Salut Poètes ! : Quatre poètesses nordiques à Dijon

Du 24 au 27 mars 2011 se déroule, à Dijon, la 8e édition de Salut Poètes ! avec l'association la VOix des MOts. Cette année, la manifestation accueuille quatre poètesses nordiques :Torild Wardenær (Norvège), Katarina Frostenson (Suède), Saila Susiluoto (Finlande), et Ursula Andkjær Olsen (Danemark).





Salut poètes ! du 24 au 27 mars 2011 à Dijon

Avec la participation de :

- La Norvège : Torild Wardenær, traductrice : Anne-Marie Soulier
- La Finlande : Saila Susiluoto, traducteur : Gabriel Rebourcet
- Le Danemark : Ursula Andkjær Olsen, traductrices : Christine Berlioz et Laila Flink Thullesen
- La Suède : Katarina Frostenson, traducteur : François-Noël Simoneau
- L'Islande avec le film Back Soon

Et la présence des éditions du Murmure et de son éditeur David Demartis pour la présentation des anthologies « 3 poètes », éditées pour l'occasion...


Présentation des poètesses du Septentrion

Torild Wardenær (Norvège)




“Jeg forsøker å skrive verden frem, intet mindre enn verden”.

« J'essaie de faire apparaître le monde en l'écrivant, rien de moins que le monde ».


( Mens Higgsbosonet gnager , 2011)

Torild Wardenær est née le 30 novembre 1951 à Stavanger, ville portuaire du sud de la Norvège, où elle réside toujours.

Son entrée en poésie est inaugurée en 1994 par le recueil I Pionértiden (« Au temps des pionniers »), bientôt suivi de Null komma to lux (« Zéro virgule deux lux », 1995), Houdini til minne («En mémoire de Houdini», 1997), Døgndrift (« Dérive des jours et des nuits », 1998).

Non moins riche est la dernière décennie, avec Titanporten (« La Porte du Titan », 2001), Paradiseffekten (« L'Effet de Paradis », 2004), psi (2007), et tout récemment Mens Higgsbosonet gnager (« Quand le boson de Higgs se met à ronger », 2011), tous encore inédits en France excepté quelques textes parus en revues.

Elle a également écrit des pièces pour enfants et adultes, et traduit en norvégien un choix de textes du poète américain James Tate, lauréat, entre autres, du Prix Pulitzer.

Elle-même a été couronnée en Norvège par plusieurs prix de poésie prestigieux : le prix Herman Wildenvey en 1996, le prix Halldis Moren Vesaas en 1998.

Sorcière « aux rotules pleines de sérum et d'argent », elle va et vient dans un temps « entre l'enfance et le royaume de Dieu », reçoit tout naturellement de l'au-delà des recettes drolatiques, avale les étoiles « toutes crues », et fait assez confiance à « la toute-puissance du langage » pour haranguer des foules rétives et écrire en secret à Guillaume Apollinaire.

Sourcière secourue par sa seule intuition, elle ne s'interdit aucune époque ni aucune géographie, pourvu qu'elle y déniche des eaux vivaces, des oiseaux bavards, des éclosions inédites, de quoi nous convaincre enfin que science et poésie sont également spéculatives, et donc étrangement spéculaires.

Les titres de ses recueils disent assez son vif intérêt pour l'exploration inlassable des mythologies comme des sciences dites
exactes —, domaine au demeurant fort peu perçu comme « poétique » —, voyages dont elle revient riche d'inépuisables tensions entre le monde physique
et l'univers métaphysique.

Lors des rencontres à Dijon, elle sera accompagnée par la traductrice Anne-Marie Soulier.



Katarina Frostenson (Suède)


Katarina Frostenson, née à Stockholm en 1953, marque les années 80 d'une écriture qui renouvelle sensiblement la poésie suédoise. Se défiant de toute emprise métaphorique et des contraintes du récit elle reconsidère le langage dans ses formes les plus immédiates, celles qui donnent à percevoir le sens avant toute interprétation. Sans pour autant renouer avec les expériences concrétistes elle place rythmes et sonorités au centre du texte. Sa voix, dans toutes les acceptions du terme, porte. Les plus récentes parutions témoignent d'une tendance à la concentration du texte , écriture plus serrée, syntaxe moins libérée. Le poème reste complexe, d'un abord qu'une suite d'images associées mais parfois contradictoires rend difficile. La langue est là comme à la fois le lien et le barrage, la ligne d'échange et celle de la démarcation. Rien n'est donné, rien n'est acquis d'avance. A peine ou bien séduit ou bien choqué, le lecteur est confronté aux stratagèmes qui, s'il veut bien entrer, vont le mener du dédale à l'estuaire. Il aura parcouru les thèmes de notre temps : asservissement, discrimination, misère, solitude, toutes sortes de ruptures et d'oublis, viols de la mémoire ou sa dilution , les élans tout lucréciens, proches des aspirations écologiques, ne lui auront pas échappé , il aura perçu les questionnements existentiels, les allusions mystiques faisant écho aux invocations de Hölderlin, Rilke ou, plus proche de nous, Celan.

