L'ESESA (Ecole supérieure d'ébénisterie d'Avignon) forme en dix mois des ébénistes ou sculpteurs doreurs sur bois, sans concours d'entrée ni connaissance préalable. Parmi les élèves de tout âge, des femmes qui choisissent cette formation pour une reconversion professionnelle.
Créée il y a 28 ans par Louis Suau, maître ébéniste et son frère Alex, l'école a la particularité de former en dix mois des ébénistes et sculpteurs doreurs sur bois, grâce à une méthode originale, mise au point par Louis. Une méthode basée sur la volonté de transmettre autrement son savoir, avec générosité et sans « secrets d'ateliers ».
Pendant cette « année » intensive (8 heures par jour), l'essentiel des cours est axé sur l'aspect pratique : tout tourne autour du métier avec 85 % de pratique : le reste des cours étant orienté vers la gestion mais la création d'entreprise artisanale, les cours de style, (technologie du bois) dessin et informatique.
Une autre particularité de cette école est son mode d'accès : aucun diplôme requis, pas de connaissance du bois et pas de limite d'âge (18/55 ans). Mais une seule condition est requise : la motivation, indispensable pour les 50 élèves qui suivront la formation. Car la philosophie de l'école ests'appuie sur l'amour du bois et l'envie de transmettre. Pour Alex Suau, directeur de l'école, « tout le monde est capable de devenir ébéniste avec de la volonté ».
Pendant ces dix mois, les stagiaires devront créer 6 meubles imposés de difficulté croissante, pour finir par une pièce libre. Et on est bluffé devant les meubles crées par les stagiaires.
A la sortie, les élèves deviennent ébénistes, restaurateurs de meubles ou spécialisés en décoration intérieure (pour la création de meubles sur mesure par exemple).
Selon Alexandre Suau, les élèves qui sortent de l'école n'ont pas de souci à se faire. Entre le départ des « papy boomers », et un retour à la tradition et aux meubles de qualité, il y a de la place pour ceux qui possèdent leur métier.
Parmi les 50 élèves de la promotion de cette année, Christel et Carole sont toutes deux en reconversion professionnelle.
Christel, de la banque à la sculpture
Christel a 55 ans. Elle est en train de travailler sous la chaleur, sur son oeuvre de fin d'étude, une sculpture qui évoque l'amour. Ancienne cadre bancaire - elle était conseillère en placement d'assurances - elle a toujours travaillé dans des bureaux.
En mars 2011, elle est licenciée économique et consciente des difficultés qu'elle va rencontrer à son âge pour retrouver du travail, elle décide de se reconvertir dans un métier artisanal ou artistique.
Pure intellectuelle, elle a fait Sciences-Po Grenoble, mais c'est plus tard, à 42 ans, dans « sa vie de femme », qu'elle s'intéresse à l'art. Elle tient d'ailleurs à cette époque une galerie d'art Africain au Canada, puis se met à la poterie, comme loisir, où sa fibre artistique se révèle.
C'est en entendant parler de l'école qu'elle s'intéresse à cette formation. « Je ne connaissais rien au bois et j'ai découvert un truc formidable avec cette matière» dit-elle.
Mais Christel reste réaliste, elle sait qu'à 55 ans il ne faut pas être déraisonnable dans sa reconversion et garder les pieds sur terre.
Pour que l'apprentissage se passe bien, il faut que tout le reste soit réglé, et être soutenue par sa famille.
« Je travaille 8 heures par jour, et le soir quand je rentre, j'occulte presque tout le reste. J'en rêve la nuit, ces dix mois ne sont consacrés qu'au bois. On en parle tout le temps, on ne peut pas faire autrement ». «L'essentiel, en reconversion, est de trouver une bonne école, et ici on est gâté. On a du matériel, un bon équipement, des profs “supers” en sculpture, qui ne nous brident pas.»
«Le grand questionnement est bien sûr l'après. Petit à petit, on se rend compte des difficultés qui se posent.
Vu mon âge, je suis quasi-obligée de m'installer à mon compte. Je pense donc m'orienter vers une production artistique plus qu'artisanale, cela me semble plus réaliste.
A 55 ans, qui va me prendre en apprentissage ? Je suis lucide, je sais qu'à mon âge certaines choses me sont fermées.»
Je pense donc chercher à exposer mes œ,uvres dans les expos, galeries d'art.
L'idéal serait de trouver à côté un boulot à mi-temps. Et si ça ne marche pas, je retournerai dans un bureau, mais la mort dans l'âme.
Actuellement, je suis dans le temps présent, avec une activité intense, même si le futur arrive fin juin.
Quoi qu'il en soit, je n'ai aucun regret, je suis épanouie. Même si je connais des moments d'épuisement physique, je suis fière d'être capable de faire des choses que je n'aurais jamais imaginé être capable de faire : travailler sur un établi, couper du bois. Devant mon bout de bois, je suis fière de me dire qu'à la fin, ça va devenir quelque chose d'abouti.
Je pense aussi donner des cours de sculpture sur terre. De toute façon, c'est un bonheur de se reconvertir dans ce qu'on aime.
Découvrez les œ,uvres de Christel sur http://www.christel-iehle.odexpo.com
Carole du graphisme à l'ébénisterie
Carole, 43 ans est graphiste depuis 20 ans, mais se voyait mal rester jusqu'à 60 ans derrière son ordinateur. Il y a cinq ans, elle a envie de changer et postule à l'école. Mais les inscriptions pour l'année sont déjà closes. Elle décide alors de préparer un BTS d'aménagement d'espace commercial.
« Le graphisme me plaît, mais il me fallait autre chose, de plus manuel pour mon équilibre. Et l'aménagement d'espace était encore trop dans le concept, pas assez manuel ».
Elle commence à faire des brocantes pour relooker des meubles. «Mais même pour travailler sur des meubles chinés, c'est important de connaître le bois pour bien les restaurer» explique Carole. Elle postule donc de nouveau à l'école l'année dernière.
A
ctuellement, Carole est en formation d'ébéniste, mais elle a décidé de continuer l'année prochaine avec la formation sculpture sur bois. « Vu mon âge, je pense que la palette des métiers sera plus large. Et la double formation est intéressante ».
A moyen terme, Carole espère ouvrir son entreprise d'aménagement intérieur en coopérative avec d'autres. Son idée : proposer plusieurs corps de métiers, en déco, ébénisterie, aménagements d'espace.
« Je me donne le temps pour mettre toutes les chances de mon côté ».
« La reconversion, il faut oser, au départ c'est compliqué. C'est une vraie remise en question, il faut bien y réfléchir. Etre disponible et prête à s'investir à 100 %, car on ne pense qu'à ça. Si on est seulement a moitié prête, c'est difficile. C'est aussi une formation physiquement difficile. On est d'ailleurs seulement 6 filles sur 24 en ébénisterie.
L'école est vraiment bien. La pédagogie est faite pour s'adapter à tout le monde, on est bien accompagné, il y a une bonne écoute et on peut parler de tout. La force de l'école, c'est vraiment la pédagogie.
On nous apporte les connaissances techniques et une bonne vision du métier. Le fait de rencontrer d'autres personnes est motivant, on parle de nos projets, on discute.
Actuellement le métier est en perdition avec l'arrivée des retraités, on peut donc prendre le relais ».
Informations pratiques
Diplôme homologué niveau 4 (bac)
ESEA, Avignon,
1742, route d'orange
84250 le Thor
tél. 04 90 33 90 58
Frais des études, 12 200 € avec possibilité de prise en charge pour les demandeurs d'emplois ou salariés.
http://www.esea-avignon.com/
Par
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