BNP Paribas : une femme au Conseil d'Administration

Daniela Weber-Rey - Interview

Elle siège au Conseil d'administration de BNP Paribas depuis mai 2008. Elle en est une des cinq femmes sur 18. Daniela Weber-Rey est avocate, allemande et réside à Francfort. Elle a trois enfants et a construit sa vie professionnelle entre les Etats-Unis et l'Europe. Daniela Weber-Rey répond à nos questions.




Vous êtes une des cinq femmes présentes au Conseil d'administration de BNP Paribas depuis 2008. Comment, vous qui êtes avocate, partenaire du cabinet d'avocats Clifford Chance à Francfort, avez-vous été choisie pour être membre du CA de BNP Paribas ?

Daniela Weber-Rey : Je ne sais pas précisément comment BNP Paribas m'a remarquée. Il est vrai que je travaille depuis longtemps dans le domaine de la banque et des assurances, avec comme spécialisation les fusions acquisitions. J'ai traité de nombreux dossiers en France J'interviens auprès de la Commission européenne comme expert sur la gouvernance d'entreprise. Je parle français.
Le secrétaire du Conseil d'administration m'a contactée et a proposé ma candidature qui a été retenue par le Comité des nominations. De mon côté j'ai vérifié la compatibilité entre mes fonctions au sein de Clifford Chance et mon siège dans le conseil d'administration de BNP Paribas. Simultanément en Allemagne j'ai été nommée membre de la Commission gouvernementale de la gouvernance d'entreprise. Cette commission dépend du ministère de la Justice et je suis la seule femme à y siéger.

Votre pratique au sein du Conseil d'administration de BNP Paribas est-elle différente de celle que vous connaissez en Allemagne ?

Daniela Weber-Rey: En Allemagne je ne siège pas dans un Conseil d'administration mais interviens en tant que conseiller.
Les systèmes en France et en Allemagne sont différents.
L'Allemagne dispose d'un système à deux niveaux. Le conseil de surveillance ne compte aucun représentant du comité exécutif. Cela a l'avantage de distinguer clairement la séparation des pouvoirs. Le désavantage est cependant que le conseil de surveillance est éloigné des exécutifs et par là moins impliqué dans la réflexion stratégique . En France on retrouve dans le conseil d'administration des exécutifs et des non-exécutifs, ce qui donne le sentiment d'être plus impliqué.

Le Conseil d'administration de BNP Paribas compte 5 femmes sur un total de 17 administrateurs. Constatez-vous que les femmes, et vous personnellement, portent un regard différent de celui des hommes sur les dossiers dont vous avez à discuter ?

Nous avons entre nous des échanges ouverts. Je ne vois pas de différences entre femmes et hommes dans la façon d'aborder les dossiers. Je suis la 4e femme nommée dans ce Conseil d'administration. Donc, le conseil de la BNP Paribas était déjà bien habitué d'avoir des femmes parmi lui. Je ne vois pas non plus de différences dans la Commission gouvernementale en Allemagne. Même si je suis la seule femme, je ne me tais pas parce qu'il n'y a que des hommes.

Les questions de parité dont on parle beaucoup en France sont-elles à vos yeux d'un intérêt réel ?

Daniela Weber-Rey : Personnellement je veux qu'il y ait beaucoup plus de femmes dans des positions de pouvoir. Il faut poursuivre une approche plus hétérogène pour permettre des différents points de vue.. Je m'intéresse à la parité, à la mixité et particulièrement à la politique de diversité de BNP Paribas. Je suis intervenue devant un groupe de femmes executive. Mais ceci est indépendant de mon rôle dans le Conseil.
Il y a également des secteurs d'activité dont la production doit requérir les points de vue féminins. C'est particulièrement vrai dans l'industrie automobile, la nutrition, la parfumerie... C'est moins vrai par exemple, dans la banque et l'assurance.

En France, la loi impose désormais aux entreprises cotées une meilleure mixité des conseils d'administration et des conseils de surveillance. Pensez-vous que le recours aux quotas soit une bonne disposition pour faire évoluer les équilibres ?

Daniela Weber-Rey: Cela m'est difficile de répondre. En Allemagne il y a beaucoup moins de femmes dans les directions d'entreprises, dans les conseils. Les infrastructures sociales, comme les crèches qui permettent aux femmes de travailler sont peu nombreuses. La mentalité même est très différente. Une récente enquête portant sur le temps qu'une femme doit rester auprès de son bébé après sa naissance. L'opinion générale estimait ce temps en moyenne à 9 mois en France...et 3 ans en Allemagne de l'Ouest, c'est-à-dire des anciens Länder. Il convient de préciser que le temps se réduit à 11 mois dans les régions de l'ex-Allemagne de l'Est. La société en Allemagne n'est pas prête pour les quotas, et les Allemands —, surtout les hommes d'un certain âge —, y semblent très opposés.

En France, on voit plus facilement les avantages des quotas. Les femmes travaillent. Elles bénéficient des conditions favorables à l'activité. Elles accèdent déjà aux postes de direction. Les quotas, c'est le coup de pouce supplémentaire.

L'Etat fédéral ou les Länder ont-ils fait quelque chose en ce domaine ?

Daniela Weber-Rey : La commission gouvernementale recommande aux entreprises de se fixer des objectifs pour accroître « à un niveau adéquat » la représentation des femmes dans les cadres dirigeants, les Comités exécutifs et les Conseils d'administration. La recommandation est plutôt floue. Ce qui l'est moins c'est que les entreprises doivent rendre publics ces objectifs, les calendriers pour les atteindre et pour ce qui concerne les conseils d'administration faire le point chaque année sur leurs évolutions. Autant dire que la publication du rapport suscite des tensions, les entreprises d'un même secteur étant amenées à se comparer devant le regard de l'opinion publique.
Sur les quotas, le débat est très ouvert, même si le but n'est que de 30%, la Chancelière et la Ministre de la Justice n'en veulent pas. La Ministre de la famille, âgée de 34 ans, souhaite faire pression grâce à la transparence dans le comportement des entreprises. Seule la Ministre des affaires sociales y est favorable.

Vous avez un parcours personnel extrêmement riche. Pourriez-vous en décrire les lignes principales ? Pensiez-vous, étant enfant ou adolescente, pouvoir réaliser un tel parcours ?

Daniela Weber-Rey : J'ai commencé par travailler à New York où j'ai ouvert la première antenne de notre cabinet hors de Francfort. J'y ai passé trois ans. C'est là qu'est né le premier de mes trois enfants, âgés aujourd'hui de 24, 22 et 19 ans.Nous sommes revenus en Allemagne où mon mari était muté. J'ai été chargée des relations avec Moscou, Londres, puis ai développé les relations du cabinet avec la France.
Je ne me suis jamais arrêtée de travailler. La question ne s'est même jamais posée. Autour de moi ce choix était rarissime. J'ai suscité l'admiration des uns et les critiques des autres. Et cela n'a pas changé depuis 25 ans. Je ne fais pas partie du modèle allemand ! De ce point de vue ma famille était traditionnelle. Ma mère ne travaillait pas. Mais ma sœ,ur et moi avons fait une carrière dont nous sommes fières. Il est vrai aussi que nous avons aussi choisi des époux en accord avec nos personnalités. Le sien est hollandais. Le mien est français.

Par Elsa Menanteau
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