Projet de loi en faveur du logement social

La ministre du Logement, Cécile Duflot, a présenté à la presse le projet de loi destiné à favoriser la construction de logements sociaux et la mixité sociale sur le territoire, mercredi 5 septembre 2012. Ce projet de loi s'articule autour de deux idées principales : la mobilisation du foncier public et le renforcement des obligations des collectivités concernant la production de logements sociaux.




'Ce projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social répond à l'urgence sociale que constituent la pénurie de logements et leur prix élevés. Il répond également à une urgence économique compte tenu des difficultés que connaît le secteur du bâtiment', a déclaré Cécile Duflot devant la presse mercredi 5 septembre 2012.

Cécile Duflot a par ailleurs indiqué que le budget 2013 présenté fin septembre comprendrait des mesures pour lutter contre les logements vacants (un à deux millions selon la ministre), accélérer la cession des terrains constructibles et favoriser l'investissement locatif, après l'extinction du dispositif Scellier fin 2012.

Concernant ce dernier volet, la ministre a déclaré 'il nous semble nécessaire de pouvoir mobiliser les investisseurs privés, individuels mais aussi les investisseurs institutionnels'. Elle a précisé qu'un dialogue était engagé avec ces derniers.


Un constat

Loin d'être un bien de consommation courante, le logement est une dépense de première nécessité. Or, les inégalités d'accès au logement se sont multipliées : forte augmentation des prix, pénurie de logements, baisse du pouvoir d'achat des ménages. La crise du logement est devenue une réalité en France.

Selon le ministère du logement, entre 2000 et 2010, les prix des logements anciens ont augmenté de 110 % en moyenne nationale, et de 120 % en région Rhône-Alpes, 135 % en Île-de- France et 140 % en Provence-Alpes-Côte d'Azur. Sur la même période, les prix des logements neufs se sont accrus de 86 % pour les maisons et 94 % pour les appartements.

Les prix des loyers d'habitation ont en moyenne nationale progressé depuis 1984 à un rythme annuel moyen de 3,4 %, au même rythme que le revenu disponible mais deux fois plus vite que les prix à la consommation. Quant aux loyers des relocations, ils ont augmenté de 50 % en dix ans à Paris et de 43 % en petite couronne.

A cet égard, la ministre du Logement promet la mise en place prochaine d'un Observatoire des loyers, quartier par quartier.

Cette inflation concerne également les prix de la construction qui se sont accrus en France de 51 % entre 2000 et 2011, soit un niveau très supérieur à la moyenne européenne.

Les dépenses de logement pèsent lourd dans le budget des ménages. En 2010, un locataire du parc privé sur cinq dépense plus de 40 % de ses revenus pour se loger

*Extrait de la publication « Le Point sur la part du logement dans le budget des ménages en 2010 », Commissariat général au développement durable, mars 2012.
. Et l'écart se creuse entre les ménages : le revenu imposable annuel des familles locataires du parc social atteint 21 000 euros bruts par an en 2010, contre 34 800 euros bruts en moyenne pour l'ensemble des ménages.

Parallèlement, une croissance démographique soutenue doublée d'une diminution de la taille moyenne des ménages a pour conséquence une augmentation massive de la demande de logements. Cette demande est encore plus forte pour les plus fragilisés. Malgré les efforts engagés ces dix dernières années, la construction de logements sociaux reste très insuffisante pour permettre de répondre à la demande. En résulte des « zones tendues » sur l'ensemble du territoire français, particulièrement sensibles en Ile-de-France, Rhône-Alpes et en région Paca.


Mobiliser le foncier public

S'agissant de la mobilisation du foncier public, le projet de loi concerne les terrains nus ou bâtis du domaine privé de l'État qu'il a décidé de céder pour la réalisation d'opérations de construction de logements, dont des logements sociaux. Sont également concernés les terrains appartenant à certains établissements publics, comme, par exemple, la SNCF ou RFF.

Dans les zones « tendues », le foncier disponible pour le logement est jugé à la fois trop coûteux et quantitativement insuffisant par la plupart des acteurs privés et publics du logement.

Le phénomène d'inflation foncière a touché l'habitat individuel comme l'habitat collectif. Selon le ministère du logement, en 2011, dans les villes de plus de 150 000 habitants, le prix moyen des terrains à bâtir atteignait 770 €/m2 au centre et 390 € en périphérie. L'écart des prix des terrains n'a eu de cesse de se creuser entre les territoires.

La part des charges foncières dans les opérations de construction de logements s'établit à 11 % du prix de vente dans les agglomérations de moins de 90 000 habitants. Elle atteint 18 % dans les « zones tendues » et dépasse 25 % dans certaines zones « très tendues ».

Le coût d'acquisition du foncier représente en moyenne, en fonction des zones considérées, entre 14 et 24% du coût de revient d'une opération de logement social.

Parmi les mesures possibles permettant une mobilisation accrue du foncier public, la modification des règles actuelles de décote appliquées aux cessions destinées à la construction de logements sociaux constitue un paramètre essentiel. C'est l'objet de ce projet de loi.

