A l'occasion de la sortie du film Paperboy, Le Point réédite le roman de Pete Dexter, paru en français en 1995.

Poisseux. Ce « Paperboy » est poisseux, comme ce coin paumé de Floride, entre bayou et marais, paradis du moustique et des serpents mocassins. Ce roman dit sans dire, tourne autour de la vérité, l'effleure, la laisse deviner, rien n'est vraiment dit, tout est suggéré. En lisant la dernière page, le lecteur a des certitudes qui n'ont jamais été énoncées.
Nous sommes en 1969 , deux journalistes, très différents l'un de l'autre, sous le regard du frère de l'un deux, enquêtent sur la culpabilité ou non d'un condamné à mort, Hillary Van Wetter, issu d'un clan blanc dégénéré, clan caché loin dans le comté de Moat. Le crime dont il est accusé remonte à quatre ans. Il aurait assassiné le shérif Thurmond Call, tueur de nègres , mais rien d'idéologique dans ce meurtre-là. Juste une vengeance qui aurait mal tourné. Enquête bâclée, preuves égarées, avocat renommé mais incapable, du pain bénit pour les deux reporters.
Pas de psychologie, des faits bruts énoncés crûment, des personnages qui ne font pas de l'œ,il au lecteur, enfermés qu'ils sont dans leur obsession, Charlotte la nymphomane, amoureuse d'un inconnu, bouclé dans le couloir de la mort, James, le journaliste scrupuleux, enfermé dans sa souffrance d'homosexuel inavoué, Ackerman, celui qui court après la gloire au prix d'approximations. Et le narrateur, tout jeune homme, plein d'émois, qui fait son apprentissage accéléré de la vie au cours de cette aventure.
Le roman peut se lire comme une étude scientifique du comté de Moat, loin de tout, en distance comme en temps. Le progrès et la fée électricité n'arrivent pas au fin fond du marais. Il peut se lire dans sa deuxième partie comme la dérive intérieure des deux héros journalistes, l'un rongé par la culpabilité et l'autre brûlant sa vie dans le bling bling et la fuite en avant. Il peut se lire aussi comme une peinture d'une Amérique blanche à deux vitesses, ceux qui s'en tirent à peu près et les autres, ces petits blancs sans culture, sans connaissance qui se raccrochent quoiqu'il advient à leur histoire de clan où l'étranger est vécu comme un intrus. Le roman de Pete Dexter a été publié en 1994, traduit en 1995 et réédité par Points Roman noir, à l'occasion de la sortie du film éponyme.
Le tour de force du roman réside dans une narration au scalpel, sans fausse pudeur, tout en préservant la progression dramatique.
Comment le film «Paperboy » respecte-t-il cette équation ? C'est la question qu'on peut légitimement se poser.
- Paperboy de Pete Dexter
- chez Points Roman Noir
- Prix : 7,60 €
- chez Points Roman Noir
- Prix : 7,60 €
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