Art Vestimentaire Oriental : Origine - Techniques

'L'Orient des femmes vu par Christian Lacroix' se tient du 8 février au 15 mai 2011 au musée du quai Branly, à Paris. Origine et techniques de l'Art vestimentaire oriental qui y est présenté à travers les somptueux costumes et bijoux nés du talent et de la créativité des femmes orientales.


A l'ombre du mûrier. L'histoire mythique de la soie

Les origines de la soie se perdent dans la nuit des temps et nombre de légendes peuplent son histoire.

On remonte la connaissance de la soie à 3 000 ans avant notre ère. Une légende du Livre des odes de Confucius évoque comment la princesse Xi Ling Shi, épouse de l'empereur Haong-Ti, découvre le moyen d'élever les vers à soie et de filer la fibre. Très rapidement, les Chinois s'aperçoivent de sa valeur et des richesses qu'ils peuvent en tirer. Dès l'Antiquité, ils exportent la soie par les voies terrestre et maritime. Ces routes sont nommées au 19e siècle, routes de la soie. Ce n'est qu'au 6e siècle, que des moines rapportent les précieuses graines de mûrier à l'empereur byzantin Justinien, dans des cannes de bambou évidées.

La fabrication de la soie se développe tout autour du bassin méditerranéen, en Turquie, en Syrie, au Liban. Le tissage de la soie, qui a déjà gagné une réputation extraordinaire en Perse, va s'installer après les conquêtes arabes, à Damas, Bagdad, puis Alméria en Espagne.
En 1283, on dénombre déjà 4 000 métiers à tisser à Tripoli (Nord du Liban) et Acre devient alors le plus grand port exportateur de soieries.

Au 17e siècle, le Liban rejoint la filière de la soie. C'est à partir de ses ports que les ballots de soie sont acheminés vers Venise, Gênes ou Marseille par voie maritime.

Entre 1830 et 1854, la production de la soie traverse en France une période de prospérité. Le tissage de la soie se mécanise à cette période et se développe rapidement. Les progrès sont tels, en particulier dans la région de Lyon, que la sériciculture française ne suffit pas à répondre à la demande. Dans les années 1830, les soyeux lyonnais entreprennent la fondation de plusieurs dizaines de filatures de soie à vapeur au Liban. Ces établissements voient le jour sur les hauteurs du Mont Liban central et dans les montagnes du Chouf au sud-est de Beyrouth.

Le problème de la main d'œ,uvre féminine se pose dès le départ. En effet, les traditions locales sont peu favorables au travail des femmes aussi bien dans les communautés chrétiennes que druzes. Le clergé chrétien y voyait une occasion de « débauche sexuelle ». Pour pallier ce problème, les soyeux français font appel à des ouvrières fileuses de France.
Ce n'est qu'à partir de 1860, alors que les affrontements entre Maronites et Druzes entraînent le repli des filateurs français, que les premières femmes libanaises font leur entrée sur le marché du travail dans les magnaneries.

Les pièces de monnaie que les femmes obtenaient étaient souvent thésaurisées sous forme d'ornements accrochés à leurs coiffures. Ces sequins constituaient pour elles une forme de protection, une sécurité financière.


La teinture

L'origine des techniques de teintures est, aujourd'hui encore, largement méconnue.

Ce qui est connu, en revanche, est la capacité des premiers teinturiers à teindre en bleu les fibres animales pour confectionner des ouvrages textiles colorés, dès 6000 av. J.-C., comme en témoignent les découvertes effectuées sur le site néolithique de Çatal Hüyük en Anatolie.

Au 2e millénaire av. J.C., trois couleurs sont attestées de manière prépondérante au Proche- Orient : le rouge, le bleu ainsi que la célèbre couleur pourpre.

De l'Antiquité jusqu'au 19e siècle, de très nombreuses matières colorantes naturelles sont utilisées pour la teinture des textiles dans l'Orient méditerranéen. Certains de ces produits se sont fortement imposés comme la garance, le kermès et la laque des Indes pour les rouges, l'indigo pour les bleus, le safran pour les jaunes ou la noix de Galles pour les marrons. Parmi les autres produits naturels employés on trouve les écorces de noyer et de mûrier, la camomille, les racines de curcuma ou le sumac.
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LE ROUGE ET LE BLEU

Garance des teinturiers

La garance est une herbe vivace probablement originaire de Perse et de l'Est du bassin méditerranéen. Sa fleur est d'un blanc jaunâtre et ses fruits sont de petits « pois » noirs. C'est dans ses racines qu'est localisée la matière colorante rouge, couleur la plus chargée de sens pour les hommes depuis la préhistoire.

Au 13e siècle, l'omniprésente garance est cultivée à Tripoli (nord du Liban), dans les environs de Damas (Syrie) ainsi qu'en Haute Mésopotamie. Bien plus économique et beaucoup plus répandue que la pourpre, la garance était par excellence la teinture des vêtements des gens du peuple.

Isatis tinctoria

Le pastel des teinturiers ou isatis tinctoria est une plante tinctoriale à l'origine de tous les tons de bleu. En effet, ses feuilles fournissent un pigment contenant de l'indigo.