Katarina Frostenson a traduit en suédois Maurice Maeterlinck, Georges Bataille, Emmanuel Bove, Marguerite Duras, Bernard-Marie Koltès.

Katarina Frostenson s'est vu décerner la plupart des grand prix littéraires suédois (Bonniers, Bellman, Erik Lindegren, Ferlin, Ekelöf, Radio Suédoise, Litteris et Artibus)

* Membre de l'Académie suédoise, chevalier de la Légion d'Honneur.


Saila Susiluoto (Finlande)




Herbert Lomas sur les poèmes de Saila Susiluoto. Traduit par Christian le Bras :

En italien, Stanza signifie pièce, chambre, et par extension demeure. Un titre qu'aurait pu porter le second livre de Saila Susiluoto, Huoneiden kirja ('Le livre des chambres', WSOY, 2003). Comme le poète anglais John Donne l'affirmait déjà au 17è siècle : « Nous bâtirons dans nos sonnets de ravissantes chambres ». Les poèmes de Susiluoto, eux, ne sont pas des sonnets mais des poèmes en prose, des salles imaginaires peuplées de sentiments réels. Pas jolies, ces chambres, mais simplement belles, meublées d'échos lyriques, riches d'une expérience vécue.

Le personnage principal, entouré d'une foule de protagonistes secondaires, femmes, hommes, enfants, est une jeune fille : « Le chagrin m'a percé de part en part, sous la forme des gens », dit-elle. Ces personnages pensent qu'il y a bien des façons de traverser les choses ou de s'en approcher. Ils suivent les signes disséminés sur leur route, à partir du rez-de-chaussée (presque un sous-sol) d'une maison pleine de courants d'air, jusqu'au quatrième étage, endroit tout aussi fluctuant.

Si ces pièces sont de toute évidence celles du psychisme, elles n'en sont pas moins des endroits de vie, meublés, qui possèdent une identité positive, une baraka, comme on désigne en arabe l'atmosphère que son occupant confère à une pièce. Même si ces pièces n'existent que dans l'imagination de l'auteur, elles présentent toutes les caractéristiques d'endroits habités, émotionnellement comme intellectuellement. Chaque maison est une personne, avec tous ses étages et tous ces personnages qui l'habitent, certains des ancêtres, d'autres des états antérieurs du moi, ou encore des gens que nous avons aimés autrefois, ou des enfants non encore nés.

Susiluoto (née en 1971), en tant que poète, est bien sûr différente. Sinon, comment pourrait-elle discerner ce que les autres voient sans voir ? Être soi-même, que ce soit dans la vie ou dans les livres, demande une profonde originalité. Pas si facile qu'on le croit. Rien à voir avec la technologie, qui consiste à repousser une frontière supposée, mais bien avec l'art. Mozart disait de sa musique qu'elle n'avait rien de plus original que son nez , de même, les poèmes de Susiluoto n'ont rien de plus original que les empreintes laissées par ses doigts ou ses pieds. Et pourtant, ses préoccupations recoupent celles d'autres poètes, comme par exemple Lewis Carroll, ou encore les orientaux. Chaque page présente un hexagramme différent du I Ching, le Livre des changements chinois, qui forment un code occulte ou un commentaire nous invitant à nous aventurer à la découverte de la maison.

Le premier volume de Saila Susiluoto, Siivekkäät ja Hännäkkäät ('Avec ailes et queues') lui avait valu le Prix Kalevi Jäntti pour jeunes écrivains en 2001. Ses poèmes tirent pleinement parti de la forme de poésie en prose, genre difficile et peu prisé, en Grande-Bretagne par exemple, mais capable de créer des rythmes différents de ceux de la prose comme de la poésie, rythmes parfaitement adaptés à la sensibilité de l'auteur. Son imagination poétique, si elle s'inspire du surréalisme comme du réalisme, ne saurait être assimilée à l'une ou l'autre de ces approches. Les mots et les choses ordinaires y sont transfigurés, la réalité devient imaginaire et crée des pièces dans lesquelles le lecteur peut s'installer et développer ses visions, pour autant qu'il accepte l'invitation à devenir le co-créateur de la réalité de la pièce. Ensuite, et c'est bien là le pouvoir de la poésie, il pourra s'épanouir, découvrir les potentialités qui existent en lui.


