Race : brillante réflexion sur la justice des hommes

Jusqu'à quel point sommes-nous conditionnés par nos préjugés ? C'est la question que pose Race de l'Américain David Mamet, que Pierre Laville, traducteur de la pièce, met en scène à la Comédie des Champs-Elysées. Une réflexion très fine sur la discrimination et le poids de nos représentations.

Si l'on ignore que la pièce a été créée à Broadway en 2009, bien avant les affres new-yorkaises d'un certain DSK, le propos a de quoi rappeler l'actualité brûlante du printemps 2011.


Jack Lawson (Yvan Attal), brillant avocat blanc à la tête d'un cabinet à la réputation grandissante et son associé noir, Henry Brown, reçoivent un riche homme d'affaires blanc, Charles Strickland (Thibault de Montalembert). Cet homme, aux mœ,urs troubles, est accusé de viol sur une femme noire dans une chambre d'hôtel.
Les deux avocats hésitent à accepter l'affaire, persuadés que Charles Strickland part battu d'avance face à un jury qui ne pourra ignorer le caractère « racial » du crime.


Impossible justice

Toute l'intelligence de la pièce réside précisément dans cette impossibilité d'occulter la signification que la société donnera nécessairement à ce crime: l'homme blanc puissant ne peut s'empêcher d'opprimer la femme noire déshéritée.

David Mamet propose à la fois une formidable réflexion sur l'exercice de la justice et sur le politiquement correct qui conditionne nécessairement l'exercice de cette justice et la rend discriminatoire.

Le personnage de Jack Lawson essaye de restituer à la justice sa juste dimension: un jury doit choisir celle des « deux fictions », des deux « histoires » qui lui plaît le plus et a réussi à le convaincre.



Tel est pris qui croyait prendre

La stratégie de Jack Lawson va alors consister à tout faire pour détourner l'attention du jury de la couleur de peau des protagonistes en l'attirant sur les faits eux-mêmes. Une pièce à conviction est décisive : la robe rouge à paillettes portée par la victime le soir du viol.

Mais c'est sans compter sur le double jeu de la stagiaire noire du cabinet, la brillante Susan (Sara Martins) à laquelle Jack Lawson a donné l'occasion de faire ses preuves. Car, au fur et à mesure de l'avancement de l'affaire, le procès finit par se jouer au sein du cabinet lui-même.

Chaque personnage se retrouve confronté à ses propres préjugés. Il est poussé dans ses derniers retranchements par les autres : culpabilité et condescendance du côté des « Blancs », sentiment d'oppression et de mépris du côté des « Noirs ». Comme si le poids de l'histoire et de la société était condamné à s'exercer inexorablement sur la justice des hommes.


Un texte brillant

Dans une mise en scène classique où le décor restitue l'intérieur chic et cosy du cabinet, la pièce brille surtout par son texte. Les mots de David Mamet sont mis en valeur par la traduction fine de Pierre Laville et l'interprétation d'Yvan Attal, qui campe un avocat plus vrai que nature.

Suspendu à la progression subtile de l'intrigue, on ne voit pas le temps passer. Voilà une pièce qui donne à réfléchir.


Comédie des Champs-Elysées. Jusqu'au 13 mai 2012, du mardi au vendredi à 20h30, matinées le samedi et le dimanche à 16h. Location : 01 53 23 99 19.



Par Juliette Rabat

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