Les Morues de Titou Lecoq

Les Morues est un roman à mettre entre toutes les mains. Il pose un regard ironique et différent sur notre société moderne.



Les féministes, les jeunes comme les moins jeunes, ont la nostalgie de cette époque où naissait le MLF, où tout était possible, où toutes les femmes se sentaient belles, où Jacques Rivette pouvait réaliser le magnifique « Céline et Julie vont en bateau », l'un des plus beaux films réalisé sur et pour les femmes. Cette année, un livre peut combler cette nostalgie. « Les Morues » de Titou Lecocq. Bien sûr, le punk, le ska, le rap et le slam sont passés par là. Ces filles-là, solidaires, sont en apparence plus délurées que dans les années 70, mais les douleurs et les interrogations sont les mêmes. Quels rapports peut-on entretenir dans les années 2000 avec la gente masculine ?

Le livre commence par un hommage funèbre à Charlotte, une amie suicidée, ou pas, au son de la musique de Kurt Cobain. Elles sont trois, une bourge, une jeune femme moderne et une tenancière de bar. Elles lèvent le coude en refaisant le monde. Leur groupe de jeunes trentenaires, le plus improbable de la terre, se réunit avec sérieux, fonctionnant comme un « groupe de conscience » de la grande époque, écrivant une charte de féminisme. Elles ne se cachent rien, quitte à se blesser. Et quand elles omettent une information, la mauvaise conscience les taraude. Ce groupe hétéroclite comprend Ema, la jeune fille moderne, branchée ce qu'il faut, journaliste people, qui en a marre du people, Gabrielle d'Estrée, descendante de la maîtresse d'Henri IV, belle comme un mannequin et élégante comme une princesse, qui a des manières d'ancien régime, même si parfois elle parle comme un charretier et la troisième, Alice, qui essuie les verres au fond du café et, en tant que spécialiste du mix, assure mensuellement des soirées DJ qui ont relancé le petit bar où elle fait la serveuse. A ce groupe de base, il faut rajouter Fred, l'homme qui trouve grâce aux yeux des féministes. Ce Fred est particulièrement formidable , génie informatique, génie littéraire, multi-diplômé de grandes écoles, il ne veut surtout pas réussir dans la vie et se contente d'être standardiste dans une grosse société de la Défense, ce qui, dans notre siècle où la réussite professionnelle et financière est maîtresse du jeu, laisse pantois.

Comme il y a quarante ans, la question obsédante du rapport hommes-femmes se pose et pas plus Fred que ses morues de copines n'ont de réponse. Ces « Morues » passent du rire aux larmes. Avec sérieux, elles mènent l'enquête sur la mort de Charlotte et invitent à se poser la question des choix culturels que notre société doit faire. Au son de références musicales aux antipodes les unes des autres, pêle-mêle Charlie Mingus, Janis Joplin, les Pixies ou Assassin, on apprend à connaître une morte et des vivants, avec cocasserie, insolence et parfois gravité. Toutes les lectures sont possibles, tout est ouvert. En fin de compte, Charlotte s'est-elle suicidée ou pas ?


- Editeur : Au Diable Vauvert
- Prix : 22 €

- Le blog de Titou Lecoq, caustique et drôle :
-http://www.girlsandgeeks.com/



Par Marie Catherine Chevrier

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