Originaire de la Méditerranée orientale, cette plante est employée dès le néolithique pour la teinture des fibres textiles. Ce sont les Arabes qui introduisent sa culture dès le 9e siècle dans toute la Méditerranée musulmane. Le géographe arabe Al- Muqaddasi, qui vivait au 1 0e siècle, signale l'importance de la production d'indigo à Jéricho, en Palestine.

De son côté, un grand botaniste et géographe du 12e mentionne que l'indigo est la principale culture du Ghôr, vallée profonde du Jourdain et de la mer Morte.
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La broderie, un art millénaire

Origine

La pratique de la broderie remonte à la plus haute antiquité.
La découverte sur le site préhistorique de Tell Aswad (en Syrie) d'une empreinte de tissu brodé sur de la terre qui a cuit accidentellement, datée entre 8200 et 7500 av. J.-C., fournit un repère important dans l'histoire de la broderie. L'existence d'étoffes brodées au Proche-Orient nous est également rapportée par les textes anciens, notamment la Bible. Une page dans le livre d'Ezéchiel évoque la prospérité de Tyr : «...Les marchands de Séba, d'Assyrie... trafiquaient avec toi...en manteaux teints en bleu, en broderies...».

A partir des conquêtes arabes, l'histoire de la broderie va se lier étroitement au pouvoir califal. Le luxe des cours et le faste du cérémonial princier stimulent la production de somptueux vêtements brodés d'ornements épigraphiques.



Sous les Fatimides d'Egypte (960-1171) et sous le califat de Cordoue (929-1031), les broderies d'or et d'argent s'étalent à profusion sur les habits d'apparat des souverains et des dignitaires.

L'art de la broderie prend son véritable essor sous la dynastie des Ayyoubides (1171-1250) : les décors tissés cèdent la place aux décors brodés et les motifs animaliers et végétaux remplacent les bandeaux calligraphiés. La découverte, dans une grotte de la montagne libanaise, de tuniques à plastrons brodés, exécutées au 13e siècle, confirme ce changement de mode.

L'expansion ottomane en Méditerranée au 16e siècle achève de populariser l'art de la broderie. Des ateliers impériaux, elle gagne les foyers et devient l'apanage des femmes. Vêtements, nappes, tentures, serviettes de bains, coussins sont désormais recouverts de broderies aux fils de soie mêlés de fils d'or et d'argent. Le goût pour les ouvrages brodés se propage et s'affirme dans toutes les provinces de l'empire.

Les points

La broderie est connue dans le monde arabe sous le nom de tatrîz. Cet art, qui consiste à poser des
milliers de points sur un support, de l'envahir, de l'affubler de signes, nécessite l'alliance de la passion et de la patience. Dès sa plus tendre enfance, la petite fille prépare le trousseau de mariée qu'elle emportera en quittant son foyer pour de nouveaux horizons. Elle coud et brode aux côtés de sa mère qui lui transmet progressivement ce langage des points.



D'un morceau de lin ou de coton elle façonne les pièces de son trousseau : robes, vestes, coiffes, mouchoirs... Ses vêtements de noces sont les plus brodés, son trousseau peut en compter jusqu'à treize !

La palette des points varie peu. Le point de croix est le plus utilisé, mais on trouve aussi le point de tige, le point de chaînette, le point lancé et le passé plat permettant de couvrir de larges surfaces de tissu. Il existe une forme de broderie typique de Bethléem : la broderie en couchure connue également sous la dénomination « point de Boulogne ». Cette technique emploie de fins cordonnets de soie ou des fils de métal fixés au tissu par de petits points de couture régulièrement espacés. Ce point permet d'obtenir des décors très denses.

Ce sont les femmes, impressionnées par les somptueuses broderies ornant les vestes des soldats ottomans et les robes des prêtres, qui ont introduit cette broderie. Celle-ci fera, pendant plusieurs décennies, la renommée de Bethléem.


Les motifs


Les motifs brodés des costumes orientaux sont d'une extrême richesse et de grande variété.

Certains de ces motifs ont traversé inlassablement les lieux et les siècles : le soleil, la lune et l'étoile qui occupent les « régions d'En-haut » ou encore l'arbre de vie, symbole d'immortalité plusieurs fois millénaires. Les motifs géométriques prennent aussi une place importante. Triangles, carrés, losanges, rectangles, forment des compositions denses et tapissantes. Le triangle, désigné par le terme hijab, est investi du pouvoir de repousser les forces du mal. La superstition entre d'ailleurs dans de nombreuses décorations brodées de ces régions où des fils de couleur bleue sont ajoutés sur les broderies pour chasser le mauvais œ,il. Les brodeuses s'inspirent aussi souvent de leur environnement dans leurs créations. Les branches d'oranger, de pommier, la vigne, les cyprès, les palmiers, les œ,illets et les oiseaux y sont représentés.



Source : texte tiré du catalogue de l'exposition 'L'Orient des femmes vu par Christian Lacroix'

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- Exposition 'L'Orient des femmes vu par Christian Lacroix'
- du 8 février au 15 mai 2011
- au musée du quai Branly, 55 Quai Branly - 75007 Paris
- Horaires : de 11:00 à 19:00 : Dimanche, Lundi, Mardi, Mercredi/ de 11:00 à 21:00 : Jeudi, Vendredi, Samedi
- Entrée : Plein tarif : 9 € /Tarif réduit : 6 €
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Par Nicole Salez

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