Cette modification ira de pair avec une gouvernance renouvelée de ce dispositif pour permettre d'accélérer la cession effective des terrains déjà identifiés.

Renforcer le système de décote

Depuis 2005, un préfet peut décider qu'un terrain de l'État doit être cédé à un prix inférieur à sa valeur vénale lorsqu'il est destiné à la construction de logements sociaux. Cette « décote logement social » est actuellement plafonnée à 35 % dans les secteurs les plus tendus. Le projet de loi vise à faire sauter ce plafond et ainsi permettre une décote pouvant aller jusqu'à 100 % pour la part destinée au logement social (ainsi qu'aux résidences sociales de logement pour étudiants).

Le projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social prévoit que l'avantage financier résultant de la décote soit exclusivement et en totalité répercuté dans le prix de revient des logements locatifs sociaux et des logements en accession à prix maîtrisé.
Pour éviter les abus, la loi mentionne des clauses anti-spéculatives pour l'accession à prix maîtrisé. L'acte de cession prévoit, en cas de non réalisation du programme de logements dans un délai de cinq ans, soit la résolution de la vente, soit le paiement de la somme correspondant au montant de la décote accordée.

Poursuivre l'inventaire des terrains mobilisables

D'ici à 2016, le gouvernement prévoit la cession de 930 sites, qui représentent 2 000 hectares de terrains publics. Cet inventaire des terrains mobilisables a vocation à être enrichi au fur et à mesure, notamment dans des endroits comme les ports, les collectivités locales étant appelées à manifester leur intérêt pour des emprises sur lesquelles elles proposeraient un programme de logements.

Selon ces prévisions, 110 000 logements seront construits (dont près de la moitié en Ile-de-France et dont 6 à 8 % de logements étudiants ).

Au-delà des impacts d'ordre économique sur le financement des logements sociaux, la mobilisation accélérée du foncier public doit rejoindre les dispositifs fiscaux destinés à inciter les particuliers à céder leurs terrains à bâtir pour accroître globalement l'offre foncière, et détendre les marchés fonciers.


Renforcer les obligations des collectivités

Douze ans après l'adoption de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi « SRU »

*- 13 décembre 2000 : adoption de la loi n°2000-1208 dite SRU
- 2002 : début de la première période triennale de rattrapage
- 5 mars 2007 : la loi Dalo élargit l'obligation aux communes situées dans des établissements publics de coopération intercommunale
, l'application de son article 55 (taux de 20 % de logements sociaux) est un puissant outil pour la construction de logements sociaux et pour le développement de la mixité sociale sur le territoire, estime le Gouvernement.

Selon le ministère du Logement, 63 % de communes ont atteint leur objectif de rattrapage de production de logements sociaux. Plus de 310 000 logements ont ainsi été réalisés par les communes concernées depuis 2002.

Pour autant, moins de 50 communes ont atteint le taux de 20 % de logements sociaux depuis 2001. En 10 ans, le taux moyen de logements sociaux des communes soumises à l'article 55 de la loi SRU n'a progressé que d'1 point, passant de 13 à 14 %.

L'effort de production reste très hétérogène. Et 364 communes n'ont pas respecté leur objectif. Plus d'un tiers d'entre elles dispose de moins de 5 % de logements à destination des ménages à revenus modestes.

Renforcer le dispositif

Pour répondre aux besoins urgents de logements et développer la mixité sociale, selon le Gouvernement il convient de renforcer aujourd'hui le dispositif existant et de le rendre plus efficace.

Pour cela, le projet de loi prévoit deux dispositions essentielles :
- Le renforcement des exigences de production : le seuil minimal de logements sociaux sera porté de 20 à 25 % d'ici à 2025, là où le marché est particulièrement tendu. Il sera maintenu à 20 % dans les communes où un effort de production supplémentaire ne semble pas nécessaire.
- Une incitation plus ferme des communes à contribuer solidairement à l'effort national de mixité sociale, qui passe par :

Il prévoit aussi :
- une possibilité de multiplier par cinq les pénalités dues par les communes qui ne respectent pas leurs objectifs triennaux de production de logements sociaux (=> on alourdit l'amende de ceux qui se mettent hors la loi) ,
- une augmentation du seuil plafonnant les pénalités pour les communes les plus riches: ce seuil passe de 5 à 10% des dépenses réelles de fonctionnement pour les communes dont le potentiel fiscal par habitant est supérieur à 150 % du potentiel fiscal par habitant médian des communes prélevées (=> les communes les plus riches paieront davantage).
- une optimisation de l'utilisation du fruit des prélèvements, qui seront désormais versés en priorité aux intercommunalités délégataires des aides à la pierre, puis aux établissements publics fonciers pour leur permettre d'acquérir le foncier nécessaire à la construction de logements sociaux.

Les pénalités (majorations du prélèvement) seraient versées à un fonds permettant de financer les logements destinés aux personnes le plus en difficulté. L'agglomération ne pourra plus reverser une partie des pénalités aux communes prélevées (abrogation des dispositions de l'article 57 de la loi SRU).




Par Nicole Salez

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