerie, Matthias Olmetta, photographe, et Kamel Khelif, dessinateur, y sont programmés : «

Beaucoup des artistes de la galerie sont nés et ont vécu à Marseille ou dans les environs. J'étais déjà très liée à la ville à titre personnel ou par leur intermédiaire. Il m'a semblé opportun de les réunir en ce lieu pour l'ouverture et de présenter à leurs côtés les artistes marseillais que j'avais tout d'abord découverts dans
L'Œuf Sauvage. »

De g. à dr. : Victor Soren, Au bout de la nuit 2011 - Sabrina Gruss, Le secret 2011.


« Le hasard, c'est Dieu qui se manifeste incognito », disait Einstein. « Dieu » sera ici nommé. Sans l'aide de Bernard Rey, l'aventure marseillaise n'aurait probablement pas eu lieu. Une douce mélodie « souliéène » s'élève depuis quelques temps, d'un pointu classé de 1946, naviguant entre le Frioul et le Vieux-Port, puis des murs de la galerie en hommage et remerciement à celui qui l'accompagne désormais et grâce à qui toutes les passions se vivent enfin réunies.

L'exposition inaugurale fut dédiée au petit peuple attachant de Sabrina Gruss et aux dessins époustouflants de maîtrise de Victor Soren qu'accompagnaient du mobilier et des pièces d'ethnographies africaines, sélectionnés par Jean-Michel Huguenin. Celui-ci, installé à deux pas de la maison mère parisienne, a derrière lui des décennies d'Afrique Noire foulée du pied.

Depuis décembre, Gérard Cambon et ses bolides insolites ont investi les lieux. La qualité des pièces présentées est au rendez-vous, la ligne de Béatrice Soulié n'est plus à présenter. Nul doute que Marseille saura se réjouir d'une telle présence et peu à peu, pourquoi pas, l'intégrer dans l'identité culturelle même de la ville.

* Jean Bertot, Au Lazaret, Souvenirs de quarantaine, Tours, 1902, p. 1.

Gérard Cambon, Locomobile, 2012.


A voir en ce moment 'Je t'attendrai à la porte du garage', jusqu'au 25 janvier Galerie Béatrice Soulié, 8, rue Glandevès 13000 Marseille. www.galeriebeatricesoulie.com

Par Charlotte Waligora




Par ArtsHebdoMedias.com
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