Ursula Andkjær Olsen (Danemark)


Ursula Andkjær Olsen est née en 1970 à Copenhague. Elle est diplômée de l'Ecole des Ecrivains et a fait aussi des études de musique et de philosophie. Son œ,uvre est essentiellement poétique. Elle fait ses débuts en 2000 avec le recueil Lulus taler og sange (Les discours et les chansons de Lulu). Havet er en scene (La mer est une scène), son cinquième recueil, date de 2008 et a été sélectionné pour Le grand Prix littéraire du Conseil Nordique en 2009.

Si La mer est une scène est le titre du recueil, la mer s'avère être plusieurs scènes, un univers polyphonique où tous les clichés et les proverbes de la langue danoise sont repris et subvertis. Une dualité parcourt tout le recueil : féminin / masculin, bien / mal, vie / mort, beauté / laideur, ciel / enfer, passé / futur, sommeil / éveil.

La première partie est une sorte de dialogue entre les voix « Voile dit » et « Tu rêves ». Ensuite viendront « Glaive gueule » puis « Some soldier wrote », cette dernière voix étant des extraits de blogs de soldats américains d'Irak et d'Afghanistan retravaillés par Ursula Andkjær Olsen. Le dernier « couple » de voix est « J'écris » en face de « Qu'aurait-elle bien voulu dire ? ». Dans chaque partie, se trouve « Une audition pour la vie sans conflit » où les trois personnages Renarde, Chant et Sage attendent des candidats potentiels en s'interrogeant sur l'utilité et l'intérêt de la vie sans conflit ainsi que sur les idéaux des années 70. Le poème qui relie ce tourbillon de voix est « La mer ». Dans le recueil, « La mer » coule en bas de chaque page, courant qui se pose des questions et se répond à lui-même.

La poésie d'Ursula Andkjær Olsen est d'une très grande force et d'une très grande brutalité, elle mêle l'universel au contemporain et elle utilise avec virtuosité la mélodie très particulière de la langue danoise. Les allitérations et assonances créent un langage fluide qui forme un courant dont le rythme irréversible bouleverse les catégories de l'univers en une symphonie assourdissante, où, parfois, des silences et des soupirs insèrent une tendresse poignante et fragile qui disparaît presque aussitôt, broyée par la violence du flot.

Dans cette cosmogonie de l'absurde la polyphonie permet de s'interroger sur les multiples interprétations du monde, de rassembler tous les espoirs, toutes les vieilles lunes pour les passer au crible et tenter de créer une nouvelle modernité dans une réflexion obsédante sur le devenir du monde. Mais pas de didactisme, le langage prévaut, le langage est tout-puissant chez Ursula Andkjær Olsen, tout est spectacle dit par les divers éléments qui chahutent allégrement les rôles et les genres, la nature est sur scène et brasse une circularité où s'entremêlent la langue danoise, les termes anglais, la prose, la poésie, les jeux de mots, les proverbes, les faits divers, les références bibliques, la subtilité précieuse et la vulgarité jubilatoire. Les mots et les sons happent ceux qui les écoutent se heurter et les entraînent sur scène dans l'oeil du cyclone.



Les éditions du Murmure

Pour Salut Poètes ! 2011, quatre anthologies seront publiées par les éditions
du Murmure. Ce sont donc douze poètes du Septentrion que vous
pourrez apprécier. Vous rencontrerez à Dijon, un poète publié dans chacun
des volumes.

Depuis 2005, la maison d'édition que dirige David Demartis a publié, dans le cadre de Salut Poètes ! : Trois poètes polonais, Trois poètes espagnols, Trois poètes portugais, Trois poètes hongrois, Trois poètes wallons. Ces cinq anthologies forment aujourd'hui une véritable collection.

Comme les
précédentes, ces nouvelles anthologies (norvégienne, suédoise, finlandaise,
danoise) seront présentées en édition bilingue.
http://editions-du-murmure.fr


La Voix des mots est une association qui invite des poètes pour des rencontres et des lectures spectacles. Festival annuel, ateliers d'écritures et formations.
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Lire également : Salut Poètes ! à Dijon : Programme



Par Nicole Salez

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